La publication du Rapport Draghi sur la compétitivité de l’Union Européenne a réveillé de vieux fantasmes sur les prétendus effets négatifs des règles étatiques sur l’innovation et la santé de l’économie. Il prétend notamment que l’UE, à force de réguler les nouvelles technologies, risque de ne plus être une place économique innovante et se voire reléguer en deuxième ligue face aux places technologiques américaine ou asiatique. Couplée au départ de la Commission européenne de Thierry Breton, un chantre de la souveraineté numérique par une régulation stricte et conforme aux règles et valeurs de l’UE, cette annonce a fait sauter les bouchons de champagne chez certains GAFAM et autres géants de la technologie, alléchés à l’idée de pouvoir inonder le marché européen de nouvelles technologies ne respectant pas d’autres limites que celles fixées par ces entreprises elles-mêmes, le cas échéant par le droit du pays où se trouve leur siège.
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Chroniques de souveraineté numérique II : souveraineté et noms de domaines territoriaux (ccTLD)
Le lancement du nom de domaine de premier niveau .swiss (en complément de .ch) relance la discussion sur la dénomination territoriale de ces territoires numérique que sont les sites internet. S’il y a bien un domaine où souveraineté numérique et souveraineté territoriale se recoupent, ce sont les noms de domaines nationaux de premier niveaux (country code top-level domain ou ccTLD) tels que .ch ou .fr. Ces noms de domaines permettent aux Etats de marquer une forme de « domination territoriale » sur les sites internet et de s’affirmer en tant qu’entité souveraine dans l’espace numérique, ce qui facilite l’application de leur droit aux contenus des sites en question (même si ce n’est pas le seul critère pour appliquer le droit d’un pays à une situation numérique, ce qui est une autre histoire). C’est certes parfois symbolique, mais l’expression de la souveraineté passe beaucoup par les symboles, comme les drapeaux plantés sur les territoires que l’on revendique.
Généralement, les noms de domaines qui relèvent d’un ccTLD sont attribués souverainement par les Etats. Mais pas toujours. Ainsi, Niue, État de Polynésie, ne peut administrer « .nu » (ni gérer ses importantes retombées économiques), car ce ccTLD est contrôlé par la Fondation suédoise de l’Internet (Internet Stiftelsen), ce que les autorités du petit pays insulaire considèrent comme du « néocolonialisme » (mais elles ont perdu devant les tribunaux en 2020). Il en va de même des domaines de premier niveau régionaux, comme « .patagonia » ou « .amazon » revendiqués par les entreprises ainsi nommées au titre du droit des marques, alors qu’il s’agit aussi – et d’abord ! – de régions géographiques et administratives d’États souverains (même si, en l’espèce, ces régions s’étendent sur plusieurs Etats). Parfois, les questions de souveraineté s’étendent à des TLD sans lien avec un territoire, comme avec « .catholic », revendiqué par l’État de la Cité du Vatican.
Au niveau des cantons (eux-aussi souverains dans les limites des compétences de la Confédération), seul Zurich a fait le pas d’un TLD cantonal (.zuerich), introduit en 2021. Vaud aurait pu être pionnier (avec plus de dix ans d’avance sur la métropole alémanique), mais le Grand conseil vaudois n’avait à l’époque pas été convaincu par ma proposition de créer .vaud. Schade !
Cette deuxième chronique de souveraineté numérique fait suite à la parution de mon livre sur le sujet, publié dans la Collection « le Savoir suisse ».
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« Pour une souveraineté numérique »
J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon nouveau livre « Pour une souveraineté numérique » aux éditions « Le Savoir Suisse ».
L’essor des nouvelles technologies pose d’importants problèmes de souveraineté. Les grandes multinationales du secteur utilisent leur taille et leur pouvoir de marché pour violer les prérogatives des États en imposant leurs règles ou en influençant la création des lois en fonction de leurs intérêts, tout comme les puissances étrangères. Ingérence dans les politiques publiques, perturbation du débat démocratique au moyen d’algorithmes, privatisation du droit, contournement des législations nationales : les atteintes à la souveraineté sont multiples. Pourtant, le débat actuel sur la souveraineté numérique en Suisse se limite souvent à un aspect assez marginal : le lieu de stockage des données. Mon ouvrage brosse un panorama des problématiques que soulève la révolution technologique et présente des propositions, en matière de droit ou d’infrastructures, pour rétablir cette souveraineté et la pérenniser.
La souveraineté numérique, ce n’est pas seulement le lieu où on stocke nos données (et le droit qu’on y applique) : c’est, pour les collectivités publiques, rester souveraines dans toutes leurs tâches, toutes leurs décisions et dans la manière de fixer leurs règles dans un contexte de révolution numérique.
En Suisse, c’est la Suisse et ses institutions démocratiques (Confédération, cantons, communes, peuple) qui dictent nos règles (quelles qu’elles soient) et la façon de les élaborer. Et pas les GAFAM, NATU et autres BATX. Ni les Etats d’où ces entreprises sont originaires.
Responsabilité judiciaire des réseaux sociaux: succès parlementaire a posteriori
Le Conseil fédéral propose aujourd’hui de mettre en oeuvre ma proposition d’obliger les réseaux sociaux à avoir une représentation juridique en Suisse. Avec Christian Levrat, nous avions déposé deux motions identiques en 2016 (la mienne, la sienne) pour que les réseaux sociaux aient un représentant en Suisse, qui soit en mesure de collaborer avec la Justice. Elles ont été retirées au profit d’une motion de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats.
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