Le recensement des entreprises 2005 de l’OFS montre que la part des apprentis n’a que très légèrement augmenté dans les PME : 6,6% des personnes employées par les PME sont des apprentis, contre 6,4% en 1998. Parallèlement, le nombre de personne employées dans les PME a connu une augmentation nettement plus importante (+1,84%). Les grandes entreprises restent à la traîne, avec une part d’apprentis d’un peu plus de 4%.
On peut en tirer trois conclusions.
Archives de catégorie : formation
Métiers du bâtiment peu attrayants: Une CCT, et vite!
Le cahier « emploi » de « 24 heures » d’aujourd’hui (lire l’article en pdf ) commente l’inquiétude des entrepreneurs face au manque drastique de relève dans le bâtiment. Malgré une augmentation du nombre d’apprenti-e-s, la pénurie de main d’oeuvre qualifiée frappe durement ce secteur et la pyramide des âges y est chaque année moins favorable. Pourtant, ce n’est pas, une fois n’est pas coutume, parce que la branche aurait négligé la formation. Au contraire, le nombre d’entreprises formatrices y est nettement supérieur à la moyenne et les efforts pour attirer les jeunes dans ces métiers sont conséquents. Ils portent d’ailleurs en partie leurs fruits. Un argument de poids est souvent avancé: La convention collective du bâtiment est (ou plutôt était) l’une des meilleures et les conditions de travail et de salaire y sont moins mauvaises qu’on pourrait le croire à première vue. Cependant, le comportement scandaleux et irresponsable du patronat ruine ces efforts.
L’académie française torpille les technocrates de la formation professionnelle suisse
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle, quelques technocrates avaient presque réussi un hold-up magistral: imposer le remplacement général du terme « apprenti », pourtant facile à comprendre par tout le monde, par « apprenant », même si ce terme n’apparaît ni dans la loi, ni dans son ordonnance. En Suisse alémanique, cette offensive linguistique est malheureusement un succès: « Lernende » a supplanté « Lehrling » (respectivement « Lehrtochter« ), même dans le langage courant. Mais bon, en Allemand, le premier a au moins l’avantage sur le second d’être épicène.
Fort heureusement, un enseignant d’une école professionnelle bulloise a eu la bonne idée de poser la question à l’Académie Française. Comme le rapportent les actualités de la formation professionnelle, la réponse est sans équivoque. « Apprenant » n’est pas dans le dictionnaire de l’académie et celle-ci recommande de lui substituer, selon le contexte, étudiant, élève ou… apprenti. (la lettre de l’académie se trouve ici en pdf)
Il ne reste plus qu’à espérer que cela mettra un terme à la mode de nommer toute personne en formation « apprenant ». Dans le canton de Vaud, le terme « apprenant » est encore très présent, notamment dans les pages du service du personnel. En revanche, dans l’avant projet de loi vaudoise sur la formation professionnelle, le terme « apprenti » reprend du poil de la bête. Et le canton a annoncé vouloir bannir définitivement « apprenant ». Y’a de l’espoir.
Rolex Learning Center EPFL*
*«centre d’apprentissage d’une haute école universitaire publique sponsorisé par une grande marque de montre». (le français semble banni de l’EPFL, le site du centre d’apprentissage n’est qu’en anglais…)
J’étais hier soir l’invité du journal de 19h00 sur la TSR pour commenter la pose de la première pierre de ce centre d’apprentissage etc.
Ce partenariat public privé est très inquiétant. C’est un signe d’une privatisation rampante de la formation. Le risque est en effet très élevé que les pouvoirs publics, voyant que l’EPFL arrive a financer une des ses infrastructures centrales, dont une bibliothèque, grâce à des fonds privés, se désengagent encore plus et lui disent «débrouillez-vous», dès qu’il s’agira d’obtenir des crédits. Les privés seront ravis, et ils ne viendront pas gratuitement. Ils souhaiteront avoir de l’influence sur le contenu des cours et de programmes de recherches. On nous promet certes que les sponsors du «centre d’apprentissage» (outre rolex, il y a nestlé, le crédit suisse, losinger, etc.) ne demandent rien en échange de leur soutien financier (outre le fait de pouvoir pavoiser grâce à une école réputée dont la réputation s’est construite grâce… aux deniers publics!). Mais des garanties sérieuses que cette prise d’influence se limitera vraiment aux relations publiques, néant.
D’autant plus que les grandes entreprises ont un intérêt direct à contrôler la formation. Elles manquent d’ingénieurs et considèrent les hautes écoles comme des fournisseurs de main d’oeuvre. Les milieux économiques revendiquent d’ailleurs que les hautes écoles adaptent leurs programmes d’enseignement et de recherche aux besoins du marché du travail et de l’économique. Niant ainsi la vocation universelle des universités: La formation doit profiter à la société, pas aux sociétés.
