« Pour une souveraineté numérique »

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon nouveau livre « Pour une souveraineté numérique » aux éditions « Le Savoir Suisse ».

L’essor des nouvelles technologies pose d’importants problèmes de souveraineté. Les grandes multinationales du secteur utilisent leur taille et leur pouvoir de marché pour violer les prérogatives des États en imposant leurs règles ou en influençant la création des lois en fonction de leurs intérêts, tout comme les puissances étrangères. Ingérence dans les politiques publiques, perturbation du débat démocratique au moyen d’algorithmes, privatisation du droit, contournement des législations nationales : les atteintes à la souveraineté sont multiples. Pourtant, le débat actuel sur la souveraineté numérique en Suisse se limite souvent à un aspect assez marginal : le lieu de stockage des données. Mon ouvrage brosse un panorama des problématiques que soulève la révolution technologique et présente des propositions, en matière de droit ou d’infrastructures, pour rétablir cette souveraineté et la pérenniser.

La souveraineté numérique, ce n’est pas seulement le lieu où on stocke nos données (et le droit qu’on y applique) : c’est, pour les collectivités publiques, rester souveraines dans toutes leurs tâches, toutes leurs décisions et dans la manière de fixer leurs règles dans un contexte de révolution numérique.

En Suisse, c’est la Suisse et ses institutions démocratiques (Confédération, cantons, communes, peuple) qui dictent nos règles (quelles qu’elles soient) et la façon de les élaborer. Et pas les GAFAM, NATU et autres BATX. Ni les Etats d’où ces entreprises sont originaires.

176 pages
ISBN 978-2-88915-561-3

Vous le trouverez dans toutes les bonnes librairies ou sur https://www.savoirsuisse.org/ https://www.savoirsuisse.org/produit/229/9782889155613/pour-une-souverainete-numerique

Responsabilité judiciaire des réseaux sociaux: succès parlementaire a posteriori

Le Conseil fédéral propose aujourd’hui de mettre en oeuvre ma proposition d’obliger les réseaux sociaux à avoir une représentation juridique en Suisse. Avec Christian Levrat, nous avions déposé deux motions identiques en 2016 (la mienne, la sienne) pour que les réseaux sociaux aient un représentant en Suisse, qui soit en mesure de collaborer avec la Justice. Elles ont été retirées au profit d’une motion de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats.

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Une IA pour traiter les interventions parlementaires : un pas vers l’automatisation de la démocratie (et donc sa fin ?)

Le magazine en ligne inside-IT rapporte que l’administration cantonale zurichoise a fait des tests d’usage d’intelligence artificielle (IA), notamment pour identifier là où il serait nécessaire de poser des garde-fous pour que ces usages soient conformes au bien commun, transparents, contrôlables et équitables. Une plutôt bonne idée, quand on sait que l’usage de l’IA, qui contrairement à ce qu’on croit, n’est en soi pas plus objective, neutre et rationnelle que les humains qui l’ont conçue, même si elle est faite de chiffres, de données et de processus qui ont l’air logiques. Cette idée est toutefois plutôt dangereux pour la démocratie telle que nous la connaissons et l’apprécions.

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A quoi pourrait bien ressembler le nouveau statut « spécial Uber » réclamé par le PLR ?

En plus d’être aveuglé par cette licorne-disruptive-deux point zéro-super innovante qu’est Uber (c’est en tout cas l’avis de certaines personnes), le PLR a certainement vu dans l’arrivée de cette plateforme une aubaine pour déréguler le droit du travail. Probablement espérait-il que le modèle où la plateforme n’est qu’un intermédiaire entre clients et prestataires indépendants finirait par s’imposer (comme en rêvait Uber, mais aussi d’autres plateformes actives dans d’autres domaines comme Batmaid). Des milliers de travailleurs pseudo-indépendants auraient été poussés vers l’indépendance totale, ce qui aurait été désastreux pour leur protection sociale. Mais que voulez-vous, la disruption et l’innovation sont à ce ce prix !

Comme le Tribunal fédéral a – notamment grâce à la ténacité du Canton de Genève et des syndicats – confirmé que les employés d’Uber sont des salariés et non des indépendants, tout est à refaire pour les fans de dérégulation. Mais plutôt que d’exiger de la multinationale californienne et de ses consoeurs disruptives qu’elles adaptent leur modèle d’affaire, le PLR s’aplatit devant elles et propose de modifier notre droit pour créer un nouveau statut ni-complétement travailleur, ni-complétement indépendant (ci-après : statut « ni-ni »), taillé sur mesure pour les besoins des plateformes. Il s’agirait concrètement de créer un nouveau statut hybride pour les travailleurs de plateforme (qui ne seraient justement plus totalement des « travailleurs »), en s’inspirant du modèle du « worker » britannique ou du statut qu’Uber et sa concurrente Lyft sont parvenu à faire accepter par le corps électoral californien (grâce à une des campagnes politique les plus chères qu’ait vécu cet Etat). Selon ses auteurs, ce nouveau statut « ni-ni » devrait « être inscrit dans le code des obligations en tant que forme alternative au contrat de travail » et ne contiendrait qu’une protection contre « certains risques sociaux ». Mais pas tous. Et c’est justement l’intérêt du point de vue des plateformes. Une première mouture de cette proposition affichait d’ailleurs clairement la couleur : « Ce statut offrira une certaine couverture sociale, mais elle sera moins favorable que celle d’un salarié. ». Le PLR prétend aussi que ce nouveau statut permettrait une flexibilité que le contrat de travail n’a pas ; mais probablement n’a-t-il pas bien compris comment fonctionne le droit suisse du travail, car sinon, il saurait que cette flexibilité existe déjà, mais que c’est juste Uber & co. qui ont décidé de ne pas s’en servir.

