Ce que les socialistes répètent depuis longtemps est confirmé par un spécialiste de la question, le directeur de l’organe de promotion économique de la Suisse occidentale «Greater Geneva Berne area», M. Philippe Monnier, interrogé par le «Matin dimanche» d’aujourd’hui (l’article n’est pas disponible en ligne).
Au sujet de la pertinence de distribuer force cadeaux fiscaux pour attirer les entreprises, ce dernier déclare sans ambage: «Les cantons ont retenus les leçons du passé. Ils savent qu’on ne peut pas attirer des entreprises à long terme avec des seuls cadeaux fiscaux.» Et, plus loin: «Au final, l’élément le plus important pour convaincre et retenir une société, c’est quand même la qualité de la main d’œuvre. Nous mettons beaucoup moins l’accent sur la fiscalité que par le passé». On ne saurait être plus clair.
Bref, voilà qui décrédibilise les belles théories des partisans des cadeaux fiscaux à tout va. Pour attirer des entreprises et créer des emplois, il ne faut donc pas se lancer dans une concurrence fiscale ruineuse qui prive l’Etat de moyens et empêche d’investir là où c’est utile et nécessaire. Au contraire, ce qui fait la qualité de notre place économique (formation, sécurité, innovation, qualité des infrastructures) a son coût. Pour l’assumer et garantir la pérennité de notre économie à long terme, il faut donc que l’Etat garde suffisamment de moyens. Et cesse de croire que baisser les impôts est un remède miracle.
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M. Broulis promet, ne fait pas et ses troupes s’en contentent
En 2008, le groupe socialiste avait déposé un postulat visant à augmenter de 30% les effectifs de l’inspection fiscale, afin de lutter contre la fraude. Le Conseil d’Etat ayant, par la voix de M. Broulis, promis d’augmenter ces effectifs de 10%, le postulat avait été refusé par la majorité de droite. Deux ans plus tard, le magazine «l’Hebdo» a révélé que cette promesse n’a non seulement pas été tenue, mais que les effectifs ont même baissé de 8,6%! J’ai donc déposé, au nom du groupe socialiste, un deuxième postulat pour renforcer l’inspection fiscale.
La majorité PLR-UDC-AdC du Grand Conseil l’a aussi rejeté ce matin. Visiblement, les élus bourgeois se sont contentés des explications plutôt fumeuses du chef du département des finances (voir les rapports de commission), qui avait expliqué que, certes, le nombre de poste à l’inspection fiscale avait diminué, mais qu’il avait moins diminué que d’autres postes de l’administration cantonale des impôts. Une baisse en valeur absolue se transforme ainsi en augmentation relative! En outre, la majorité a argué que l’informatique a grandement simplifié le contrôle fiscal. C’est vrai, mais les dossiers complexes (sociétés multiples, participations internationales, etc.) n’en doivent pas moins être traités non pas par des ordinateurs ou des «cyber-taxateurs», mais par des spécialistes très qualifiés. Spécialistes que le chef du département des finances a d’ailleurs avoué avoir de la peine à recruter et à fidéliser. Sur cet aspect aussi, il aurait été intéressant que le Conseil d’Etat présente sa stratégie au Grand Conseil, comme le demandait le postulat. Malheureusement, la droite et le centre en ont décidé autrement. Le groupe socialiste n’en restera pas moins attentif et veillera à ce que la lutte contre les délits fiscaux ne se relâche pas. Heureusement, le canton de Vaud n’est pas dans une mauvaise situation sur ce point: le Grand Conseil avait rejeté fermement une proposition de l’UDC visant à amnistier les délinquants fiscaux, alors que, dans d’autres cantons, des partis de droite proposent de choyer les tricheurs.
Interpellation: Quel est l’impact sur la péréquation intercantonale des exonérations de l’impôt sur le bénéfice des personnes morales?
Les règles de la péréquation financière intercantonale prennent en compte le «potentiel de ressources» des cantons pour déterminer s’ils sont contributeurs ou bénéficiaires. Ce potentiel prend notamment en compte les bénéfices des personnes morales. Si de nombreuses sociétés faisant d’importants bénéfices se trouvent sur le territoire d’un canton, l’indice de ressource de ce dernier en sera d’autant plus élevé et il aura d’autant plus de «chances» d’être un canton contributeur.
Or, dans notre canton, de nombreuses personnes morales bénéficiant d’exonération d’impôt, p. ex. au titre de l’arrêté «Bonny», font d’importants bénéfices. Ces bénéfices augmentent l’indice de ressources du canton. Mais, comme ces sociétés sont exonérées d’impôt, le canton ne prélève pas les ressources qui entrent pourtant dans le calcul son «potentiel». Il doit donc contribuer à la péréquation avec des montants qu’il n’a pas prélevé.