Autre grave inquiétude: Le président de l’EPFL prétend qu’une telle réalisation ne serait pas possible s’il fallait uniquement compter sur l’argent public. Et sous-entend donc que la privatisation (ou du moins une privatisation partielle) serait nécessaire et inéluctable. Rien n’est moins vrai. En effet, investir dans le formation est extrêmement rentable pour les pouvoirs publics (les privés l’ont d’ailleurs bien compris). Il est toutefois probable qu’avec le recul du PS et la montée de l’UDC aux chambres fédérales, le parlement sera moins enclin à soutenir la formation. Mais il n’en demeure pas moins que les moyens pour soutenir les universités sont bel et bien là. La majorité bourgeoise trouve en effet toujours de quoi financer les cadeaux fiscaux, p. ex. la réforme de l’imposition des entreprises II, malgré leur inefficacité. Il ne devrait donc pas être bien compliqué de trouver les moyens d’investir dans la formation, où un franc investit en rapporte au moins trois en quelques années.
Une vision socialiste de la nouvelle loi vaudoise sur la formation professionnelle
Suite à l’adoption d’une nouvelle législation fédérale, notre canton doit revoir de fond en comble sa loi sur la formation professionnelle. Un avant-projet a été mis en consultation à la fin de l’été dernier par notre conseillère d’Etat Anne-Catherine Lyon. Il est le fruit d’un long processus participatif, auquel ont été associés tous les acteurs de la formation professionnelle, notamment les partenaires sociaux.
La révision de cette loi est un enjeu majeur pour les socialistes, qui se battent depuis toujours pour l’accès de toutes et tous à la formation post-obligatoire. Ces dernières années, le taux d’accès a stagné au niveau Suisse : seuls 89% d’une classe d’âge accèdent au post-obligatoire. Ceux qui n’y parviennent pas sont particulièrement désavantagés sur le marché du travail. En effet, plus des deux-tiers des bénéficiaires de l’aide sociale n’ont pas continué leur formation au-delà de l’école obligatoire. La cause en est notamment la pénurie des places d’apprentissage. Dans notre canton de gros efforts ont été fournis et ils ont permis d’augmenter le nombre de places d’apprentissage de 35% depuis 2002. Cela n’est cependant pas suffisant pour faire face à la croissance démographique. Parallèlement, le nombre d’interruptions de contrat d’apprentissage a augmenté. La nouvelle loi vaudoise sur la formation professionnelle (nLVFPr) doit répondre à ces défis.
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Tiens, tiens, Bologne renforce les inégalités… / Merci Zürich!
Lorsque la déclaration de Bologne a été signée (sans mandat du conseil fédéral et contre l’avis des recteurs d’université, faut-il le rappeler) par l'(enfin) ex-secrétaire d’Etat Charles Kleiber, on nous avait promis un espace européen de la mobilité. Rien que ça. Les étudiant-e-s, par la voix de l’UNES, ont alors aussitôt rétorqué:
- que la sélection serait accrue entre bachelor et master, et qu’elle pousserait de plus en plus de titulaires de bachelor hors des hautse écoles;
- que l’espace européen de la mobilité serait un leurre et ne serait réellement accessible qu’aux plus aisés;
- que la densification des plans d’études rendrait une activité rémunérée à côté des études plus difficile.
Personne n’a daigné prendre ces avertissements au sérieux. Pas même les revendications en faveur d’un système de bourses digne de ce nom. Force est malheureusement de constater que l’UNES avait raison sur toute la ligne.
Dernier exemple, cette étude présentée dans le « matin bleu », qui démontre que la mobilité universitaire n’est accessible qu’à ceux qui en ont les moyens.
* * *
Toujours dans le domaine de la formation, une autre nouvelle et une bonne, cette fois. Le Grand Conseil du canton de Zürich vient d’accepter de créer un fond pour la formation professionnelle! Et devinez qui lance le référendum… l’UDC, décidément toujours à la pointe pour combattre les mesures en faveur de l’intégration professionnelle des jeunes.
Le libre choix de l’école: inéquitable, inefficace.
Une motion libérale, largement soutenue par l’UDC et de nombreux radicaux, propose le libre choix de l’école publique et sera développée demain au grand conseil. Et donc la mise en concurrence des établissements. Ce «Libre choix» a l’air alléchant. Mais ce n’est qu’un cheval de Troie pour augmenter les inégalités sociales.
Les motionnaires argumentent que des pays européens qui ont mieux réussi que le nôtre lors de la récente étude PISA connaissent le libre choix de l’école publique et tirent la conclusion que c’est ce libre choix qui est la cause de leurs bons résultats. Ils citent notamment la Belgique et la Finlande. Pas de chance, ces deux exemples plaident l’un contre le libre choix (sauf si l’on veut faire de l’école un instrument pour creuser les inégalités), l’autre pour une politique éducative à laquelle les libéraux sont opposés.
