Commentaire à chaud du projet du Conseil fédéral de « régulation » des grandes plateformes du point de vue de la souveraineté numérique

Le Conseil fédéral a – enfin – ouvert la consultation sur la régulation des plateformes. Autant le dire tout de suite : le bilan est mitigé. Si le projet contient quelques bonnes choses, il n’est de loin pas à la hauteur des enjeux en matière de souveraineté numérique. Si ce projet aura un impact sur certaines des violations de nos lois commises par les GAFAM, d’autres resteront impunies. Voici un petit commentaire à chaud.

Au rayon des regrets :

  • Pas d’obligation de coopérer avec les autorités suisses. Cela revient à autoriser les violations de notre ordre juridique et foule donc aux pieds notre souveraineté. C’est comme si, dans le monde « réel », un automobiliste étranger ayant commis un délit routier ne serait pas obligé de s’arrêter si la police l’ordonne.
  • Pas d’obligation ferme de respecter la loi suisse : le projet prévoit certes une obligation pour les grandes plateformes de prévoir un mécanisme de signalement de certains contenus illégaux. Mais pas d’obligation de prendre des mesures. Ces acteurs ne doivent que décider « rapidement s’ils prennent des mesures ». Pour en rester à mon exemple du délit routier, c’est comme si un chauffard avait le droit de « décider rapidement » s’il ralentit ou pas, au lieu de l’obligation de respecter la loi dans tous les cas.
  • Pas de voie de recours contre une exclusion abusive d’un service en ligne (mais seulement une obligation d’informer les utilisateurs). Il y a eu de nombreux cas d’utilisateurs accusés à tort de violer la loi (comme cet utilisateur de microsoft banni de la plateforme en raison d’accusations malgré le fait que la justice l’a blanchi) qui ont définitivement perdu leurs données et leur outil de travail. Un acteur privé ne devrait pas avoir le droit d’ignorer une décision de justice. Là encore, c’est du mépris pour notre souveraineté.
  • Quant à restreindre l’obligation de réagir à certains contenus illégaux seulement, c’est comme si le même chauffard n’avait l’obligation de ralentir que sur certaines routes et pas sur toutes. D’ailleurs, ni le cyberharcèlement, ni d’autres cyberdélits comme le doxxing ne figurent dans la liste des infractions générant une obligation d’intervenir.
  • Pas d’application à toutes les plateformes. C’est dommage, car cela veut dire que certaines violations de nos lois ne seront pas poursuivies. Quel mépris pour notre souveraineté !

Au rayon des points positifs :

  • L’obligation d’avoir un représentant légal et un point de contact facilement accessible en Suisse. C’est ce que je demande depuis bientôt dix ans et qu’exige une motion de la Commission des Affaires juridiques du Conseil des Etats. Mais bon, sans réelle obligation de coopérer avec la justice, cette mesure risque de rester lettre morte…
  • Des sanctions dissuasives. Jusqu’ici, une GAFAM qui violait la loi suisse ne risquait quasi-rien. En revanche les 6% du chiffre d’affaire mondial, voilà qui est de nature à faire leur faire peur et à les forcer à respecter nos lois.

Une réflexion sur « Commentaire à chaud du projet du Conseil fédéral de « régulation » des grandes plateformes du point de vue de la souveraineté numérique »

  1. 5 regrets pour 2 points positifs…en football c’est une belle défaite et généralement l’entraîneur ne devrait pas être content (au contraire du CF…). Le projet du CF n’est donc clairement pas à la hauteur, encore une fois et ça commence à faire beaucoup de projets, de décisions problématiques ces derniers temps. Le CF se couche clairement trop facilement et trop vite devant les riches et les puissants. Par intérêt? Pourtant les enjeux sont énormes: protection du climat et de la biodiversité, logement, souveraineté numérique, défense, neutralité, adhésion à l’Europe…et j’en passe! Au secours! Que vont encore nous faire ces bras cassés?

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