A quoi pourrait bien ressembler le nouveau statut « spécial Uber » réclamé par le PLR ?

En plus d’être aveuglé par cette licorne-disruptive-deux point zéro-super innovante qu’est Uber (c’est en tout cas l’avis de certaines personnes), le PLR a certainement vu dans l’arrivée de cette plateforme une aubaine pour déréguler le droit du travail. Probablement espérait-il que le modèle où la plateforme n’est qu’un intermédiaire entre clients et prestataires indépendants finirait par s’imposer (comme en rêvait Uber, mais aussi d’autres plateformes actives dans d’autres domaines comme Batmaid). Des milliers de travailleurs pseudo-indépendants auraient été poussés vers l’indépendance totale, ce qui aurait été désastreux pour leur protection sociale. Mais que voulez-vous, la disruption et l’innovation sont à ce ce prix !

Comme le Tribunal fédéral a – notamment grâce à la ténacité du Canton de Genève et des syndicats – confirmé que les employés d’Uber sont des salariés et non des indépendants, tout est à refaire pour les fans de dérégulation. Mais plutôt que d’exiger de la multinationale californienne et de ses consoeurs disruptives qu’elles adaptent leur modèle d’affaire, le PLR s’aplatit devant elles et propose de modifier notre droit pour créer un nouveau statut ni-complétement travailleur, ni-complétement indépendant (ci-après : statut « ni-ni »), taillé sur mesure pour les besoins des plateformes. Il s’agirait concrètement de créer un nouveau statut hybride pour les travailleurs de plateforme (qui ne seraient justement plus totalement des « travailleurs »), en s’inspirant du modèle du « worker » britannique ou du statut qu’Uber et sa concurrente Lyft sont parvenu à faire accepter par le corps électoral californien (grâce à une des campagnes politique les plus chères qu’ait vécu cet Etat). Selon ses auteurs, ce nouveau statut « ni-ni » devrait « être inscrit dans le code des obligations en tant que forme alternative au contrat de travail » et ne contiendrait qu’une protection contre « certains risques sociaux ». Mais pas tous. Et c’est justement l’intérêt du point de vue des plateformes. Une première mouture de cette proposition affichait d’ailleurs clairement la couleur : « Ce statut offrira une certaine couverture sociale, mais elle sera moins favorable que celle d’un salarié. ». Le PLR prétend aussi que ce nouveau statut permettrait une flexibilité que le contrat de travail n’a pas ; mais probablement n’a-t-il pas bien compris comment fonctionne le droit suisse du travail, car sinon, il saurait que cette flexibilité existe déjà, mais que c’est juste Uber & co. qui ont décidé de ne pas s’en servir.

Quoi qu’il en soit, c’est quand on examine ce que pourrait contenir – ou pas – ce nouveau statut « ni-ni » qu’on constate qu’en réalité, ce nouveau type de contrat n’aurait qu’une seule conséquence : reporter les risques (et leurs coûts) sur la collectivité. Pour s’en assurer, il suffit de comparer le statut de travailleur et celui d’indépendant en droit suisse.

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Finances communales : la « facture sociale » se joue à Berne

Bon nombre de communes vaudoises connaissent une situation financière compliquée. Notamment à cause de la fameuse « facture sociale ». Le PLR et l’UDC n’ont donc de cesse de conspuer ces dépenses sociales dont la croissance « sans fin », « étoufferait les communes » et « accablerait les contribuables ». Et tout ça pour des prestations sociales si « généreuses », si « luxueuses » qu’elles « inciteraient au laisser-aller » et ne feraient qu’aggraver les problèmes sociaux. Rien que ça. Et je caricature à peine. La solution que préconise la droite : baisser les prestations sociales. Et tant pis pour les plus faibles de notre société, dont la situation est déjà critique. Pourtant, si l’on examine la situation d’un peu plus près c’est bien la droite, par le truchement de ses élus fédéraux, qui est responsable de la croissance des dépenses sociales à la charge du Canton et des communes. Continuer la lecture

Une assurance générale du revenu pour combler les lacunes du filet social et répondre à la précarisation

Les assurances sociales sont sous le feu d’une droite de plus en plus libérale et donc de moins en moins attachée au principe de solidarité. Même après avoir été rejetée deux fois en votation, la hausse de l’âge de l’AVS revient de façon lancinante, présentée à chaque fois par ses partisans comme « inéluctable ». L’assurance-chômage (AC) a subi plusieurs durcissements, qui ont tous entraîné une augmentation des dépenses d’aide sociale et donc un report de charge sur les contribuables des cantons et des communes. Quant à l’assurance-invalidité (AI), la quasi-totalité des réformes qui la concernent ne visent qu’à en durcir l’accès et à rogner les prestations. Les indécentes campagnes de l’UDC contre les « faux invalides » ont laissé des traces. Dernière attaque en date : la baisse de 25%, aussi brutale qu’injustifiée, des rentes pour enfants. Là encore, les économies ne sont qu’une façade : si elle est définitivement validée, cette mesure entraînera une augmentation des dépenses de prestations complémentaires de plus de 45 millions de francs par an.

