«La politique de promotion économique axée surtout sur la fiscalité est finie»

Ce que les socialistes répètent depuis longtemps est confirmé par un spécialiste de la question, le directeur de l’organe de promotion économique de la Suisse occidentale «Greater Geneva Berne area», M. Philippe Monnier, interrogé par le «Matin dimanche» d’aujourd’hui (l’article n’est pas disponible en ligne).
Au sujet de la pertinence de distribuer force cadeaux fiscaux pour attirer les entreprises, ce dernier déclare sans ambage: «Les cantons ont retenus les leçons du passé. Ils savent qu’on ne peut pas attirer des entreprises à long terme avec des seuls cadeaux fiscaux.» Et, plus loin: «Au final, l’élément le plus important pour convaincre et retenir une société, c’est quand même la qualité de la main d’œuvre. Nous mettons beaucoup moins l’accent sur la fiscalité que par le passé». On ne saurait être plus clair.
Bref, voilà qui décrédibilise les belles théories des partisans des cadeaux fiscaux à tout va. Pour attirer des entreprises et créer des emplois, il ne faut donc pas se lancer dans une concurrence fiscale ruineuse qui prive l’Etat de moyens et empêche d’investir là où c’est utile et nécessaire. Au contraire, ce qui fait la qualité de notre place économique (formation, sécurité, innovation, qualité des infrastructures) a son coût. Pour l’assumer et garantir la pérennité de notre économie à long terme, il faut donc que l’Etat garde suffisamment de moyens. Et cesse de croire que baisser les impôts est un remède miracle.

Aucun préjugé contre le salaire minimum ne tient la route

Les salaires minimaux sont des instruments efficaces pour améliorer la situation des travailleurs pauvres, lutter contre le phénomène des bas salaires et contrer la sous-enchère. Malheureusement, ils souffrent d’un nombre important de préjugés, souvent inspirés de situations dans des pays étrangers (en particulier la France), qui ne sont pourtant pas comparables ni avec la situation dans notre pays, ni avec la façon dont on y conçoit des salaires minimaux. Le lancement par l’USS et le PS d’une initiative populaire fédérale pour un salaire minimum légal et les débats au Grand Conseil vaudois sur la recommandation de vote du Parlement au sujet de l’initiative cantonale lancée par AGT en ont fait ressortir un certain nombre. Petit florilège: Continuer la lecture

Codes et directives vestimentaires: Quel(s) habit(s) l’employeur peut-il prescrire ou proscrire?

Tant UBS que la Radio Télévision Suisse viennent d’édicter de nouvelles directives vestimentaires plutôt détaillées (celles de l’UBS en pdf). La première a été commentée par la presse internationale (du «Times» britannique à «l’Humanité» française, en passant par le wall street journal ou encore the australian), la seconde a été révélée par l’hebdomadaire satirique «Vigousse». Ces directives contiennent des détails plutôt intimes, allant jusqu’à conseiller ou interdire certains types de sous-vêtement ou de décolletés. En outre, en cette période des fêtes de fin d’année, nombreux sont les commerces à vouloir affubler leur personnel de costumes de circonstance, p. ex. de Père Noël. Il est donc utile de rappeler les règles du droit du travail concernant l’habillement des salariés et sur ce que l’employeur peut leur imposer ou interdire. Continuer la lecture

Interpellation: Quelles mesures pour réinsérer rapidement les victimes des coupes dans l’assurance-chômage?

Le peuple suisse vient d’accepter la 4ème révision de la loi sur l’assurance-chômage (LACI), malgré l’opposition de tous les cantons latins. Il faut en prendre acte. Le Conseil fédéral fera entrer en vigueur ces modifications au 1er janvier 2011. Or, ces mesures, qui frappent en premier lieu les catégories les plus vulnérables de chômeurs et chômeuses (personnes âgées de plus de 55 ans, malades, mères qui reviennent sur le marché du travail), ainsi que les chômeurs domiciliés dans les régions très touchées par la crise (dont de nombreux vaudois), pourraient avoir pour effet de pousser de nombreuses personnes vers l’aide sociale et donc d’en augmenter les coûts. Ainsi, le Conseil d’Etat, dans sa réponse à l’interpellation 10_INT_322, s’attend à une augmentation des dépenses sociales allant jusqu’à 15 millions de francs par an pour notre canton.
Dans l’intérêt de tous, il s’agit d’éviter que de trop nombreuses personnes soient contraintes de faire recours à l’aide sociale une fois leurs droits épuisés, surtout s’ils s’épuisent plus rapidement à cause des nouvelles dispositions de la LACI. Pour cela, il s’agit de renforcer les mesures d’intégration sur le marché du travail, en particulier les mesures de formation. Une augmentation des arrivées en fin de droits étant malheureusement à craindre, il convient de prévoir dès à présent d’intensifier les mesures de soutien aux personnes sans emploi, en particuliers ceux qui épuisent leurs droits aux indemnités de chômage. Il convient aussi d’intensifier le soutien aux catégories de chômeurs les plus touchées par la révision de la LACI.