En outre, les données transmises par le canton pour le calcul de la péréquation semblent, en tout cas de l’avis du Contrôle Fédéral des Finances (CDF), contenir des inexactitudes ou à tout le moins des divergences d’interprétation. Ainsi, le CDF a relevé dans son «Audit 2010 auprès des cantons et des offices fédéraux» (p. 11) «des écarts importants entre les données livrées par le canton de Vaud au titre de la RPT et les informations disponibles auprès du Secrétariat fédéral à l’économie. Ces faits ont entraîné l’ouverture d’un nouveau mandat afin de vérifier la conformité des allègements à l’IFD aux décisions du Département fédéral de l’économie. Débutés en août 2010 auprès du Seco ainsi que de quelques cantons sélectionnés, ces travaux ont révélé de multiples erreurs au niveau de l’intégralité et de l’exactitude des données vaudoises. (…) Il a validé le principe d’une correction éventuelle des montants 2011 de la péréquation financière pour les données vaudoises relatives aux années fiscales 2005, 2006 et 2007. Le CDF a convenu d’une intervention en novembre 2010 auprès de l’ACI vaudoise avec pour objectif un contrôle des données RPT 2005-2007 pour toutes les sociétés au bénéfice d’allègement à l’IFD et/ou d’allègement au niveau cantonal (risque d’intégralité). Les résultats des contrôles feront l’objet d’une nouvelle livraison, respectivement de décisions de corrections.»
Nous avons donc l’honneur de poser au Conseil d’Etat les questions suivantes: Continuer la lecture
Histoire d’un minable petit chantage
Dimanche dernier, quelques grands patrons ont pesté contre l’initiative pour la justice fiscale, menaçant carrément de «quitter la Suisse» en cas de oui à la suppression des abus de la concurrence fiscale. Ces mesquins maîtres-chanteurs jouaient à la foi le rôle de l’enfant gâté («si tu fais pô comme je veux, je boude») et celui, plus grave, du seigneur féodal qui n’a aucun respect pour la démocratie («le bon peuple n’a qu’à voter comme notre bon plaisir le lui commande»).
Parmi eux, Alfred Schindler, patron des ascenseurs du même nom domicilié dans le demi-canton de Nidwald. Un monsieur tout ce qu’il y a de plus à l’abri du besoin, en témoignent son revenu annuel (dividendes compris) d’environ 48 millions et sa fortune de quelques 500 millions de francs. Il prétendait que l’initiative socialiste lui ferait payer «70 à 80% » d’impôt. Mais aujourd’hui, le « Blick» lève le voile sur cette supercherie. Le quotidien alémanique a calculé qu’en cas d’acceptation de l’initiative, non seulement M. Schindler ne payerait pas autant d’impôts (à peine 37% de son revenu), mais surtout que ce montant resterait nettement inférieur à celui que M. Schindler payerait dans les cantons de Zürich, de Berne ou de Bâle. Nidwald ne se transformerait donc pas en «enfer fiscal». Mais ce n’est pas tout, son impôt serait, même en cas de oui à l’initiative, aussi inférieur à celui que M. Schindler aurait à subir s’il mettait sa menace à exécution et déménageait en Australie, où il possède une maison. Enfin, le «Blick» révèle que, pour étayer sa menace, M. Schindler a confondu les impôts de sa société et les siens. Si l’on suit l’argumentation des milieux économiques comme quoi les hauts salaires sont forcément synonymes de compétence, nul doute que cette erreur n’était pas involontaire.
Cette petite histoire permet de rappeler que :
· L’initiative pour la justice fiscale laisse les cantons libres de fixer la quasi-totalité de leurs taux d’imposition. Elle les empêche juste de pratiquer des taux indécents dont ne bénéficient que quelques super-riches.
· Moins de 1% des contribuables domiciliés dans une minorité de cantons sont concernés par l’initiative. A l’instar de M. Schindler, il ne s’agit ni de patrons de PME, ni de représentants des classes moyennes. Aucun contribuable n’est concerné dans le canton de Vaud.
· Les impôts des autres contribuables n’augmenteront pas si l’initiative est acceptée.
· Les taux d’imposition helvétiques resteront inférieurs à ceux de la plupart des autres pays.
· Des menaces aussi mal fondées que celles de M. Schindler sont des menaces en l’air.
Le 28 novembre, OUI à l’initiative pour des impôts équitables!
Partiront-ils?
A chaque fois que l’on parle d’impôt, c’est la même rengaine: «Si on augmente leurs impôts, les contribuables aisés partiront» claironnent les partisans de la sous-enchère fiscale. Ainsi, comme ils n’arrivent pas à faire croire que l’initiative contre les abus de la concurrence fiscale augmentera les impôts de tous les contribuables (alors que le texte ne vise que 1 % d’entre eux), les partis bourgeois nous promettent immanquablement un «exode des riches» en cas d’acceptation de l’initiative. Encore une fois, ils jouent sur la peur avec des motifs infondés. Continuer la lecture
La concurrence déloyale n’est pas acceptable
Les abus de la concurrence fiscale mènent petit à petit notre pays à sa ruine. Certains cantons, parce qu’ils sont proches des grandes centres, de leurs infrastructures, de leurs emplois, de leur offre culturelle, de leurs hautes écoles, de leurs hôpitaux de pointe, etc. peuvent se permettre, parce qu’ils disposent de terrains à bâtir bien situés, d’attirer les bons contribuables à n’importe quel prix. Pour les autres cantons, pas d’autre choix que de suivre la sous-enchère et d’accorder à leur tour des cadeaux fiscaux à un minorité nantie, au risque de devoir, quelques années plus tard, couper massivement dans les dépenses publiques aux dépens de la majorité de la population.
