Haro sur les vieux schnocks!

Le directeur d’avenir suisse, boîte à idée de quelques grandes entreprises qui s’est surtout signalée par des propositions jamais mises en pratique, notamment pour limiter l’accès à la formation (hausse des taxes d’étude) ou aggraver l’endettement des ménages (remplacer les bourses par des prêts), s’attaque aujourd’hui dans le «matin dimanche» à la solidarité entre les générations. M. Held tente de monter les jeunes contre les retraités avec un slogan simpliste: «les vieux sont riches, avares, et siphonnent les œuvres sociales à tel point qu’il n’en restera rien pour les jeunes». L’objectif de cette rhétorique n’est pas de défendre les jeunes (vu les précédentes propositions d’avenir suisse sur la formation, personne n’est dupe), mais plutôt de leur faire peur pour les inciter à soutenir, en vrac, la baisse des rentes du 2ème pilier ou des mesures d’économies dans l’AVS. Ces déclarations ne sont en fait rien d’autre que le début de la campagne des milieux économiques en vue des votations fédérales de cet automne sur le 2ème pilier. Car, sachant leur position impopulaire, ils avancent masqués, mettant plutôt en avant un pseudo-expert travaillant pour un pseudo-institut de pseudo-recherche qui n’est en réalité rien d’autre que leur cache-sexe. Probablement espèrent-ils un réflexe «salauds de vieux» de la part des jeunes, afin que ceux-ci acceptent de sabrer dans leurs propres futures rentes…
Mais avenir suisse ne fait pas que de la propagande électorale. Il défend aussi très concrètement les idées (et les bénéfices) de ses mécènes. Car derrière les attaques contre les rentes du 2ème pilier, ou la revendication de M. Held pour plus en concurrence entre les caisses de pension, se cache le lobby des assureurs-vie, qui voient dans la baisse des rentes ou l’assainissement à marche forcées des caisses de pensions un moyen de conserver leur profits malgré la chute des marchés financiers. Mais bon, quoi de plus normal, lorsqu’on finance un think tank, que d’espérer un retour sur investissement?
En creusant un peu, on s’aperçoit d’ailleurs que le cliché employé par M. Held des «retraités riches qui vivent aux crochets des jeunes» ne tient pas la route. Ainsi, une étude récente de pro senectute montre que le risque de se retrouver pauvre une fois à la retraite a augmenté ces dernières années. Et ce malgré l’existence de l’AVS, dont l’objectif est de garantir un minimum vital aux retraité-e-s, mais dont M. Held et ses amis veulent pourtant diminuer les rentes en limitant leur indexation (restrictions de l’indice mixte dans le cadre de la 11ème révision de l’AVS). En outre, s’il y a des risques pour que les jeunes d’aujourd’hui fassent partie d’une «génération sacrifiée» (pour reprendre les termes de M. Held), c’est plutôt à cause des propositions de son organisation et de ses amis pour limiter l’accès à l’éducation ou les dépenses publiques en la matière.

Le PDC fait du sarkozysme

Une proposition du PDC suisse, adoptée lors de son assemblée des délégué-e-s de samedi passé, est passée totalement inaperçue, noyée qu’elle était au milieu de la prise de position des démocrates-chrétiens (qui n’ont visiblement pas peur des oxymores) «L’économie de marché libérale et sociale» (cf p. 4). Pourtant, elle traite d’un sujet on ne peut plus actuel (et sur lequel la jeunesse syndicale suisse présente ses propositions demain): le chômage des jeunes.
Les démocrates-chrétiens, qui sont pourtant en charge du département concerné (le DFE de Doris Leuthard), y vont d’une proposition carrément sakozyenne: supprimer les charges sociales pour encourager l’embauche. Ainsi, les jeunes chômeurs engagés comme stagiaires doivent être exonérés de charges sociales. Comme les heures supplémentaires du «travailler plus pour gagner plus» français, en somme. Et les entreprises qui les engagent comme stagiaires doivent être soutenues. En voilà une idée qu’elle est bonne.
Sauf que le PDC semble ignorer que les entreprises qui fournissent des places de stages aux jeunes chômeurs sont déjà largement soutenues: une partie du (maigre) salaire est payé par l’assurance-chômage. Quant au fait que certaines en profitent pour bénéficier de main d’œuvre subventionnée bon marché, pas un mot dans la prise de position du PDC. En outre, cette proposition fait totalement fi des positions… du PDC, qui, pour justifier son refus de la retraite flexible, arguait que la situation financière de l’AVS était à moyen terme «tout sauf rose». Alors qu’il n’hésite pas à la priver de cotisations avec sa nouvelle proposition.
Dans tous les cas, il est plutôt inquiétant que le parti dont la conseillère fédérale est en charge de la politique du marché du travail prennent des positions aussi creuses et aussi contradictoires.