J’ai donc interpellé le Conseil d’Etat aujourd’hui et lui ai posé les questions suivantes:
1. Comment le Conseil d’Etat évalue-t-il la situation de catégories de chômeurs qui vont subir des diminutions de prestations suite à l’entrée en vigueur de la 4ème révision de la LACI?
2. Le Conseil d’Etat entend-il mener, sur les deux prochaines années qui suivent l’entrée en vigueur des modifications de la LACI, une étude de suivi de la situation des personnes qui risquent d’épuiser leurs droits aux indemnités, afin de clarifier l’impact sur l’aide sociale des diminutions des prestations de l’assurance-chômage?
3. Quelles mesures entend-il prendre rapidement pour soutenir les chômeurs et chômeuses épuisant leurs droits aux indemnités?
4. Quels moyens supplémentaires entend-il mettre à la disposition de la réinsertion professionnelle des catégories concernées par les diminutions de prestations de la 4ème révision de la LACI?
5. Quelles mesures de réinsertion professionnelle entend-il renforcer? Entend-il en introduire de nouvelles? Si oui, lesquelles? Si non, pourquoi?
6. Comment compte-t-il faire la promotion des mesures existantes efficaces, mais peu utilisées, par exemple les allocations de formation (art. 66a LACI)?
7. Comment compte-t-il encourager la reconversion professionnelle dans les métiers et les branches à pénurie de main d’œuvre qualifiée?

La bonne vielle grosse ficelle des «abus»

Pour faire avaler à la population une baisse des prestations en matière d’assurance sociale, il n’y a pas plus efficace que la «chasse aux abus». En effet, qui donc accepterait de couper dans des prestations destinées aux chômeurs âgés, aux malades, aux mères, etc., si ce n’est pour éviter que de «méchants abuseurs (si possible étrangers)» n’en profitent «indûment»? Les partisans du démantèlement de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) n’allaient tout de même pas laisser passer pareille occasion. Et les voilà qui abreuvent les médias d’annonces sur lesquelles ont voit un type basané (l’«étranger abuseur» tant honni) se la couler douce dans un hamac et n’ayant qu’à tendre la main pour recevoir une liasse de billets de banque. Avec, comme message à peine voilé: Coupons dans l’assurance-chômage (AC) pour éviter que des étrangers sans scrupules ne fassent du «tourisme social» en ne venant en Suisse que pour «profiter des nos institutions sociales» tout en restant bien tranquillement dans leur canapé.  Sauf que cette annonce à tout faux: Les barrières pour empêcher «tourisme social» et limiter les abus sont déjà élevées, les chômeurs ne sont pas «payés à ne rien faire», et, surtout, la nouvelle LACI ne changera rien à cet état de fait. Continuer la lecture

Commentaire de la réponse du Conseil d’Etat à mon interpellation sur les faux indépendants

J’avais annoncé un commentaire de la réponse du Conseil d’Etat à mon interpellation demandant si un appel d’offre de l’Etat pouvait entraîner l’engagement de faux indépendants par l’administration cantonale, ce qui aurait été du travail au noir. Cette réponse ayant été débattue cet après-midi au Grand Conseil, voici donc quelques remarques.

Tout d’abord, il faut se réjouir que l’Etat n’ait finalement pas engagé de faux indépendants. En effet, c’est une entreprise occupant plusieurs collaborateurs qui a remporté l’appel d’offres mis en cause. Mais le Conseil d’Etat a bien dû reconnaître dans sa réponse à ma question no 2 que, si une personne travaillant en raison individuelle avait remporté cet appel d’offre, elle aurait «perdu son statut d’entreprise indépendante», vu le temps de travail exigé et l’intégration dans les locaux de l’administration.
La fausse indépendance est considérée à juste titre comme du travail au noir, car le faux indépendant n’a d’indépendant que l’apparence et, surtout, la relation contractuelle (mandat au lieu de contrat de travail) et l’affiliation aux assurances sociales (qu’il doit assumer lui-même au lieu que son employeur ne s’en charge et paie la moitié des cotisations). Engager des faux indépendants permet à une entreprise de reporter le risque d’entreprise sur ces ex-employés, en leur faisant miroiter une indépendance factice, mais en les gardant sous leur contrôle comme s’ils restaient ses employés, tout en les laissant se débrouiller seuls avec les assurances sociales et en les privant des normes protectrices du contrat individuel de travail. Le phénomène de la fausse indépendance doit donc être combattu avec vigueur et il aurait été fâcheux que l’Etat lui-même en engage. Fort heureusement, cela n’a pas été le cas et le Conseil d’Etat a assuré le Grand Conseil que des procédures existent pour éviter que de tels cas ne se produisent (réponse à la question no 6). Espérons que ces mesures sont efficaces et qu’il n’y aura plus d’appels d’offres pouvant mettre ceux qui y répondent dans une telle situation.

