Lex USA et protection des collaborateurs: Où en est-on?

C’était une décision difficile à prendre: J’ai voté oui à la «lex USA», malgré les incertitudes sur le contenu, malgré le non-respect des procédures parlementaires, malgré le sacrifice des employés en lieu et place des clients tricheurs, malgré le fait que la politique soit une fois de plus obligée de voler au secours des directions des banques ayant commis l’erreur de persévérer dans leur stratégie dangereuse de captation de l’évasion fiscale.

Mon vote était justifié d’une part par les menaces graves qui pèsent sur notre place financière et, partant, sur notre économie dans son ensemble en cas de plaintes pénales aux USA contre des banques suisses. Mais il était surtout justifié par le fait que seule la «Lex USA» pouvait garantir une protection suffisante du personnel face à la livraison inéluctable des données personnelles aux USA. En effet, le Conseil fédéral livrera ces données, car le Parlement lui a donné mandat de tout mettre en œuvre pour régler le différend avec les USA. Continuer la lecture

Horaires d’ouverture: le piège à nigaud des «régions touristiques»

C’est le dernier argument à la mode chez les partisans du travail 24h/24: C’est pour satisfaire les «besoins des touristes» qu’il faut ab-so-lu-ment libéraliser les horaires d’ouverture des commerces. Jusqu’à présent, ils prétendaient que c’était surtout pour satisfaire «les besoins des consommateurs» (de chez nous). Mais il faut dire que les nombreux votes populaires clairement opposés à toute prolongation des horaires finissent par rendre évident que lorsqu’on leur pose directement la question, les consommateurs-électeurs, semblent se satisfaire pleinement des horaires actuels et ne sont pas d’accord de sacrifier le personnel d’un secteur aux conditions de travail plutôt précaires.

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Clause de sauvegarde: un faux-fuyant qui détourne des vraies mesures

Disons-le tout net: même si elle a grandement contribué au succès économique de la Suisse, la libre circulation crée des problèmes de sous-enchère. Ceux-ci ne peuvent être passés sous silence. Mais l’activation de la «clause de sauvegarde» (la réintroduction unilatérale de contingents de main d’œuvre) n’est certainement pas le moyen approprié. Pire, cela risque de détourner des vraies enjeux en matière de marché de l’emploi: les mesures d’accompagnement en matière de droit du travail et en faveur du logement. Continuer la lecture

Pourquoi les salarié-e-s ont intérêt à voter Oui à Minder

Ces dernières années, il n’y a pas que les rémunérations des top-managers qui ont explosé: il y a aussi l’écart salarial. Que l’on parle de grande multinationale comme Novartis ou d’entreprise typiquement suisse comme Lindt & Sprüngli, les directions s’octroient des salaires plus de 200 fois supérieurs au salaire le plus bas de l’entreprise. Les rémunérations abusives ne sont donc pas uniquement le symptôme de la cupidité sans bornes de quelques dirigeants, il s’agit aussi d’une vaste opération de redistribution des richesses vers le haut. Ce sont les salarié-e-s qui en font les frais: La grande masse doit se partager une part toujours plus restreinte des bénéfices, pendant que les dirigeants se servent sur la bête, sans pour autant garantir la pérennité des emplois et du savoir-faire.

L’initiative «contre les rémunérations abusives» est une première étape contre ces dérives. Les étapes suivantes sont bien entendu l’initiative 1/12, l’initiative pour un salaire minimum et l’initiative pour un impôt sur les grandes successions. Continuer la lecture

