Protection des travailleurs et initiative « contre les juges étrangers » : ne confondons pas tout !

Hier, un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) traitant des mesures autrichiennes anti-sous-enchère salariale a été rendu. La CJUE, et ce n’est pas la première fois (souvenons-nous des arrêts «Viking», «Laval», «Luxembourg» ou «Rüffert»), s’est à nouveau prononcée contre les mesures de protection des salaires, donnant la priorité au libre marché, et donc à la libre exploitation des travailleurs. Les partisans de l’initiative d’autodestruction de l’UDC, dite « d’autodétermination » ou « contre le juges étrangers » n’ont pas tardé à prétendre que cet arrêt apporte de l’eau à leur moulin et que c’est un argument en faveur de l’initiative (p. ex. ici). Ce raisonnement est totalement faux, pour plusieurs raisons.

  1. D’abord, parce que cet arrêt ne concerne pas la Suisse. La Suisse n’est pas membre de l’UE et n’a pas à se soumettre aux décisions de la CJUE. Si l’initiative d’autodestruction était acceptée, cela n’y changerait rien, car faire primer le droit interne sur le droit international n’aurait un impact que sur le droit international qui s’applique à notre pays.
  2. Ensuite, cette prise de position concerne plutôt un hypothétique « accord-cadre » entre la Suisse et l’UE, qui pourrait concerner la protection des travailleurs contre la sous-enchère, en particulier l’interprétation de nos « mesures d’accompagnement ». Or, cet accord-cadre n’existe pas encore. Et il n’existera probablement jamais s’il a pour contenu de soumettre nos mesures anti-sous-enchère à l’interprétation de la CJUE. En tout cas, jamais les syndicats et le PS ne l’accepteront et, sans leur soutien, un accord-cadre n’a aucune chance devant le peuple. Là non, plus l’initiative de l’UDC ne change rien : En effet, pour éviter d’avoir à appliquer un accord international qui lui serait défavorable, la Suisse n’a pas besoin de l’initiative dite « d’autodétermination » ; elle n’a qu’à simplement… pas le ratifier. Pas besoin donc de s’encombrer d’un texte aussi radical que flou.
  3. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que, sur la question des mesures de protection des travailleurs et des salaires, l’UDC et la CJUE sont sur la même longueur d’onde. L’UDC a en effet toujours refusé les mesures contre la sous-enchère, que ce soit sur le principe ou leur amélioration. Elle n’a eu de cesse de les combattre au Parlement comme devant la justice (en l’espèce la commission de la concurrence). Et sa prochaine initiative vise à abolir la libre circulation des personnes… et par la même occasion les mesures d’accompagnement (qui lui sont juridiquement liées). Car ce que veut l’UDC, c’est donner carte blanche aux employeurs pour engager qui ils veulent, comme ils veulent… et surtout au salaire qu’ils veulent. Comme la CJUE, l’UDC a toujours été une fervente partisane de la sous-enchère. Et sa récente initiative n’y change rien. D’ailleurs, quand je l’ai signalé dans des discussions sur Facebook, pas un UDC n’a été en mesure de me répondre sur ce point.

Le 25 novembre, un grand NON à l’initiative d’autodestruction !

Gros avis de dumping

La scandaleuse affaire Firmenich rappelle que la libre circulation des personnes génère un risque de sous-enchère. Il faut la combattre sans tergiverser. Pour cela, notre pays s’est doté des mesures d’accompagnement, liées à l’accord sur la libre circulation des personnes. Ces mesures doivent impérativement être renforcées, notamment en facilitant l’extension et la conclusion de CCT, en poussant les cantons a édicter des salaires minimums obligatoires dans les branches à risque sans CCT, en combattant les faillites abusives en chaîne et en étendant la responsabilité solidaire de l’entrepreneur principal à toutes les branches. Cette dernière est actuellement limitée au bâtiment, mais l’affaire Firmenich montre que les abus des sous-traitants touchent d’autres branches. Continuer la lecture

Supprimer libre circulation des personnes ne diminuerait pas la sous-enchère. Au contraire.

S’il n’y avait pas de réels problèmes de sous-enchère salariale, l’initiative de l’UDC «contre l’immigration de masse» ne soulèverait pas un débat aussi nourri. Sur le fond, une proposition aussi peu sérieuse ne mériteraient en effet pas qu’on s’y attarde: les «solutions» qu’elle préconise (suppression de la libre circulation des personnes, retour aux contingents de main d’œuvre) sont simplistes, bureaucratiques, ont montré leur inefficacité par le passé et, surtout, menacent directement des accords économiques vitaux pour notre pays: l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), et, à cause de la «clause guillotine», l’entier des accords bilatéraux avec l’Union Européenne.

Malgré ces défauts rédhibitoires, elle met cependant le doigt sur le fait que la libre circulation des personnes pose certains problèmes en matière de salaire ou de logement, problèmes très aigus dans certaines régions frontalières. Il est indéniable que cette situation exige une réponse étatique vigoureuse et décidée, comme le demandent d’ailleurs PS et syndicats depuis longtemps. Mais as le retour aux contingents n’est certainement une solution appropriée. Continuer la lecture

Renforcer la fermeté contre la sous-enchère salariale

Récemment, deux cas particulièrement choquants de travail au noir et de sous-enchère salariale ont défrayé la chronique: Une entreprise active sur le chantier de la H144 a vu sa condamnation pour sous-traitance au noir confirmée par le tribunal cantonal. Et, à Aclens, le syndicat Unia a débusqué une entreprises qui employait des travailleurs détachés payés… 5 fois moins que le salaire minimum de la convention collective de force obligatoire.

Ces cas sont inacceptables du point de vue des travailleurs. En effet, ces derniers ont droit, quelle que soit leur nationalité, à bénéficier de salaire et de conditions de travail suisses lorsqu’ils travaillent dans notre pays. Ils le sont aussi du point de vue des employeurs honnêtes, qui subissent la concurrence déloyale des voyous qui pratiquent la sous-enchère. Ils sont enfin inacceptables, car ils sapent la crédibilité et l’acceptation de la libre circulation des personnes, dont l’importance pour notre économie et nos emplois n’est plus à démontrer. Par exemple, aucun hôpital, aucun EMS ne pourrait fonctionner convenablement sans l’apport de la main d’œuvre venue de l’UE.

Les syndicats s’engagent donc pour un renforcement des «mesures d’accompagnement», afin d’intensifier la lutte contre la sous-enchère. Grâce à l’engagement de l’USS, le Conseil fédéral a mis en consultation un nouveau train de mesures, notamment pour mieux sanctionner le viol des contrats-type de travail ou la «fausse indépendance».

Au niveau cantonal, j’ai interpellé aujourd’hui le Conseil d’Etat pour exiger un renforcement des contrôles et de la fermeté contre la sous-enchère au niveau cantonal.