Pourtant, ce n’est pas comme si notre système d’assurances sociales garantissait à toutes et tous une couverture confortable en cas de n’importe quel coup dur. Continuer la lecture

La réponse de la droite à la précarité ? Encore plus de précarité !

La majorité de droite du Conseil national vient d’accepter un postulat PLR qui veut répondre à l’« ubérisation » des rapports de travail. Ce phénomène est généré par des plates-formes comme Uber, Batmaid ou Upwork qui prétendent uniquement « mettre en relation clients et prestataires de services ». Elles refusent donc d’être les employeurs de ces prestataires (quoi qu’en dise le droit en vigueur dans les pays où elles déploient leurs activités). Cette méthode vise surtout à exonérer les plates-formes de toutes les règles de protection des travailleurs, notamment leur assujettissement aux assurances sociales. Ce n’est rien d’autre que de la sous-enchère et de la concurrence déloyale, car ces travailleurs précaires ont souvent des revenus très très bas (16.- bruts/h pour les chauffeurs Uber !), ne serait-ce qu’à cause des marges exorbitantes prélevées par la plateforme qui les emploie et, parce que cette dernière refuse de payer les charges sociales, ils ont souvent d’importantes lacunes d’assurances sociales. En cas d’accident, de chômage, de maladie, d’invalidité… ou d’atteinte de l’âge de la retraite, ils seront donc mal couverts. Au final, c’est la collectivité qui paiera la note en leur versant aide sociale et prestations complémentaires, pendant que les plates-formes encaissent les bénéfices. Tout le monde est perdant : les travailleurs concernés, qui vivent dans la misère ; les concurrents de ces plates-formes, qui, parce qu’ils paient leur dû, sont moins concurrentiels ; leurs travailleurs, dont l’emploi est menacé ; et les contribuables, qui ramassent les pots cassés. Continuer la lecture

Créer des pauvres pour lutter contre la pauvreté ?

Lors des discussions à propos des nouvelles lignes de bus longue distance destinées à concurrencer les CFF à des conditions de qui relèvent de la sous-enchère, un argument m’a particulièrement frappé : « des transports à bas prix, c’est bon pour les pauvres, qui pourront enfin se déplacer sans se ruiner en billets de train ». L’argument est même venu d’une ancienne collègue syndicaliste, qui négociait avec les grandes enseignes du commerce de détails connues pour leurs très bas salaires, et à qui il ne serait jamais venu à l’idée (en tout cas à l’époque) de revendiquer des baisses de salaire pour le personnel des grandes surfaces, au motif que cela permettrait de « baisser les prix et rendrait donc service aux pauvres ». C’est vrai qu’à première vue, l’argument peut sembler pertinent. Il est vrai que le prix des transports publics est trop cher pour certains. D’aucun peuvent donc en tirer la conclusion qu’il faut le baisser en privilégiant les offres à bas coûts, quitte à pour cela générer une concurrence sauvage dont les autres prestataires de service public feront les frais. Mais cette argumentation – outre le fait qu’elle vient souvent de personnes qui se soucient comme d’une guigne des pauvres et de leur sort – est bancale pour deux raisons. Continuer la lecture

Réforme des retraites: le bilan final est positif (si le conseil des Etats l’emporte)

Lors de son congrès extraordinaire du 4 mars 2000, l’UDC a adopté une prise de position sur les assurances sociales. Elle y revendiquait la transformation de l’AVS en un système de retraites par capitalisation au lieu d’un système par répartition, la privatisation des assurances sociales et l’individualisation de la prévoyance-vieillesse et des assurances maladie et invalidité. Cela aurait signifié la fin de la solidarité dans la prévoyance-vieillesse et la suppression de l’AVS. L’UDC ne menait alors pas ce combat toute seule. C’était l’heure de gloire des idéologues néolibéraux.

17 ans plus tard, avec la réforme de la prévoyance-vieillesse 2020, la Suisse est à l’orée d’un renforcement du premier pilier au détriment du deuxième. C’est exactement le contraire de ce que Blocher et consorts voulaient. La proposition du Conseil des Etats qui est actuellement en discussion est une victoire majeure contre l’aile dure des néolibéraux. Continuer la lecture

Ne plus dépendre des prestations complémentaires grâce à AVSplus : une chance !