Il ne s’agit pas que de quelques «shops»…

Le parlement fédéral vient de décider la libéralisation des horaires de travail dans les échoppes (ou «shops») de stations-service. Le PS, les syndicats et les églises ont lancé le référendum pour défendre les salariés de cette branche, qui travaillent très souvent dans des conditions précaires (bas salaires – 16 fr./h! pas de conventions collectives, agressions fréquentes, travail sur appel), mais aussi l’ensemble des salariés. Car les «shops» ne sont qu’une étape vers une libéralisation complète de tous les horaires de travail: ses partisans ont déposé de nombreuses autres propositions aux chambres fédérales pour supprimer le repos dominical et étendre les horaires de travail d’abords dans le commerce de détail (et dans les branches à son service: nettoyage, livraisons, sécurité, etc.), puis dans les autres branches. Parce qu’ils savent qu’une libéralisation totale n’aurait aucune chance dans les urnes, ils procèdent par petites étapes: grandes gares, puis «shops», puis régions périphériques, puis zones touristiques, puis harmonisation à la hausse de tous les horaires d’ouvertures dans tous les cantons. Détail important : certaines de ces propositions ne seraient même pas soumises au référendum et le peuple ne pourrait donc pas donner son avis. C’est par exemple le cas de motion Abate.

Le peuple, parlons-en! Dans 90% des cas, les propositions d’étendre les horaires d’ouvertures des commerces sont rejetées en vote populaire. C’est cette raison qui a notamment poussé le grand conseil vaudois à rejeter deux fois de suite une extension du travail dominical (2010 et 2012).

Parmi les opposants à la flexibilisation des horaires, on ne trouve pas que les défenseurs des salariés; il y a aussi les petits commerçants. En effet, ils ont aussi beaucoup à perdre de la concurrence des «shops», car il est évident que prolonger les horaires d’ouverture n’augmente pas le pouvoir d’achat et qu’un franc est dépensé dans un «shop» ne peut plus l’être dans un petit magasin de village ou de quartier.

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Texte paru dans le «Régional»

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Motion «Abate»: Nouvelle tranche de salami pour qu’on bosse 24h/24

Ça n’en finit décidément pas. Même après plusieurs défaites cinglantes dans les urnes, les partisans des ouvertures des commerces 24h/24 tentent de couper une nouvelle tranche de salami: Cette fois, c’est la motion Abate (conseiller aux Etats PLR/TI). Son objectif: «modifier» la notion de «zone touristique», qui autorise les ouverture dominicales, pour l’«adapter au tourisme moderne». Derrière ce «modifier» se cache en fait l’idée de faire du pays tout entier une vaste «zone touristique». Donc d’y autoriser partout les ouvertures dominicales. Certainement préludes aux ouvertures 24h/24.

Certes, ce bon Monsieur Abate demande que l’on «ne porte pas atteinte à la protection des travailleurs». Comme c’est munificent. S’il connaissait quoi que ce soit à la branche dont il prétend se soucier, il demanderait probablement une amélioration de ladite protection. Mais peut-être ce Grand Seigneur ignore-t-il que les salariés qui travaillent régulièrement le dimanche n’ont légalement pas droit à un supplément de salaire, ou que le commerce de détail est une branche dont les conditions de travail sont très précaires, dont les salaires sont bas et où il n’existe que très peu de conventions collectives de travail. Ou peut-être ne l’ignore-t-il pas, mais s’en fiche royalement. Car son objectif n’est pas de venir en aide au tourisme, ne soyons-pas naïfs. Son objectif, comme celui des autres auteurs de propositions visant à libéraliser petit à petit tous les horaires de travail en commençant par les horaires d’ouverture des commerces, est d’instaurer une société du 24H/24 qui plaira à une minorité de consommateurs impatients. Et se fera au détriment des travailleurs concernés (toujours plus nombreux) et de leurs familles. Le peuple devra mettre le holà. Il aura une première occasion lors de la votation – probable – sur la libéralisation des horaires d’ouverture des échoppes de stations-service.