Les adversaires des accords bilatéraux dérapent sérieusement

« Le temps » rapporte aujourd’hui une information du « Tages-Anzeiger » qui montre à quel point les adversaires du renouvellement de la libre circulation des personnes et de son extension à la Bulgarie et à la Roumanie sont prêts à toutes les bassesses pour répandre leurs mensonges. Selon le quotidien zurichois, le conseiller national UDC et fer de lance du référendum Lukas Reimann serait le réel promoteur de come-to-switzerland.com, un site probablement destiné à faire croire qu’il existerait une filière pour faire venir des chômeurs ou des bénéficiaires de l’aide sociale européens en Suisse, pour leur faire profiter des « généreuses prestations sociales de notre pays ». Ce qui confirmerait les arguments de l’UDC, comme quoi la libre circulation des personnes « favoriserait le tourisme social et menacerait les finances de nos assurances sociales ».

Ce site, probablement factice, est censé inciter les allemands à venir « mieux vivre en Suisse ». Il s’adresse notamment aux bénéficiaires des mesures « Hartz IV« , sorte d’aide sociale pour chômeurs de longue durée, prétendant qu’ils n’auraient, grâce à la libre circulation des personnes, qu’à venir dans notre pays pour y toucher des montants bien supérieurs à ceux dont ils peuvent bénéficier dans leur pays. Et le site de citer en exemple l’assurance-chômage et l’aide sociale helvétiques.

Bien entendu, c’est totalement faux. En effet, pour bénéficier des prestations de l’assurance-chômage, il faut avoir cotisé à l’assurance suisse ou à une homologue d’un pays de l’UE, selon les règles en vigueur en Suisse, c’est-à-dire pendant au moins 12 mois pendant un délai-cadre de 24 mois. Si le chômeur ne remplit pas ces conditions, il ne touche rien. Une personne sans-emploi peut venir chercher du travail en suisse pendant 6 mois, mais ne touche une indemnité de l’assurance-chômage que si elle respecte la durée de cotisation. Bien entendu, les personnes déjà au chômage ou à l’aide sociale visées par le site incriminé ne remplissent pas cette condition et ne peuvent en aucun cas venir en Suisse « profiter de généreuses prestations sociales », car elles n’y ont tout simplement pas droit (en savoir plus). Et, en ce qui concerne l’aide sociale, l’accord sur la libre circulation des personnes prévoit purement et simplement que les ressortissant des pays de l’UE peuvent en être exclues  (art. 2 de l’ALCP), ou se faire retirer leur autorisation de séjour s’ils en deviennent dépendants.

L’accord sur la libre circulation des personnes ne permet donc pas le « tourisme social » dénoncé par l’UDC. Et ce n’est pas un faux site internet qui nous convaincra du contraire, surtout s’il a été mis sur pieds par les soins d’un élu du parti de M. Blocher pour manipuler l’opinion publique.

Chasse aux z’abus

S’il y a un argument qui marche à tous les coups, c’est bien celui des abus. Des abus commis par des étrangers. Aux dépens des nos assurances sociales. Les opposants à la retraite flexible pour toutes et tous ne dérogent pas à cette règle (il faut dire qu’ils ont remarqué que la base de l’UDC a plutôt tendance à soutenir l’initiative) et avertissent que « l’initiative encouragera les abus des retraités étrangers rentrés dans leur pays, qui toucheront une rente anticipée sans cesser de travailler ». D’ailleurs, poursuivent-ils, « 31% des rentes AVS sont versées à l’étranger » (même s’ils se gardent bien de dire que seuls 13% de la somme totale des rentes ne sont pas versés en Suisse). C’est bien la preuve que le potentiel d’abus est énorme. Et que les suisses et suissesses feraient mieux de refuser cette initiative, même si elle leur est favorable.

