Chroniques de souveraineté numérique : épisode I, les commentaires anoymes

Pour 2024 et suite à la parution de mon livre « Pour une souveraineté numérique », j’inaugure une série de « chroniques de souveraineté numérique », qui traiteront de sujets d’actualité liés à cette problématique. J’espère réussir à être plus assidu que ces derniers mois, où, je l’avoue, mon blog a été fort peu fourni.

Bonne lecture et heureuse année 2024 !

Le Conseiller aux Etats Maura Poggia (MCG-UDC/GE) a déposé une motion pour obliger les sites de médias suisses bénéficiant des subventions d’aide à la presse à lutter contre les commentaires anonymes, sous peine de perte ladite subvention. Il est vrai que les commentaires sur ces sites sont un fléau et ne font pas avancer le débat démocratique d’un iota, surtout lorsqu’ils sont anonymes. Pis, ils permettent souvent à leurs auteurs de dépasser les bornes de la bienséance, de la courtoisie, du respect, des principes d’un débat démocratique, voire du droit pénal (délits contre l’honneur, haine raciale ou homophobe, etc.). Ce que ces auteurs ne se permettraient souvent pas s’ils étaient identifiés. Alors membre du Conseil national, je m’étais intéressé à cette problématique il y a presque 10 ans, mais ma motion avait été rejetée.

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Vive les journaux gratuits!

Les récents débats sur «No billag» ont permis d’aborder la question de la valeur de l’information… et le fait qu’une information de qualité n’est jamais gratuite. Pourtant, lors de la campagne, bon nombre des partisans de l’initiative arguaient qu’un service public médiatique n’était « pas nécessaire pour s’informer correctement, en raison de l’existence des journaux gratuits ». C’est vrai, quoi, pourquoi payer une redevance si l’info est disponible gratuitement et facilement dans toutes les gares et sur internet? Eh bien, voici un exemple de la qualité des journaux gratuits… et de l’impact de leur modèle d’affaire (financement par la publicité) sur leur contenu et leur ligne éditoriale.

Récemment, la Coop a ouvert un nouveau supermarché à Lutry. Le jour même, « le Régional », hebdomadaire gratuit de l’Est vaudois, se fend d’une pleine page de louanges dithyrambiques pour ce nouveau centre commercial : varié, pratique, écologique, frais, local et j’en passe. Il y a tant de qualificatifs élogieux que le lecteur finit par se demander pourquoi il ne se précipite pas séance tenante à la Coop « Petite Corniche » pour profiter de ses vins régionaux, de ses fleurs parfumées, de son poulet rôti et de son pain frais et, on le devine, croustillant à souhait.

Bon, OK, cette Coop n’est pas mal, mais ça reste une Coop. Pas besoin d’en rajouter. Surtout que ce nouveau supermarché risque de rendre la vie encore plus difficile aux petits commerçants locaux.

Mais l’explication de ce torrents de louanges se trouve… juste à la page précédente. En effet, on peut y trouver une pleine page de pub payée plusieurs milliers de francs… par le nouveau centre commercial « Petite Corniche ». Ceci explique cela. En revanche, pour une information utile et objective, il faudra repasser, car servir la soupe aux généreux annonceurs est plus important.

le-regional-et-la-nouvelle-coop

No billag = no switzerland !

Une poignée d’ultralibéraux allergiques à la solidarité confédérale veut supprimer la redevance billag et avec elle la SSR et toutes les radios-TV locales et régionales. Leur initiative « no billag » (qui n’a même pas de titre dans une langue nationale) causerait un tort considérable à la Suisse. Continuer la lecture

Lutte contre les discours haineux (hate speech) sur les réseaux sociaux : l’Allemagne fait fausse route

L’Allemagne vient de mettre en vigueur sa « loi pour améliorer la mise en œuvre du droit sur les réseaux sociaux » (Netzwerkdurchsetzungsgesetz) qui force les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter à supprimer très rapidement et sous peine d’amende salée (jusqu’à 50 millions d’Euros) les commentaires haineux. Ainsi, une publication « dont le contenu est manifestement passible de poursuites » doit être supprimée dans les 24 heures. En Suisse, cette nouvelle législation a fait l’objet d’une interpellation de mon ancien collègue socialiste genevois Manuel Tornare.

Diminuer les discours haineux tenus en public sur les réseaux sociaux, punir leurs auteurs et mettre lesdits réseaux face à des responsabilités bien réelles : voilà un objectif tout ce qu’il y a de plus louable et indispensable. Mais la méthode allemande n’est pas convaincante. En effet, elle s’apparente plus à une privatisation de la Justice en matière de délits d’opinion qu’à une mise en œuvre effective du droit. Continuer la lecture

Pour le Sonntagsblick, «Lavaux», c’est «l’agglo»… (Carnet de campagne, épisode 3)

Aujourd’hui, le « Sonntagsblick » publie un de ces « rankings » ou « ratings » dont les journalistes raffolent, surtout en période électorale. Cette fois, c’est le classement des élu-e-s les plus « influents » sur les réseaux sociaux. L’hebdomadaire zurichois m’y classe 3ème et premier romand, ce qui fait toujours plaisir, même si ce ranking est aussi bidon que tous les autres (d’ailleurs c’est promis, je parlerai bientôt de « smartvote »). Continuer la lecture

Révision de la LRTV : Oui à la cohésion nationale, oui au service public !

Dans un petit pays multilingue à forte diversité culturelle comme la Suisse, il est indispensable de pouvoir compter sur des médias de service public forts. Sans médias de service public, il n’y aurait en effet pas de marché suffisant pour des chaînes régionales ou locales en Suisse romande, ni d’ailleurs pour des chaînes italophones ou de langue romanche. En Suisse romande, nous n’aurions qu’à nous contenter des médias audiovisuels français. Et même en Suisse alémanique, les chaînes allemandes seraient probablement la seule offre (ce n’est d’ailleurs pas étonnant que l’adversaire la plus violente du service public est une de mes collègues UDC/ZH qui travaille… pour une agence qui vend des fenêtres publicitaires aux chaînes de TV allemandes).

Par ailleurs, des médias de service publics sont capitaux pour le bon fonctionnement d’une démocratie comme la nôtre.  Continuer la lecture