Forces de l’ordre: la privatisation n’est plus rampante, mais évidente

Longtemps, même les plus convaincus des ultralibéraux prétendaient que certaines tâches publiques, parmi elles la police ou l’armée, ne sauraient être privatisées. Oh, il y avait bien quelques tentatives de confier quelques mandats à des securitas, mais elles se limitaient en général à des tâches de la police qui ne relèvent pas directement de la sécurité publique, comme faire la circulation ou contrôler du stationnement. Ces tentatives étaient déjà inacceptables. Les vraies bases légales permettant une privatisation de larges pans des tâches des forces de l’ordre sont rares, mais existent, par exemple en Argovie. 

Cette époque est bel est bien révolue et, désormais, les partisans de la privatisation totale de la police avancent à visage découverts. Et donnent le ton.

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Neuchâtel, ou quand l’impôt ne tue pas l’emploi.

Le canton de Neuchâtel, souvent cité comme la lanterne rouge des cantons suisses en matière d’imposition, est mal aimé des pourfendeurs de l’impôt. Qui ont eu l’occasion de rappeler leur slogan fallacieux «moins d’impôts = plus d’emplois». Slogan qui, grâce aux millions investis dans la campagne, a malheureusement eu le succès que l’on sait. Socialistes et syndicats avaient rappelé en vain que ce n’est pas l’impôt qui fait l’attrait d’une économie, mais ils étaient bien seuls dans ce combat et manquaient de moyens.
Le Financial Times, quotidien économique londonien que l’on peut difficilement soupçonner d’être un organe de propagande marxiste, vient de confirmer nos arguments en publiant dans son magazine foreign direct investment son classement de l’attractivité économique des régions d’Europe. Neuchâtel, malgré ses impôts élevés, s’y classe très bien. L’exemple est très parlant: non seulement l’impôt n’empêche pas la création d’emploi, mais il est indispensable pour financer les prestations publiques qui, justement, sont nécessaires au bon développement des entreprises. Ainsi, Neuchâtel doit son bon classement à ses infrastructures ferroviaires (publiques) et autoroutières (publiques), à sa proximité des hautes écoles (publiques) et à sa main d’œuvre très bien formée (dans des écoles publiques) dans des domaines comme l’horlogerie ou la microtechnique (branches dans lesquelles les entreprises privées ont, des années durant, négligé la formation). Bref, sans argent public, donc sans impôt, impossible d’avoir une économie performante. Il faudra s’en souvenir au moment de décider du sort des futurs cadeaux fiscaux aux grandes entreprises (baisse massive de l’impôt sur le bénéfice) que préparent les partis bourgeois.

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(ajouté le même jour à 16h09) …mais cet exemple d’un canton qui parvient à attirer des entreprises malgré une fiscalité élevée n’a pas empêché le groupe radical au grand conseil de développer aujourd’hui une motion visant à rétablir les allègements fiscaux du bientôt défunt arrêté Bonny, pour «créer des emplois dans les régions périphériques». Le mythe de la baisse de la fiscalité synonyme d’emplois et d’attrait économique est coriace…

Congrès du PSV à Rougemont

Le parti socialiste vaudois, réuni hier en congrès à Rougemont, a renouvelé ses instances dirigeantes pour les deux prochaines années. Alors que, dans la plupart des autres partis, la direction s’arrange pour que le nombre de candidat-e-s colle parfaitement au nombre de postes à repourvoir (quitte à créer de nouveaux postes s’il y a trop de candidats et qu’il ne faut fâcher personne), le PSV peut s’enorgueillir d’avoir à procéder à une élection pour la plupart de ses mandats. Chez les socialistes, le démocratie interne fonctionne.

Le congrès à élu une équipe de choc à la présidence: la présidente Cesla Amarelle (Yverdon, Dr en droit, avocate, députée) et les deux vice-présidents Olivier Barraud (Renens, secrétaire syndical SEV et ancien employé CFF, chef de groupe au conseil communal) et Jean-Michel Favez (Gland, enseignant, député et ancien chef de groupe au grand conseil) ont en commun la ténacité, la pugnacité et une grande maîtrise de leurs dossiers. Le congrès a en outre élu les 15 membres du comité directeur, dont votre serviteur.