Quoi qu’il en soit, c’est quand on examine ce que pourrait contenir – ou pas – ce nouveau statut « ni-ni » qu’on constate qu’en réalité, ce nouveau type de contrat n’aurait qu’une seule conséquence : reporter les risques (et leurs coûts) sur la collectivité. Pour s’en assurer, il suffit de comparer le statut de travailleur et celui d’indépendant en droit suisse.

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Le droit suisse du travail est-il aussi peu flexible que ne le dit Uber ?

Le Tribunal fédéral (TF) a confirmé ce dont aucun spécialiste de droit du travail ne doutait : les employés d’Uber ne sont pas des indépendants et lui sont liés par un contrat de travail. Uber n’a pas manqué de protester, arguant que ses chauffeurs « ont clairement exprimé leur souhait de rester indépendants, de conserver leur flexibilité et d’être leur propre patron »*. Uber sous-entend ainsi que le droit du travail auquel sont soumis ses employés ne serait pas assez flexible et les empêcheraient de se sentir « leur propre patron ». Mais si on examine un peu les règles suisses en matière d’organisation du travail et le pouvoir de direction de l’employeur, on se rend compte qu’en réalité, notre droit permet de laisser une liberté énorme aux travailleurs.

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Libérer les hôtels de la tutelle de booking.com est-il une entrave à la liberté contractuelle ?

Réponse : oui. Mais cette entrave est vraiment justifiée. Qui plus est par des arguments en faveur du libre marché et de la concurrence efficace. Il y a donc de quoi être surpris quand on voit à quel point la frange la plus (ultra)libérale du Parlement fédéral est vent debout contre cette proposition (la « lex booking.com »). Ce qui est aussi très surprenant, c’est que, dans ce dossier, le PLR tient une position hostile aux PME suisses, à l’innovation et à la souveraineté numérique. Mais reprenons depuis le début.

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Les droits et devoirs des employé-e-s en cas de cybermenaces et cyberattaques

La récente vague de cyberattaques pose plusieurs problèmes de droit du travail. Récemment une importante gérance immobilière lausannoise a vu ses activités paralysées pendant plusieurs jours à cause d’un rançogiciel (ransomware) ; ses employé-e-s auraient été forcés de prendre des vacances et des congés sur ces jours où il n’était plus possible de travailler, ce qui est totalement illégal. Comme les cybermenaces ne vont certainement pas diminuer, voici un petit aperçu des questions que cela pose en matière de droits et devoirs des personnes concernées. Ces conseils s’appliquent aux contrats de travail de droit privé suisse, mais les principes sont généralement assez similaires pour les contrats de travail de droit public (notamment ceux des employé-e-s communaux-ales).

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Sélection et embauche par des algorithmes: que dit le droit du travail ?

Comme le révélait récemment le « Tages-Anzeiger », les algorithmes sont de plus en plus utilisés lors de l’embauche de nouveaux collaborateurs par des entreprises suisses (comme la Migros, La Poste, les CFF, Crédit Suisse, Axpo, Helsana ou encore UBS) . Il existe en effet un nombre croissant d’outils informatiques qui permettent de trier les dossiers de candidatures, de les évaluer, voire de mener un entretien d’embauche via un « chatbot » ou même un véritable robot. Dans certains cas, cela a lieu sans aucune intervention humaine.

Si elle facilite grandement la tâche des employeurs et leur fait économiser un temps considérable, en particulier ceux qui font face à un très grand nombre de candidatures pour les postes qu’ils mettent au concours, l’utilisation d’algorithmes ne va pas sans poser des problèmes de droit du travail. J’avais traité cette question (avec celle du licenciement prononcé par un algorithme… dont je reparlerai une autre fois), dans un article scientifique paru l’an dernier (« Quand les algorithmes embauchent et licencient », in Müller/Rudolph/Schnyder/von Kaenel/Waas (éd.), Festchrift für Wolfgang Portmann, Zurich 2020 ). En voici un résumé (pour les références complètes, se reporter au texte original).

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Privatisation de l’identité électronique (passeport numérique) : réponse à quelques arguments des partisans

Le 7 mars, le peuple se prononcera sur la loi sur les services d’identification électronique (LSIE), qui créerait un identifiant électronique officiel. Mais cet identifiant serait émis et contrôlé par des entreprises privées. Ce ne serait donc rien d’autre que la privatisation du passeport numérique et je m’y oppose fermement.

Même si les sondages sont pour le moment plus favorables au camp du non, il est important de convaincre les derniers-ères indécis-e-s, car chaque voix va compter. Voici pour cela une réponse à quelques-uns des principaux arguments du camp du oui.

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Mon bilan de législature (3) : informatique et cohésion sociale

Mon dicastère comporte aussi les dossiers consacrés aux affaires sociales ainsi qu’à l’informatique et Internet. C’est ce dont je vais vous parler pour ce troisième (et dernier) épisode de mon bilan de législature 2016-2021.

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