En février, lorsque l’Union Syndicale Suisse annonçait 30’000 jeunes chômeurs de moins de 25 ans pour fin 2009, beaucoup avaient crié à l’alarmisme de mauvais aloi. Avec le récent pronostic de l’Union patronale suisse – 43’000 jeunes chômeurs pour 2010 – plus question de remettre en question la nécessité d’agir pour l’emploi des jeunes. Doris Leuthard, conseillère fédérale responsable, a associé les partenaires sociaux à son appel aux entreprises de créer de nouvelles places de stages pour jeunes demandeurs d’emploi. Mais, comme les appels à la bonne volonté ne suffiront probablement pas, d’autres mesures seront nécessaires. Jetons un regard critique sur quelques-unes d’entre elles:
Mme Leuthard a peut-être voulu donner dans la provocation en suggérant aux jeunes hommes concernés par le chômage de se tourner vers l’armée, leur conseillant de privilégier le service long, voire une carrière militaire. Outre le fait qu’elle ne s’adresse qu’à un public très restreint (les jeunes hommes aptes, soit moins d’un tiers de chaque classe d’âge) et qu’elle ne fait que déplacer le problème d’une année (il faudra bien chercher un emploi après le service), cette proposition se heurte à un écueil pratique de taille: comme l’a confirmé le Département de la protection de la population et du sport, l’armée n’a pas assez de places de service long pour satisfaire à la demande. En outre, elle ne recherche que des profils très spécifiques pour les carrières militaires.
Une autre proposition est venue du PDC: subventionner les places de stages (p. ex. en mettant la part employeur des assurances sociales à la charge de l’Etat), pour en augmenter le nombre. Cette proposition tient plutôt de l’idée saugrenue imaginée en quatrième vitesse par un parti contraint de voler au secours de sa conseillère fédérale, qu’à une mesure véritablement efficace. En effet, les places de stages professionnels sont déjà subventionnées aux trois quarts par l’assurance-chômage. Les subventionner davantage ne devrait donc pas encourager la création de places supplémentaires et entraînerait probablement un effet d’aubaine important. En outre, même si les stages sont en principe une mesure efficace pour les jeunes sans expérience professionnelle (ce qui n’est pas le cas des jeunes qui sortent d’un apprentissage dual), ils entraînent un risque important de sous-enchère: il arrive à des entreprises de remplacer de vrais emplois par des stages bien moins rémunérés et largement subventionnés. Les autorités du marché du travail doivent donc être particulièrement vigilantes face aux stages.
Passons aux vraies solutions. Une première consiste à tenir en compte du besoin de nombreux salariés de partir à la retraite avant l’âge légal, mais aussi des réalités économiques; les nombreuses suppressions d’emploi que notre économie devra affronter risquent malheureusement de prendre souvent la forme de retraites anticipées forcées. Cette situation pourrait être utilisée à bon escient pour faire entrer progressivement les jeunes sur le marché du travail, tout en conservant le savoir-faire de leurs aînés, par exemple en créant un modèle de retraite flexible progressive. Il faudrait permettre à des salariés âgés qui le souhaitent de quitter le monde du travail en douceur en diminuant progressivement leur temps d’activité quelques années avant l’âge légal de la retraite. Cette entrée progressive à la retraite devrait accompagner la mise en route au sein de l’entreprise d’un jeune successeur– qui pourrait être elle aussi progressive. En effet, les jeunes qui sortent d’apprentissage sont certes des professionnels bien formés, mais, c’est logique, il leur manque encore l’expérience que possèdent leurs collègues plus âgés. En outre, puisque de nombreux jeunes changent de métier dès la fin de leur apprentissage, cette méthode permettrait à ceux qui doivent s’intégrer dans une nouvelle branche d’être plus vite productifs et efficaces, grâce à l’aide des collègues plus âgés.
Mais, malgré tous les efforts qui pourront être faits, il restera des jeunes sortant de formation qui ne trouveront pas d’emploi. Il est une mesure idoine qui n’est encore que trop peu répandue: les entreprises d’entraînement. Ces entreprises travaillent certes sur un marché fictif, mais elles n’en offrent pas moins des conditions de travail réelles. En relations d’affaires avec d’autres entreprises d’entraînement suisses et internationales, elles permettent d’acquérir une expérience professionnelle reconnue.
Ces quelques propositions montrent qu’il est parfaitement possible de réagir, notamment dans le cadre d’un nouveau programme de relance, à la mauvaise situation qui attend de nombreux jeunes qui termineront leur formation cet été. A moins que l’on ne préfère assumer les conséquences, à savoir: des jeunes durablement décrochés du marché du travail et dépendants de l’aide sociale.
(colonne parue aujourd’hui dans le Temps)