Métiers du bâtiment peu attrayants: Une CCT, et vite!

Le cahier « emploi » de « 24 heures » d’aujourd’hui (lire l’article en pdf ) commente l’inquiétude des entrepreneurs face au manque drastique de relève dans le bâtiment. Malgré une augmentation du nombre d’apprenti-e-s, la pénurie de main d’oeuvre qualifiée frappe durement ce secteur et la pyramide des âges y est chaque année moins favorable. Pourtant, ce n’est pas, une fois n’est pas coutume, parce que la branche aurait négligé la formation. Au contraire, le nombre d’entreprises formatrices y est nettement supérieur à la moyenne et les efforts pour attirer les jeunes dans ces métiers sont conséquents. Ils portent d’ailleurs en partie leurs fruits. Un argument de poids est souvent avancé: La convention collective du bâtiment est (ou plutôt était) l’une des meilleures et les conditions de travail et de salaire y sont moins mauvaises qu’on pourrait le croire à première vue. Cependant, le comportement scandaleux et irresponsable du patronat ruine ces efforts.

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Et maintenant, des emplois!

Les milieux économiques et les partis bourgeois ont remporté la bataille fiscale d’une très courte tête. Prenons-en acte. Mais il faut dire qu’ils avaient la partie plutôt facile: un budget de campagne d’au moins 15 millions de francs, plus de 30 fois plus élevé que celui du PSS et de l’USS. A cela s’ajoute la mansuétude des médias, tributaires des annonces des entreprises bénéficiaires de l’abaissement de l’imposition des dividendes. Sans oublier que de nombreux patrons de grands groupes de presse (p. ex. les familles Ringier et Lamunière – Edipresse) profitent personnellement de la réforme. Sans que leur entreprise ne soit pour autant une PME. Ainsi, le Blick a refusé de publier une annonce de l’USS concernant mediamarkt, probablement par crainte de ne plus bénéficier des annonces de cette chaîne.

Les vaudois disent nettement non
La position des vaudoises et des vaudois est très nette. Voilà les partisans des baisses d’impôt pour gros actionnaires avertis: Si la droite veut introduire l’abaissement de l’imposition des dividendes dans le canton, elle risque fort d’aller au-devant d’une déconvenue. Les vaudoises et vaudois ont en effet bien compris que le soutien aux PME ne passe pas par des rabais d’impôt dont bénéficient surtout les gros actionnaires.

Prenons les promesses au mot!
Les partisans nous ont promis des emplois et des places d’apprentissage dans les PME. Nous ne pouvons donc qu’attendre pour voir comment ils tiendront cette promesse! Il sera aussi fort intéressant de savoir combien d’emplois auront créé en Suisse les grandes entreprises dont les actionnaires bénéficient désormais d’un large rabais d’impôt. Et combien auront plutôt empoché le rabais d’impôt… ou l’auront investi ailleurs qu’en Suisse.
On nous a aussi seriné que la réforme de l’imposition des entreprises II ne nuirait pas à l’AVS, même si elle la prive de plusieurs centaines de millions par année. Tant mieux. Cela signifie que les partisans de la réforme considèrent que, si l’AVS est suffisamment solide pour supporter une telle baisse de ses revenus, c’est que l’introduction de la retraite flexible est finançable.

Où sont les verts?
Le sondage SSR-idée suisse du 8 février indiquait que près de la moitié de l’électorat des verts ayant annoncé une intention de vote à cette date était favorable à la réforme. Ce n’est certes qu’un sondage, qui plus est réalisé trois semaines avant la votation. Rien n’indique en outre que cette tendance ne se soit véritablement vérifié dans les urnes.
Il n’en demeure pas moins que les verts ont été inexistants tout au long de cette campagne. Alors que le PS avait une page spéciale et a organisé plusieurs conférences de presse, les verts suisses se contentent d’indiquer leur prise de position et de mettre un lien… vers le site du PS. Quant aux verts vaudois, la prise de position est agrémentée d’un logo concernant l’initiative contre les avions de chasse, objet aux enjeux nettement moins importants que le paquet fiscal.
Vu le faible écart, il y a fort à parier qu’un engagement plus marqué du PES aurait pu avoir un impact. Mais force de constater qu’il n’a pas eu lieu. Est-ce un signe de leur glissement au centre (ou vers le ni-à-gauche-ni-à-droite)? Difficile de le dire à ce stade. Cela n’en démontre pas moins les conséquences pratiques d’un transfert de voix PS aux écologistes.