Et revoilà les baisses linéaires
Libéraux et UDC, grands artisans du «bouclier fiscal» vaudois, sont décidément de chauds partisans du «plus on a, plus on reçoit». En témoigne leur proposition de minorité concernant la loi d’impôt 2011 dont le Grand Conseil vaudois débattra en première lecture mardi: Une baisse d’impôt linéaire de 4,5 points. De prime abord, ça a l’air sympa. Une baisse d’impôt, qui peut dire non? Sauf qu’à y regarder de plus près, il s’agit surtout de baisser les impôts des hauts revenus, car le montant de la baisse est d’autant plus important que le revenu imposable est élevé. Continuer la lecture
L’UDC rejoint le PLR dans la défense des abuseurs
Le parti de M. Blocher vient donc de tourner casaque sur l’accord Suisse-USA en faveur de l’UBS: Désormais, elle le soutient, avec les libéraux-radicaux. Que M. Blocher soit du côté des banques n’est guère étonnant, lui qui avait en son temps rêvé d’entrer au conseil d’administration de l’UBS ou qui avait soutenu son ami Martin Ebner dans ses multiples attaques spéculatives contre l’industrie. Mais il vaut la peine de se pencher sur la condition que l’UDC met à son revirement, plus surprenante quand on connaît son soutien à l’initiative «Minder» sur les rémunérations abusives: D’accord de servir la soupe aux grande banques, mais à condition qu’il n’y ait pas d’impôt sur les bonus excessifs.
Le parti d’extrême-droite prend donc clairement position en faveur des mécanismes qui ont provoqué la crise. Il apporte son soutien aux rémunérations abusives et souhaite donc que la loi de la jungle continue à régner dans le secteur bancaire. Il refuse que l’Etat, qui sera pourtant tôt ou tard appelé à nouveau pour sauver la mise des établissements à la taille disproportionnée, puisse fixer des conditions pour éviter que la crise ne recommence. Il est d’accord que les contribuables paient la note, mais souhaite laisser filer les vrais coupables, qui pourront continuer à s’enrichir de manière scandaleuse.
Une fois de plus, l’UDC fait le choix de privilégier d’une petite minorité, qui plus est une minorité aux agissements dangereux. Elle privilégie les intérêts des dirigeants de la place financière aux dépens de ceux du peuple. Fort heureusement, ce dernier aura la possibilité de désavouer la droite et de mettre le holà aux rémunérations abusives en acceptant l’initiative «Minder» et celle de la jeunesse socialiste «1 à 12».
Deux questions au Conseil d’Etat sur les tutelles/curatelles – le postulat sur les inspecteurs fiscaux ira en commission
Deux commissaires socialistes (Filip Uffer et votre serviteur) ont posé deux questions orales sur les tutelles et curatelles. La première portait sur les nouvelles propositions que le Conseil d’Etat va proposer pour améliorer la situation de tuteurs et curateurs privés. Depuis plusieurs mois, le Conseil d’Etat promet en effet au Grand Conseil le dépôt d’un rapport complémentaire sur la question des tutelles et curatelles. Ce rapport a tout d’abord été annoncé pour la fin de l’année 2009, puis pour le début de l’année 2010, puis pour fin mars et enfin pour fin avril. Comme aucun de ces délais n’a été tenu, les travaux de la commission ont dû être plusieurs fois reportés.
La question était donc la suivante: Quand le Conseil d’Etat présentera-t-il au Grand Conseil son rapport complémentaire sur les tutelles et curatelles? Continuer la lecture
Postulat sur l’inspection fiscale: bilan et perspectives au-delà des promesses non tenues
En 2008, le Conseil d’Etat s’était opposé à un postulat du groupe socialiste (08_POS_037 pdf) intitulé «augmenter le nombre d’inspecteurs fiscaux» en arguant d’une part qu’il avait déjà décidé d’augmenter leur nombre de 10% et d’autre part, en raison de l’introduction de la taxation postnumerando et de la cyber-taxation, qu’il était prématuré d’envisager d’autres mesures avant d’avoir tiré les enseignements de ces réformes. Alors qu’au moment du passage devant la commission et au plénum, le nombre d’inspecteurs fiscaux était de 31,5 équivalents plein temps (ETP) et qu’une augmentation de 10% de ce nombre était annoncée par le chef du Département des finances Pascal Broulis, nous avons appris, notamment à travers une enquête parue dans «l’Hebdo», que ce nombre était tombé à 28,75 ETP (-8,6%!). Continuer la lecture