Mais, comme d’habitude, cet argument des abus est abusif. En effet, les risques d’abus ne sont pas plus élevés qu’avec la situation actuelle, pour deux raisons. Continuer la lecture

L’UBS et l’AVS

Avec un titre pareil, je vois déjà venir les critiques: «ça y est, il va encore nous ressortir le coup du «si on peut verser 68 milliards pour l’UBS, on peut bien mettre 800 millions pour l’AVS flexible»…». Encore que cet argument ne soit pas dénué de pertinence, ce n’est pas de ça que je veux parler dans ce billet. Je souhaite plutôt montrer cette publicité, découverte au détour du site internet de la grande banque sise aux îles Caïmans sur la Piratenplatz sur la Paradeplatz.
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Elle montre bien d’une part que la retraite anticipée est d’ors et déjà une réalité (ce qui ne choque pas les adversaires de l’initiative «pour un âge de l’AVS flexible», qui pourtant clament sur tous les toits que «la retraite anticipée menace la santé financière de l’AVS») et d’autre part que la retraite anticipée est un privilège. Un privilège réservé à ceux qui sont déjà privilégiés. Et que l’UBS accueille à bras ouverts.
Aujourd’hui, 4 salariés sur 10 ne sont plus actifs entre 60 et 64 ans. Dans les banques et les assurances par exemple, plus d’un salarié sur deux peut se permettre de partir à la retraite anticipée (contre moins de 15% dans l’hôtellerie ou la restauration…). Pour les uns, la retraite anticipée se passe dans de bonnes conditions (merci, «UBS comfort»!). Pour les autres, elle signifie diminution à vie de la rente AVS, recours aux prestations complémentaires, et restrictions drastiques de la qualité de vie. Et pour beaucoup d’autres, la retraite anticipée n’est qu’un rêve. Pour une AVS flexible enfin ouverte àtous, votons oui le 30 novembre!

Et à ceux qui doutent encore de la capacité du 1er pilier à affronter les changements démographiques, je conseille ce lien.

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L’AVS ou la famine?

« Vous verrez, en 2020, l’AVS sera en déficit, car il n’y aura plus que deux actifs par retraité! » n’arrête-t-on pas de nous seriner. Il est vrai que l’évolution démographique et la croissance de l’espérance de vie font qu’il y aura toujours moins d’actifs pour toujours plus de retraités. Mais l’équilibre financier de nos retraites n’est pas pour autant en danger. Voici un petit exemple pour le démontrer.

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La nécessaire flexibilisation de l’âge de l’AVS

Selon une enquête parue hier, un travailleur Suisse sur deux serait d’accord de travailler au-delà de l’âge légal de la retraite. A condition d’être en bonne santé et d’avoir un bon emploi. Voilà qui apporte de l’eau au moulin de l’initiative pour le libre choix de l’âge de l’AVS dès 62 ans. Et contre un des principaux arguments de ses adversaires. Continuer la lecture

Enfin une vraie retraite flexible!

La retraite anticipée est une réalité: un salarié âgé de 60 à 64 sur deux n’est plus actif. Mais elle est aussi un privilège réservé à ceux qui sont déjà privilégiés. Certains la prennent dans de bonnes conditions, par exemple parce qu’ils ont pu s’offrir un plan de prévoyance-vieillesse adéquat. D’autres y sont forcés, souvent parce que le marché du travail ne veut plus d’eux. Les faibles chances des plus de 55 ans de retrouver un emploi sont de notoriété publique. Pour ces salariés, retraite anticipée est synonyme de réduction des revenus et de précarité. Continuer la lecture

L’AVS et les chiffres de M. Couchepin (2)

Le conseil fédéral, M. Couchepin en tête, et les milieux patronaux ont en ce moment pour principale activité de répandre de faux chiffres sur l’état des finances de l’AVS. Les objectifs? Faire peur à la population pour qu’elle accepte de couper dans les rentes et refuse d’améliorer le premier pilier. Le premier ayant largement échoué lors du naufrage dans les urnes de la 11ème révision de l’AVS, ils se concentrent désormais sur le deuxième objectif, le torpillage de l’initiative des syndicats et du PS pour le libre choix de l’âge de l’AVS dès 62 ans.
Pour couler une initiative, il y a une méthode éprouvée: faire croire qu’elle coûtera trop cher. Et là, aucune exagération n’est de trop. Le chiffre des opposants est donc impressionnant: «l’initiative coûtera 1,5 milliard», avancent-ils. Avec un coût pareil, même ceux qui sont convaincus de la bonne santé du premier pilier ont de quoi être effrayés. Fort heureusement ces chiffres sont faux.
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