Offensive du PLR contre la formation

«Notre matière première la plus précieuse est le savoir de nos salariés. Il est important d’investir dans la formation de nos enfants pour leur assurer de bons emplois dans le futur. Le système de formation doit s’améliorer continuellement. Les universités de pointe ainsi que le système dual de formation professionnelle ne s’excluent pas – ils sont nécessaires et complémentaires à notre économie». Voici comment commence le chapitre 2.4. du programme du PLR consacré à l’emploi, qui s’intitule «Investir dans la formation pour assurer des emplois». Waouh. C’est beau. Mais quand on compare avec les récentes propositions concrètes du PLR en matière de formation, ces belles paroles sont plus proches du prêchi-prêcha. Continuer la lecture

UBS: enfin la fin du casino?

Le coup est rude: 10’000 postes doivent être supprimés chez UBS, dont 2’500 en Suisse. Il est d’autant plus rude qu’il est le fait d’une banque qui fait peser un risque systémique sur notre économie, que les contribuables ont déjà dû sauver à grands frais et en quatrième vitesse et qui doit régulièrement faire appel à notre diplomatie pour se tirer des mauvais pas dans lesquels un management aveuglé par l’argent facile l’a fourrée. Une banque quasi-publique, donc. Et, bien plus, presque un symbole national. Continuer la lecture

Dérégulation des horaires de travail: fuite en avant

Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, dit le dicton. C’est un peu la situation dans laquelle se trouve la majorité bourgeoise du Parlement fédéral, qui n’a de cesse de vouloir prolonger les horaires de travail dans le commerce de détail (et dans les branches qui en dépendent: logistique, sécurité, nettoyage, etc.), malgré une volonté populaire contraire clairement et régulièrement exprimée. Ainsi, quelques mois à peine après le refus cinglant des zurichois (70% de non) de libéraliser tous les horaires d’ouverture et le net rejet des lucernois (55%) de prolonger l’ouverture des commerces de «seulement»… une heure le samedi après-midi, la majorité du Conseil des Etats a accepté sans état d’âmes la nouvelle étape de la stratégie du salami visant à libéraliser petit à petit tous les horaires de travail: la motion «Lombardi». Continuer la lecture

N’en déplaise aux consommateurs impatients…

Ces dernières années, plusieurs des tentatives de libéraliser les horaires de travail sont venues de Zurich. Ainsi, c’est pour légaliser a posteriori le centre commercial «shopville» sis sous la gare centrale de Zurich que l’initiative Hegetschwiler pour libéraliser le travail dominical dans toutes les grandes gares a été déposée. Plus récemment, c’est parce que quelques échoppes (ou «shops») de stations-service zurichoises se sont fait interdire d’ouvrir la nuit par le tribunal fédéral (qui a, comme la loi l’exige, donné la priorité à la santé et à la vie familiale des travailleurs concernés) que l’initiative Lüscher a été lancée, afin qu’ils puissent ouvrir 24h/24 en faveur d’une petite minorité de consommateurs impatients. A chaque fois, on a l’impression que c’est la «grande ville moderne» qui veut faire tomber des législations «obsolètes» et «contraires aux intérêts des consommateurs». On en était presque à la lutte des urbains visionnaires contre les bouseux conservateurs.

Aujourd’hui 17 juin, les zurichois ont fait mentir ce cliché de la manière la plus nette qui soit en rejetant massivement l’initiative du PLR «le client est roi», qui souhaitait libéraliser complètement les horaires de travail de tous les commerces (et des branches à leur service, nettoyage, logistique, sécurité, etc.). Le même jour, les électeurs lucernois ont aussi refusé d’étendre les horaires des commerces. Cette nette double-défaite des ultralibéraux montre que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les zurichois tiennent eux aussi à la santé des salariés et à la qualité de vie, qu’une prolongation des horaires des magasins n’aurait pas manqué de diminuer (trafic, bruits, attroupement, nuisances dues à l’alcool, etc.). Ce résultat est de très bon augure avant le référendum – très probable – contre le travail de nuit et du dimanche dans les échoppes de stations-service. A moins que le Conseil des Etats, qui va bientôt se saisir de l’initiative «Lüscher» ne prenne soudain conscience que le peuple, et ce n’est pas la première fois, n’est pas du côté de ceux qui veulent une société qui ne se repose jamais.