Dépolitisons !

Mardi, le PLR vaudois présentait ses propositions pour « externaliser et autonomiser » le CHUV. En plus de l’habituel jargon un peu fourre-tout prônant une « gouvernance moderne et efficiente », un mot a attiré mon attention : le CHUV doit être « dépolitisé ». Le principal parti de droite du canton, où la composante radicale a jadis régné sans partage, juge le principal hôpital vaudois trop « politisé ». Parce qu’il est sous la tutelle du Conseil d’Etat, un organe éminemment « politique ». Et qui a – c’est probablement son principal défaut du point de vue libéral-radical – le tort d’avoir une majorité de gauche. Et d’avoir confié les rênes de la politique de la santé à un socialiste (Pierre-Yves Maillard). Continuer la lecture

Quand la dérégulation, l’austérité et la « lutte contre la bureaucratie » favorisent la captation des biens publics

Cela pourrait être une énième, et malheureusement désormais banale, histoire d’une multinationale qui s’accapare presque gratuitement des ressources naturelles, assèche les réserves destinées à la population locale et en tire d’énorme bénéfices. Mais c’est aussi un exemple assez frappant des effets de la dérégulation néolibérale à l’œuvre dans de nombreux pays, y compris en Suisse. Cette frénésie de désengagement de l’Etat est si peu populaire que ses promoteurs la camouflent souvent en « lutte contre la bureaucratie ». Car la « bureaucratie », personne n’aime ça. Pourtant, derrière cette « bureaucratie » tant honnie par les ultralibéraux il y a des règles d’intérêt public qui protègent la population… et empêchent que l’on fasse des profits sur son dos. Une variante consiste à exiger des coupes budgétaires pour pouvoir « baisser les impôts dans l’intérêt des contribuables (aisés) ». Les impôts, ce n’est pas très populaire non plus. Mais cela sert notamment à faire appliquer les règles d’intérêt public.

En juillet dernier, « Le Monde » a raconté l’histoire d’une source que possède Nestlé dans la région de San Bernardino en Californie. L’article (« En Californie, les bouteilles amères de Nestlé ») n’est disponible que pour les abonnés, mais je le résume ici. Continuer la lecture

« Monnaie pleine » et le fléau de l’indépendance des banques centrales

L’indépendance des banques centrales est une des positions idéologiques que les ultralibéraux défendent avec le plus d’acharnement. Basé sur les théories monétaristes (dont un des porte-drapeaux est Milton Friedmann), ce dogme prône une indépendance totale des banques centrales, qui ne doivent recevoir aucune instruction des autorités politiques élues. Justification officielle : les « experts » doivent mener la politique monétaire en se mettant au-dessus des querelles partisanes et éviter que celle-ci ne soit influencée par des objectifs politiques à court terme. Véritable justification : les banques centrales doivent avant tout lutter contre l’inflation, que les spéculateurs craignent comme la peste car elle diminue leurs bénéfices ainsi que les dettes de leurs débiteurs. Or, notamment en période de récession ou de déséquilibre monétaire, la politique souhaite – et c’est légitime – que la banque centrale mène une politique monétaire qui tienne aussi compte de l’emploi, de la croissance ou encore de la parité du pouvoir d’achat. Confer ces décisions à des experts « indépendants » permet, selon les partisans de l’indépendance des banques centrales, d’éviter que les élus mettent trop leur nez dans la politique monétaire, afin que celle-ci se calque sur les intérêts de la finance. Continuer la lecture

Créer des pauvres pour lutter contre la pauvreté ?

Lors des discussions à propos des nouvelles lignes de bus longue distance destinées à concurrencer les CFF à des conditions de qui relèvent de la sous-enchère, un argument m’a particulièrement frappé : « des transports à bas prix, c’est bon pour les pauvres, qui pourront enfin se déplacer sans se ruiner en billets de train ». L’argument est même venu d’une ancienne collègue syndicaliste, qui négociait avec les grandes enseignes du commerce de détails connues pour leurs très bas salaires, et à qui il ne serait jamais venu à l’idée (en tout cas à l’époque) de revendiquer des baisses de salaire pour le personnel des grandes surfaces, au motif que cela permettrait de « baisser les prix et rendrait donc service aux pauvres ». C’est vrai qu’à première vue, l’argument peut sembler pertinent. Il est vrai que le prix des transports publics est trop cher pour certains. D’aucun peuvent donc en tirer la conclusion qu’il faut le baisser en privilégiant les offres à bas coûts, quitte à pour cela générer une concurrence sauvage dont les autres prestataires de service public feront les frais. Mais cette argumentation – outre le fait qu’elle vient souvent de personnes qui se soucient comme d’une guigne des pauvres et de leur sort – est bancale pour deux raisons. Continuer la lecture

Le mépris d’avenir.suisse pour la démocratie

Avenir.suisse défraie régulièrement la chronique avec ses propositions fracassantes. Le style léché, les nombreuses références scientifiques et les titres ronflants des auteurs leur donnent certes un vernis sérieux. Mais face à leur contenu, le lecteur ne peut qu’avoir la désagréable impression qu’à l’instar d’une jeunesse de parti en mal de «buzz», la boîte-à-idées des milieux économiques est prête à n’importe quelle surenchère pour avoir de l’audience. Continuer la lecture

Privatisations: le grand retour

Les années 90 ont vu le triomphe du néolibéralisme et la défaite de l’intérêt général. La plupart des gouvernements ont privatisé à tour de bras. Partout, la population a subit baisse des prestations et hausse des tarifs. Les employés des services publics ont vu leurs conditions de travail se dégrader et leur pouvoir d’achat baisser, quand ils n’ont pas purement et simplement dû aller timbrer au chômage. Et, partout, les seuls bénéficiaires ont été les investisseurs privés, dont les affaires ont été d’autant plus juteuses que l’adage «privatisation des bénéfices, socialisation des pertes» a été rigoureusement appliqué: à chaque fois qu’un service privatisé a été en difficulté, l’Etat et les contribuables n’ont pas tardé à voler à son secours.

Cette vague a fait des ravages partout… sauf en Suisse. Continuer la lecture