Mais pourquoi les gens très aisés ne veulent-ils surtout pas toucher 70.- d’AVS en plus ?

Ces derniers temps, plusieurs ténors de la droite, M. Lüscher en tête, sont monté au créneau contre PV2020, arguant qu’ils n’ont « pas besoin » de l’augmentation de 70.- de toutes les nouvelles rentes AVS. C’est vrai que, vu leurs revenus, ils n’en ont pas besoin. Ainsi, il est vrai que 70.—Fr. de plus ou de moins à la fin du mois dans le porte-monnaie de M. Lüscher, qui expliquait il y a quelques années « gagner plus qu’un conseiller fédéral » (donc au bas mot 500’000.—Fr. par an), ne changeront pas grand’chose à son pouvoir d’achat. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il combat PV2020. Ce n’est pas à cause de l’augmentation des nouvelles rentes, mais plutôt à cause de leur financement. En effet, en augmentant les cotisations salariales de 0,3% (dont 0,15% seulement à la charge des salariés) et en s’appuyant sur le fort effet de redistribution des richesses de l’AVS, la réforme des retraites fait supporter l’essentiel de l’effort de financement supplémentaire par les très hauts revenus.

Voici un petit exemple pour s’en rendre compte :  

Prenons un avocat d’affaires domicilié dans le canton de Genève dont le revenu est de 500’000.—Fr. par an et âgé de 54 ans au moment de l’entrée en vigueur de la réforme (toute ressemblance avec un personnage existant serait fortuite). Comme il est indépendant, il paie à l’AVS une cotisation supplémentaire de 0,3% sur l’ensemble de son revenu, soit 1500.—Fr par an. Cela donne un total de 16’500.—Fr. de cotisations supplémentaires s’il prend sa retraite à 65 ans (mais peut-être la prendra-t-il plus tard s’il est en bonne santé et cotisera donc plus). L’espérance de vie pour les hommes dans le canton de Genève tournant autour de 81 ans, il touchera donc sa rente AVS pendant environ 16 ans. Pendant ces 16 ans, il bénéficiera des 70.—Fr. mensuels supplémentaires, donc de 13440.—Fr au total. A ce stade du calcul, l’augmentation de la rente lui « coûte » déjà 3060.—Fr., parce qu’il a un très haut revenu.

Mais ce n’est pas tout ! Comme les rentes AVS sont (heureusement) imposables, il devra payer des impôts sur les 70.—Fr. qu’il reçoit en plus. En partant de l’idée que les 70.—Fr. seront imposés au taux marginal, cela donne un taux d’environ 15% pour l’impôt cantonal et de 13.2% pour l’IFD (11.5% si son revenu annuel imposable à la retraite dépasse 755’200.—Fr., ce qui fait quand même beaucoup) , il versera environ 19.70 d’impôt direct cantonal et fédéral et ne touchera donc que 50.30.—Fr. au lieu de 70.—fr. par mois en plus. Au total, sur les 16’500.—Fr. de cotisations qu’il aura payé en plus, il ne bénéficiera d’une augmentation de rente nette de 9657.—Fr. au maximum. En réalité, ce sera beaucoup moins, car il faut ajouter l’impôt communal (que je n’ai pas pris en compte dans mon calcul, ne connaissant pas bien le fonctionnement du système genevois). Le reste de ses cotisations aura servi à financer l’augmentation de la rente AVS des assurés des classes modeste et moyenne, ce qui explique pourquoi les élus PLR et UDC très aisés ne veulent pas de cette augmentation. Il ne faut par ailleurs pas oublier que notre avocat d’affaires aura, tout au long de sa carrière professionnelle, copieusement financé les retraites via notamment l’impôt fédéral direct et la TVA, car l’AVS reçoit 19,55% de son financement de la Confédération.

L’AVS est décidément géniale pour redistribuer les richesses. Renforçons-là le 24 septembre en votant 2x OUI à PV 2020 !

* * *

 

(NB : Tous ces calculs sont des estimations qui ont été faites à la louche, mais les ordres de grandeur y sont. Pour qu’elles soient plus précises, il faudrait entre autres connaître avec exactitude le revenu imposable de la personne en question une fois à la retraite et les âges exacts auxquels elle prend sa retraite et décède. Ces estimations ne tiennent pas non plus compte de l’indexation des rentes (une erreur que fait aussi le peu sérieux et politiquement orienté « comparateur » de comparis), pas plus que d’éventuelles modifications des taux d’imposition, ni d’un éventuel splitting. Mais ces imprécisions ne changent rien au fait que l’AVS redistribue les richesses grâce à ses cotisations déplafonnées et ses rentes imposables. )

3 réflexions sur « Mais pourquoi les gens très aisés ne veulent-ils surtout pas toucher 70.- d’AVS en plus ? »

  1. Je comprends le point de vue de M Lüscher et autres politiciens. Fr. 70.– avec impôts à déduire, ne sont pas significatifs dans un budget, et Dieu sait si personnellement, j’en aurai besoin. Mais ça ne serait de loin pas suffisant. Et ça va coûter de très grosses sommes à la caisse AVS. De plus en dessus d’un certain revenu, c’est totalement dérisoire. C’est le système de l’arrosoir et nous n’avons pas les moyens de nous payer ce luxe.
    C’est vraiment la carotte pour l’âne que je ne suis pas. Donc je voterai NON le 24 septembre, ainsi que tout mon entourage.
    De plus, de pousser la retraite des femmes à 65 ans, alors qu’elles pratiquent au bas mots, deux professions en parallèle, et ce, toute leur vie, qu’elle sont payées en moyenne 20 % de moins que les hommes à travail égal, je trouve que c’est d’une injustice crasse !
    Et on parle d’équité !! . . . .

    • Mais ce n’est justement pas un « arrosoir » étant donné que pour toucher 70.- en plus, M. Lüscher aura cotisé beaucoup, beaucoup plus. En, en plus, ses 70.- seront imposés à hauteur d’environ 20.- (plus en comptant les impôts communaux). En outre, nous avons tout à fait les moyens de nous payer ce qui n’est à mon avis pas un « luxe », étant donné que ce seront les gens très aisés qui le paieront.
      En ce qui concerne les femmes, la hausse à 65 ans est une pilule difficile à avaler, c’est vrai. Mais, grâce aux nouvelles règles de la retraite flexible pour les bas revenus combinée aux 840.- d’augmentation des nouvelles rentes, les femmes gagnant jusqu’à environ 39’000.–Fr. par an pourront partir à la retraite à 64 ans avec la même rente qu’aujourd’hui. En outre, ces femmes auront un meilleur accès au 2ème pilier, donc de meilleures rentes. Petites, certes, mais de meilleures rentes tout de même.

  2. Ping : Pour en finir avec l’argument : « Ce sont les jeunes qui vont payer ! ». #PV2020 #CHvote | Jean Christophe Schwaab

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *