Chroniques de souveraineté numérique II : souveraineté et noms de domaines territoriaux (ccTLD)

Le lancement du nom de domaine de premier niveau .swiss (en complément de .ch) relance la discussion sur la dénomination territoriale de ces territoires numérique que sont les sites internet. S’il y a bien un domaine où souveraineté numérique et souveraineté territoriale se recoupent, ce sont les noms de domaines nationaux de premier niveaux (country code top-level domain ou ccTLD) tels que .ch ou .fr. Ces noms de domaines permettent aux Etats de marquer une forme de « domination territoriale » sur les sites internet et de s’affirmer en tant qu’entité souveraine dans l’espace numérique, ce qui facilite l’application de leur droit aux contenus des sites en question (même si ce n’est pas le seul critère pour appliquer le droit d’un pays à une situation numérique, ce qui est une autre histoire). C’est certes parfois symbolique, mais l’expression de la souveraineté passe beaucoup par les symboles, comme les drapeaux plantés sur les territoires que l’on revendique.

Généralement, les noms de domaines qui relèvent d’un ccTLD sont attribués souverainement par les Etats. Mais pas toujours. Ainsi, Niue, État de Polynésie, ne peut administrer « .nu » (ni gérer ses importantes retombées économiques), car ce ccTLD est contrôlé par la Fondation suédoise de l’Internet (Internet Stiftelsen), ce que les autorités du petit pays insulaire considèrent comme du « néocolonialisme » (mais elles ont perdu devant les tribunaux en 2020). Il en va de même des domaines de premier niveau régionaux, comme « .patagonia » ou « .amazon » revendiqués par les entreprises ainsi nommées au titre du droit des marques, alors qu’il s’agit aussi – et d’abord ! – de régions géographiques et administratives d’États souverains (même si, en l’espèce, ces régions s’étendent sur plusieurs Etats). Parfois, les questions de souveraineté s’étendent à des TLD sans lien avec un territoire, comme avec « .catholic », revendiqué par l’État de la Cité du Vatican.

Au niveau des cantons (eux-aussi souverains dans les limites des compétences de la Confédération), seul Zurich a fait le pas d’un TLD cantonal (.zuerich), introduit en 2021. Vaud aurait pu être pionnier (avec plus de dix ans d’avance sur la métropole alémanique), mais le Grand conseil vaudois n’avait à l’époque pas été convaincu par ma proposition de créer .vaud. Schade !

Cette deuxième chronique de souveraineté numérique fait suite à la parution de mon livre sur le sujet, publié dans la Collection « le Savoir suisse ».

Pour lire les autres chroniques

Chroniques de souveraineté numérique : épisode I, les commentaires anoymes

Pour 2024 et suite à la parution de mon livre « Pour une souveraineté numérique », j’inaugure une série de « chroniques de souveraineté numérique », qui traiteront de sujets d’actualité liés à cette problématique. J’espère réussir à être plus assidu que ces derniers mois, où, je l’avoue, mon blog a été fort peu fourni.

Bonne lecture et heureuse année 2024 !

Le Conseiller aux Etats Maura Poggia (MCG-UDC/GE) a déposé une motion pour obliger les sites de médias suisses bénéficiant des subventions d’aide à la presse à lutter contre les commentaires anonymes, sous peine de perte ladite subvention. Il est vrai que les commentaires sur ces sites sont un fléau et ne font pas avancer le débat démocratique d’un iota, surtout lorsqu’ils sont anonymes. Pis, ils permettent souvent à leurs auteurs de dépasser les bornes de la bienséance, de la courtoisie, du respect, des principes d’un débat démocratique, voire du droit pénal (délits contre l’honneur, haine raciale ou homophobe, etc.). Ce que ces auteurs ne se permettraient souvent pas s’ils étaient identifiés. Alors membre du Conseil national, je m’étais intéressé à cette problématique il y a presque 10 ans, mais ma motion avait été rejetée.

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