Supprimer une incitation à retrouver du travail?

Un des meilleurs moyen de faire des économies dans l’assurance-chômage (AC) et de faire en sorte que les chômeurs retrouvent du travail: ils n’ont plus besoin de ses prestations et y cotisent de nouveau. La révision de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) supprime pourtant une incitation intelligente à accepter, lorsqu’on est au chômage, un emploi (ou «gain») intermédiaire (art. 24 LACI), en attendant d’en trouver un travail convenable qui permette de quitter pour de bon la situation de sans-emploi. Cet instrument de l’AC est porté à juste titre aux nues par George Sheldon, professeur à l’université de Bâle et spécialiste du marché du travail, dans un entretien donné au «Temps» du 21 août: «[Une] mesure à favoriser est celle des gains intermédiaires. Dans ce cas, le chômeur accepte un emploi pour un salaire inférieur aux indemnités qu’il perçoit. L’assurance-chômage prend alors en charge une partie de la différence entre le salaire touché grâce au gain intermédiaire et l’indemnité à laquelle le chômeur a droit. En acceptant cette solution, le chômeur acquiert de nouvelles périodes de cotisation. Surtout, il améliore son attractivité sur le marché du travail en étant à nouveau actif».
Or, la révision de la LACI prévoit de diminuer, voire de supprimer l’incitation au gain intermédiaire, car les «indemnités compensatoires» ne feront plus partie du revenu assuré. Ce détail technique poussera de nombreux chômeurs à renoncer à un gain intermédiaire, même si cela aurait réduit la facture de l’AC. Continuer la lecture

Pauvre Doris!

Au détour d’un entretien à «24 heures» et à la «Tribune de Genève» (l’encadré dont il est ici question n’est pas en disponible en ligne), Doris Leuthard donne son appréciation de l’abaissement de la notion de «travail convenable», qui pourrait, si le peuple ne refuse pas la révision de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) le 26 septembre, forcer les jeunes de moins de 30 ans à accepter n’importe quel emploi, même s’il ne correspond pas à leur formation ou à leurs compétences. Pour ce faire, elle donne l’exemple de sa situation personnelle: Elle aussi a «dû» changer d’emploi. Juriste, elle est devenue Conseillère fédérale: «J’ai une formation de juriste, et maintenant, je travaille comme conseillère fédérale. Je fais tout à fait autre chose». Cette pauvre Mme Leuthard ne dit toutefois pas si ce nouvel emploi correspond à ses compétences… Donc, à son avis, si elle a pu s’adapter, nul doute que les jeunes chômeurs pourront se contenter sans problèmes d’un autre emploi, quel qu’il soit.
Mais l’exemple choisi par Mme Leuthard montre qu’elle n’a rien compris à l’abaissement de la notion de «travail convenable». Il ne s’agit en effet pas de trouver un autre emploi, qui, à l’instar de celui de conseillère fédérale, est bien payé, prestigieux, dont rêve une bonne partie des parlementaires fédéraux et qui soutient largement la comparaison avec celui de juriste. Non, avec le méchant tour joué aux jeunes, il s’agit d’accepter un emploi moins bien payé, aux conditions plus difficiles et qui ne tient absolument pas compte de l’énorme investissement personnel que représente une formation professionnelle. En outre, réserver cette mesure aux moins de 30 ans uniquement n’est rien d’autre que de la discrimination d’une classe d’âge. Enfin, cela crée de la sous-enchère salariale, les travailleurs moins qualifiés devant désormais craindre d’être purement et simplement remplacés par des jeunes moins chers et plus flexibles (même s’ils sont surqualifiés)… Ils n’auront donc pas d’autre choix que d’accepter eux aussi de baisser leurs prétentions pour éviter de se retrouver perdants face à une concurrence déloyale provoquée par l’Etat.