L’académie française torpille les technocrates de la formation professionnelle suisse

Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle, quelques technocrates avaient presque réussi un hold-up magistral: imposer le remplacement général du terme « apprenti », pourtant facile à comprendre par tout le monde, par « apprenant », même si ce terme n’apparaît ni dans la loi, ni dans son ordonnance. En Suisse alémanique, cette offensive linguistique est malheureusement un succès: « Lernende » a supplanté « Lehrling » (respectivement « Lehrtochter« ), même dans le langage courant. Mais bon, en Allemand, le premier a au moins l’avantage sur le second d’être épicène.

Fort heureusement, un enseignant d’une école professionnelle bulloise a eu la bonne idée de poser la question à l’Académie Française. Comme le rapportent les actualités de la formation professionnelle, la réponse est sans équivoque. « Apprenant » n’est pas dans le dictionnaire de l’académie et celle-ci recommande de lui substituer, selon le contexte, étudiant, élève ou… apprenti. (la lettre de l’académie se trouve ici en pdf)

Il ne reste plus qu’à espérer que cela mettra un terme à la mode de nommer toute personne en formation « apprenant ». Dans le canton de Vaud, le terme « apprenant » est encore très présent, notamment dans les pages du service du personnel. En revanche, dans l’avant projet de loi vaudoise sur la formation professionnelle, le terme « apprenti » reprend du poil de la bête. Et le canton a annoncé vouloir bannir définitivement « apprenant ». Y’a de l’espoir.

Libéralisation de la poste: Pas de trêve pour les ultralibéraux.

Les récents déboires de la libéralisation du marché postal en Europe devraient inciter à la prudence. En Suède, seuls les gros clients ont vu leurs tarifs baisser, alors que les petits clients (particuliers et PME) ont subi des hausses tarifaires. Et, en Allemagne, la sous-enchère salariale massive que créent les concurrents de la Deutsche Post a forcé le gouvernement à instaurer un salaire minimum de branche en quatrième vitesse, salaire qui reste cependant nettement inférieur à celui des employés du service public. Dans notre pays, les derniers votes populaires contre la libéralisation du marché de l’électricité, contre la privatisation de services publics cantonaux et communaux, ainsi que la très courte défaite de l’initiative syndicale «service postal pour tous» auraient dû suffire à démontrer que la population ne se laisse pas berner et ne croit pas un seul instant que libéralisation rime avec amélioration des prestations. Une étude mandatée par le DETEC parue peu de temps avant Noël confirme que la libéralisation totale du marché postal mettrait en danger le service universel, entraînerait la fermeture de bureaux de poste et une dégradation des conditions de travail et de salaire pour les postiers-ères.

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Le paquet fiscal profite grandes entreprises cotées en bourses. Pas aux PME.

Le paquet fiscal de février (réforme de l’imposition des entreprises II) est censé bénéficier aux PME. C’est en tout cas ce que prétendent ces partisans. Qui font campagne avec les millions de la grande industrie. Ce qui n’est pas étonnant. Car ce ne sont pas les PME qui profitent du cadeau, mais les gros actionnaires.
Ainsi, sur 68 entreprises cotées à la bourse suisse, 50 sont détenues par des actionnaires possédant plus de 10% du capital. Soit plus des deux-tiers. Parmi elles, la moitié réalise un bénéfice annuel supérieur au milliard de francs. Aucune n’a besoin d’une baisse d’impôt pour investir et créer des emplois. A cela s’ajoutent toutes les grandes entreprises non cotées, car détenues par un nombre très restreint d’actionnaires.
Mais ce n’est pas tout. Les grands patrons, qui à l’instar de M. Ospel ne possèdent pas 10% du capital de leur entreprise et sont rémunérés en actions, peuvent aussi profiter de la baisse de l’imposition sur les dividendes. Le tout grâce à un truc tout simple: en transférant les titres dans une holding possédant au moins 10% d’autres entreprises. Cet abus risque fort d’être impossible à détecter.
Une réforme fiscale qui, au lieu de soutenir les PME, arrose pareillement les gros actionnaires de grandes entreprises est inutile et injuste.
D’ailleurs, les vraies PME disent non.

