« Monnaie pleine » et le fléau de l’indépendance des banques centrales

L’indépendance des banques centrales est une des positions idéologiques que les ultralibéraux défendent avec le plus d’acharnement. Basé sur les théories monétaristes (dont un des porte-drapeaux est Milton Friedmann), ce dogme prône une indépendance totale des banques centrales, qui ne doivent recevoir aucune instruction des autorités politiques élues. Justification officielle : les « experts » doivent mener la politique monétaire en se mettant au-dessus des querelles partisanes et éviter que celle-ci ne soit influencée par des objectifs politiques à court terme. Véritable justification : les banques centrales doivent avant tout lutter contre l’inflation, que les spéculateurs craignent comme la peste car elle diminue leurs bénéfices ainsi que les dettes de leurs débiteurs. Or, notamment en période de récession ou de déséquilibre monétaire, la politique souhaite – et c’est légitime – que la banque centrale mène une politique monétaire qui tienne aussi compte de l’emploi, de la croissance ou encore de la parité du pouvoir d’achat. Confer ces décisions à des experts « indépendants » permet, selon les partisans de l’indépendance des banques centrales, d’éviter que les élus mettent trop leur nez dans la politique monétaire, afin que celle-ci se calque sur les intérêts de la finance. Continuer la lecture

Mon intervention au Conseil national sur «Monnaie pleine»

L’initiative qui est soumise aujourd’hui à notre examen part d’une bonne intention : stabiliser le système financier, empêcher les crises, éviter que les collectivités publiques ne doivent voler au secours d’entreprises présentant un risque systémique sont des objectifs importants que mon parti et moi-même poursuivons depuis longtemps. Et pour lesquels quelques progrès ont été obtenus, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Mais cette initiative n’atteindra pas les buts que les initiants lui assignent. Continuer la lecture

« Monnaie pleine » une initiative ratée aux objectifs louables

L’initiative populaire « Pour une monnaie à l’abri des crises : émission monétaire uniquement par la Banque nationale! » dite « Monnaie pleine » (« Vollgeld », en Allemand) est un peu un ovni en politique suisse. S’il n’est pas rare que la BNS soit visées par des initiatives populaires, jamais un pareil bouleversement de la politique monétaire n’avait été proposé et encore moins soumis au vote du peuple et des cantons. Cette initiative prétend mettre un terme à la spéculation et renforcer la stabilité financière en interdisant en partie aux banques de créer de la monnaie. Pour cela, elle propose que la Constitution confère à la BNS le monopole de la création de monnaie scripturale. Ainsi, les banques commerciales ne pourraient plus octroyer de crédits financés par des dépôts à vue (comptes courants, retirables en tout temps). L’initiative prévoit également que la BNS crée de la monnaie sans dette, c’est-à-dire qu’elle la transfère directement aux administrations publiques et aux citoyens. Selon les initiants, l’Etat n’aurait ainsi plus à sauver les banques en difficultés, car il ne pourrait notamment plus y avoir de « bank runs », tous les dépôts à vue étant garantis par la BNS.

Vouloir mettre un terme à la spéculation et aux risques systémiques est une bonne chose, et même une très bonne chose. Mais « monnaie pleine » n’y parviendra à mon avis pas et je rejetterai cette initiative. Continuer la lecture