Lors de cet entretien, Mme Leuthard livre encore une information intéressante démontrant que la révision de la LACI n’améliorera pas les incitations à trouver un nouvel emploi: «On doit tenir compte des possibilités offertes par le marché du travail. C’est ce que demande déjà aujourd’hui la loi sur le chômage ». Bon, alors, si la loi actuelle le demande déjà, pas besoin de la durcir. Et Mme Leuthard de conclure, pleine de bon sens: «Attendre à la maison, ce n’est jamais une bonne solution». Là, elle a tout à fait raison. Mais peut-être oublie-t-elle que la loi actuelle prévoit déjà des sanctions contre les chômeurs qui «attendent à la maison» sans rechercher ou accepter un nouvel emploi!

Le 26 septembre, non à une révision de la loi sur l’assurance-chômage discriminatoire et inutile!

Le taux de chômage est-il surestimé?

La RSR l’annonçait tout à l’heure: les chiffres du chômage seraient surestimés. La faute au Seco, qui se base sur les chiffres de la population active datant du dernier recensement fédéral… d’il y a 10 ans. Ainsi, dans le canton de Vaud, le taux de chômage ne serait pas de 5,3%, comme annoncé par le Seco, mais plutôt de 4,5%, soit presque un point de différence. En effet, la population active ayant nettement augmenté par rapport au dernier recensement fédéral, le nombre de chômeurs inscrits – qui est, lui, censé être précisément connu – rapporté à la population active actuelle donne un taux plus faible que le même nombre rapporté à la population active d’il y a dix ans. CQFD. Ce qui fait dire au chef du service genevois de l’emploi, M. Schmied (dont les propos ont été rapportés sur forums sur la RSR), que la Suisse serait «le seul pays à surestimer son taux de chômage». A l’aube d’une votation cruciale sur l’assurance-chômage, voilà qui ne fait pas très sérieux.
Il ne faut cependant pas perdre de vue que le taux de chômage tel que régulièrement présenté par le Seco n’en reste pas moins largement sous-estimé. Car il ne prend en compte que les «chômeurs inscrits» c’est-à-dire les personnes sans emplois immédiatement disponibles, aptes au placement et, surtout, inscrites auprès d’un Office Régional de Placement (ORP). Les demandeurs d’emplois qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas inscrits auprès d’un ORP (selon les classes d’âge jusqu’à 40% d’entre eux!), ceux qui ne sont pas immédiatement disponibles, ceux qui ne sont pas aptes au placement et ceux qui ont épuisé leurs droits au chômage (ce que la révision de la LACI se propose d’accélérer…) n’apparaissent, eux, pas dans les statistiques du Seco. Qui sous-estiment donc largement le nombre de chômeurs, grâce à une petite astuce au niveau de la définition officielle de «chômeur». Donc, quelle que soit la population active considérée, les chiffres officiels du chômage, comme dans la plupart des autres pays, embellissent quelque peu la réalité.
Cette petite histoire d’emberlificotage permet de rappeler que la révision de la loi sur l’assurance-chômage repose elle aussi sur une erreur d’estimation du Seco. Lors de la précédente révision de la LACI, le Seco tablait sur un nombre moyen de chômeurs sur l’ensemble d’un cycle conjoncturel d’environ 100’000. Or, en réalité, ce chiffre est plutôt de 125’000. Malheureusement, cette erreur avait justifié que l’on abaisse les cotisations salariales de 3 à 2%, provoquant un déficit structurel de près d’un milliard par an et une dette de près de sept milliards pour l’assurance-chômage. Ce dont s’est servie la majorité bourgeoise du Parlement pour justifier les coupes déraisonnables dans les prestations de l’assurance-chômage que le peuple aura l’occasion de rejeter le 26 septembre prochain. Bref, le Seco s’est planté dans ses calculs, mais tente de faire payer la note aux salariés.

Des coupes sur le dos des jeunes chômeurs ou comment le rêve de Thomas Daum pourrait devenir réalité

En mai 2006, lors de son entrée en fonction comme patron des patrons, M. Daum avait provoqué un tollé en proposant de diviser par deux les indemnités journalières pour jeunes chômeurs. L’indignation avait alors été grande dans les organisations de jeunesse, mais aussi chez tous ceux qui défendent les intérêts des jeunes générations. 4 ans plus tard, avec la 4ème révision de la LACI, son rêve est malheureusement presque devenu réalité. En tout cas, il a déjà passé comme une lettre à la poste au Parlement. Continuer la lecture