Haro sur le Haury
Aujourd’hui, M. Haury, député libéral exclu de son parti et passé chez les pronucléaires d’écologie libérale, développait sa motion pour que les écoles testent systématiquement si leurs élèves ont consommé du Cannabis. Si toutefois ils parviennent pour en consommer à se soustraire du champ des caméras de surveillance que demandent M. Haury et ses amis 😉 …
Mais il n’y a pas eu de débat: M. Haury n’a pas jugé bon de débattre de son texte et l’a fait renvoyer séant en commission. Il a probablement jugé que le débat n’était pas nécessaire, puisqu’il s’est déroulé hors-parlement, par médias interposés.
Je veux pour autre preuve que cette proposition de M. Haury n’était faite que pour épater la galerie (ce qui est, il faut l’admettre, une réussite totale, sa proposition ayant notamment fait la une du matin orange) cet extrait du rapport du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence concernant les tests obligatoires de dépistage de la consommation de cannabis auxquels certaines entreprises soumettent tous leurs apprenti-e-s, voire tou-te-s leurs employé-e-s de moins de 40 ans (p. ex. les CFF).
Journée de la formation professionnelle: Doris se la coule douce
Aujourd’hui, c’est la « journée de la formation professionnelle ». Ce matin, la Confédération, les cantons, les partis et les partenaires sociaux étaient invités à la « conférence sur les places d’apprentissage » par Mme Leuthard. Ce grand raout (3ème du nom) n’a accouché, malgré la pénurie persistante des places d’apprentissage, que de deux mesurettes: un ligne téléphonique de soutien aux entreprises formatrices (bonne idée, mais que la plupart des cantons ont déjà eu avant, dans le canton de Vaud, c’est sur: http://www.orientation.vd.ch/ ) et le « case management+ ». Qui succède au « case management » tout court de l’an passé. Pour l’an prochain, on attend avec impatience le « case management super+ » et le « case managmenent multivitaminé » pour l’année d’après. Tout ça, c’est fort utile (de nombreux jeunes ont véritablement besoin d’un soutien individualisé), c’est bien joli, mais ça ne crée pas la moindre place de formation. Les participant-e-s de cette journée ne sont pas entrés en matière sur les propositions de l’USS de créer 5000 places de formation en écoles des métiers et exigeant de la CDIP de retirer son préavis négatif sur les fonds cantonaux pour la formation professionnelle (qui pourtant fonctionnent à merveille dans tous les cantons qui les ont instaurés). Conclusion: il y a fort à craindre que Mme Leuthard ait fini par se laisser gagner la molesse son prédécesseur.
Créer des places d’apprentissage sans passer par des allégements fiscaux
Le grand conseil vaudois a accepté aujourd’hui le postulat de l’ancienne députée Odile Jaeger-Lanore «pour la valorisation et le développement des filières de formation professionnelle». J’ai soutenu ce postulat qui préconise plusieurs mesures utiles pour encourager les entreprises à former plus d’apprenti-e-s. Le conseil d’Etat a d’ailleurs déjà mis certaines de ces mesures en application (notamment une promotion plus intensive de la formation professionnelle auprès des entreprises) et en prévoit d’autres dans le cadre de la révision de la loi vaudoise sur la formation professionnelle. Bon nombre de ces mesures sont aussi préconisées par une étude commandée par l’office zurichois de la formation professionnelle publiée en août dernier. Cette étude de Jacqueline Grigo et Emil Wettstsein (en allemand seulement), deux spécialistes reconnus de ce domaine, est consacrée aux mesures pour éviter que les entreprises renoncent à former. Parmi ces mesures, on compte notamment un meilleur encadrement tant des entreprises formatrices que des apprenti-e-s en difficulté, une meilleure information à l’intention des entreprises, des jeunes et de leur familles, une professionnalisation de la surveillance de l’apprentissage et la création d’années d’apprentissage de base. Ces mesures ont leur coût et l’Etat ne pourra pas faire autrement que de l’assumer, pour améliorer la qualité de la formation professionnelle. La pénurie de places d’apprentissage qui sévit actuellement est en effet suffisamment grave, à la foi pour les jeunes concernés que pour les entreprises qui commencent à manquer de main d’œuvre, pour que nous ne laissions pas entraîner par une logique de comptes d’épicier.
C’est là qu’intervient le seul point problématique du postulat Jaeger-Lanore, qui préconise entre autres des allégements fiscaux pour les entreprises formatrices. Je m’oppose à cette proposition. En effet, les allégements fiscaux, outre le fait qu’ils profitent d’avantage aux grosses entreprises, alors que ce sont surtout les PME qu’il faut encourager, privent l’Etat de moyens dont il a besoin pour financer d’autres mesures nettement plus efficaces pour inciter les entreprises à former.