(sources: Parti Socialiste Suisse, d’après Finanz und Wirtschaft)

Rolex Learning Center EPFL*

*«centre d’apprentissage d’une haute école universitaire publique sponsorisé par une grande marque de montre». (le français semble banni de l’EPFL, le site du centre d’apprentissage n’est qu’en anglais…)
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J’étais hier soir l’invité du journal de 19h00 sur la TSR pour commenter la pose de la première pierre de ce centre d’apprentissage etc.

Ce partenariat public privé est très inquiétant. C’est un signe d’une privatisation rampante de la formation. Le risque est en effet très élevé que les pouvoirs publics, voyant que l’EPFL arrive a financer une des ses infrastructures centrales, dont une bibliothèque, grâce à des fonds privés, se désengagent encore plus et lui disent «débrouillez-vous», dès qu’il s’agira d’obtenir des crédits. Les privés seront ravis, et ils ne viendront pas gratuitement. Ils souhaiteront avoir de l’influence sur le contenu des cours et de programmes de recherches. On nous promet certes que les sponsors du «centre d’apprentissage» (outre rolex, il y a nestlé, le crédit suisse, losinger, etc.) ne demandent rien en échange de leur soutien financier (outre le fait de pouvoir pavoiser grâce à une école réputée dont la réputation s’est construite grâce… aux deniers publics!). Mais des garanties sérieuses que cette prise d’influence se limitera vraiment aux relations publiques, néant.

D’autant plus que les grandes entreprises ont un intérêt direct à contrôler la formation. Elles manquent d’ingénieurs et considèrent les hautes écoles comme des fournisseurs de main d’oeuvre. Les milieux économiques revendiquent d’ailleurs que les hautes écoles adaptent leurs programmes d’enseignement et de recherche aux besoins du marché du travail et de l’économique. Niant ainsi la vocation universelle des universités: La formation doit profiter à la société, pas aux sociétés.
Autre grave inquiétude: Le président de l’EPFL prétend qu’une telle réalisation ne serait pas possible s’il fallait uniquement compter sur l’argent public. Et sous-entend donc que la privatisation (ou du moins une privatisation partielle) serait nécessaire et inéluctable. Rien n’est moins vrai. En effet, investir dans le formation est extrêmement rentable pour les pouvoirs publics (les privés l’ont d’ailleurs bien compris). Il est toutefois probable qu’avec le recul du PS et la montée de l’UDC aux chambres fédérales, le parlement sera moins enclin à soutenir la formation. Mais il n’en demeure pas moins que les moyens pour soutenir les universités sont bel et bien là. La majorité bourgeoise trouve en effet toujours de quoi financer les cadeaux fiscaux, p. ex. la réforme de l’imposition des entreprises II, malgré leur inefficacité. Il ne devrait donc pas être bien compliqué de trouver les moyens d’investir dans la formation, où un franc investit en rapporte au moins trois en quelques années.

Ne pas bouter les praticiens hors des tribunaux de prud’hommes

Les Chambres fédérales débattent actuellement d’un code de procédure civile unifié au niveau national. Cette unification est nécessaire. Bien qu’ayant un code civil aujourd’hui centenaire, la Suisse est le dernier pays d’Europe qui n’a pas unifié sa procédure civile. Chaque canton connaît et son propre code de procédure et sa propre organisation judiciaire. L’application du droit matériel est ainsi rendue plus difficile et les législateurs cantonaux doivent faire des efforts d’adaptation à chaque fois que le législateur fédéral édicte des règles de procédure civile, ce qui arrive souvent en droit privé social (p. ex. droit de la famille). Ce morcellement n’est plus compatible avec la justice efficace et moderne que la population peut légitimement revendiquer.
Le projet d’unification de la procédure civile contient cependant une lacune qui pourrait porter grandement préjudice aux salariés, aux patrons, aux locataires, aux propriétaires et aux associations qui les défendent.

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