S’il y a bien un argument détestable du côté des adversaire de l’initiative « AVSplus », c’est bien celui qui consiste à faire peur aux bénéficiaires de prestations complémentaires (PC) en arguant qu’augmenter l’AVS leur fera perdre leur droit aux PC, voire péjorerait leur revenu disponible. Cette hypocrisie est révoltante. Il s’agit bien d’hypocrisie, car la droite n’a d’une part de cesse de stigmatiser les personnes à l’aide sociale et d’autre part de vouloir couper dans les PC : tant dans les cantons qu’au niveau de la Confédération, elle fait des propositions pour diminuer les montants des PC et y restreindre l’accès. Certaines coupes sont d’ailleurs déjà en vigueur, comme dans le canton de Berne.

Ensuite, il est révoltant de considérer que les bénéficiaires de PC sont contents de leur sort, alors que les PC sont une sorte d’aide sociale qu’il faut demander en mettant sa situation financière à nu et après avoir épuisé ses propres économies. Continuer la lecture

AVSplus : un renforcement de nos retraites raisonnable et nécessaire!

La situation financière de nombreux retraités et futurs retraités se dégrade. Ceux qui ont un deuxième pilier doivent subir hausses des cotisations, baisses des rentes et incertitudes croissantes. Il y a aussi de nombreux retraités qui n’ont pas de deuxième pilier, ou qui ne disposent que d’un tout petit avoir de prévoyance : petits artisans et paysans, travailleurs précaires, à temps partiel ou qui ont consacré du temps à l’éducation de leurs enfants (souvent les femmes). Ceux-ci ne peuvent compter que sur des rentes AVS dont l’indexation n’a pas suivi l’évolution des salaires et des prix, sans parler des primes d’assurance-maladie. Beaucoup doivent alors demander les prestations complémentaires (PC), une sorte d’aide sociale, malgré une vie entière de travail. Ces situations sont indignes d’un pays riche comme la Suisse et force est de constater que le 1er et le 2ème piliers ne remplissent plus leur mandat constitutionnel de garantir un niveau de vie décent à la retraite.

L’initiative « AVS+ » propose une solution concrète, simple et raisonnable : augmenter toutes les rentes AVS de 10%. Continuer la lecture

Réduire la précarité et les inégalités après le non au RBI

Le peuple et les cantons suisses ont rejeté de manière sèche et cinglante le revenu de base inconditionnel (RBI). Cette décision concrète, qui fait mentir les sondages faits dans divers pays qui laissaient entendre que « la population serait favorable au RBI », enterre pour longtemps, en Suisse en tout cas, l’idée même de RBI. En effet, comme les initiants l’ont martelé pendant toute la campagne, nous votions « sur le principe » et c’est donc le principe du RBI qui a été rejeté. Ce rejet est par ailleurs intervenu après une campagne intense, aux débats nourris, ce qui démontre que la décision populaire a été prise en toute connaissance de cause.

Mais même si le RBI n’aurait pas atteint les objectifs que lui donnaient certains initiants, en particulier la réduction des inégalités, de la précarité au travail, et des conséquences néfastes de l’automatisation et de la numérisation de l’économie, ces problèmes demeurent. Comme cela a été dit à maintes reprise pendant la campagne (même si bon nombre de partisans n’ont pas voulu l’entendre ou fait comme si rien n’avaient été fait ni proposé avant eux), le PS se bat depuis longtemps sur ce terrain et va continuer à le faire, avec une motivation d’autant plus renforcée que le résultat des urnes est conforme à sa recommandation de vote. La position du PS n’a d’ailleurs jamais été celle de se satisfaire du statu quo, notamment quand il s’agit de renforcer l’Etat social.

Voici donc, en quelques lignes, des pistes de réflexion (qui méritent d’être approfondies et je me réjouis d’ors et déjà de lire vos commentaires) : Continuer la lecture

RBI : une initiative mi-coquille vide, mi-boîte de Pandore 

Contrairement à ce que prétendent bon nombre des partisans de l’initiative pour le « revenu de base inconditionnel » (RBI), qui ont malheureusement assez tendance à retrancher derrière la formule « si vous êtes contre, c’est que vous n’avez rien compris », je me suis penché très attentivement sur ce concept. Et suis parvenu à la conclusion que ce n’est pas une bonne idée. Mais, au-delà de l’idée de base qu’elle véhicule, l’initiative soumise au vote du peuple et des cantons le 5 juin prochain comporte de réels dangers, en particulier pour les assurances sociales. Et elle fait totalement fi de l’hostilité répétée (et récemment aggravée) de la majorité des chambres fédérales envers les intérêts des personnes que les initiants – je les rejoins sur ce point – souhaitent défendre. Continuer la lecture