Le centre patronal commande, la droite obtempère, les contribuables trinquent

Le grand conseil vient, par surprise et suite à une opération de lobbying rondement menée par les cliniques privées, de refuser d’une courte tête d’entrer en matière sur la révision de la loi sur la planification hospitalière (LPFES). Les motifs avancés par radicaux, libéraux et UDC étaient notamment que ce projet de loi ne prévoyait pas assez d’exceptions favorables aux cliniques privées, qui lorgnent désormais sur un subventionnement public. Lors des débats en commission, il n’y avait pourtant pas eu d’opposition de principe à cette révision de la LPFES. Et aucun commissaire du centre-droit ou de l’UDC n’avait soutenu un amendement visant à créer une loi sur mesure pour les cliniques privées. En outre, lors du vote final sur le projet de loi amendé par la commission, il n’y avait pas eu une seule opposition à l’entrée en matière, tout juste quelques abstentions. Enfin, ces abstentionnistes avaient considéré avoir reçu suffisamment d’assurances du Conseil d’Etat et avaient renoncé à déposer un rapport de minorité.

Retournement de veste et de situation

Mais, avant les débats au plénum, l’association des cliniques privées a entrepris, sous la houlette du centre patronal, un lobbying des plus efficaces. Le centre-droit et l’UDC ont été remis à l’ordre, ont été priés de rejeter en bloc ce projet… et ont obtempéré (presque) comme un seul homme, sans la moindre considération pour le travail de leurs commissaires, qui ont d’ailleurs été bon nombre à tourner leur veste. La raison invoquée était que le projet de loi révisée ne faisait pas la part assez belle aux intérêts des cliniques privées (qui sauront certainement se montrer généreuses lors des prochaines campagnes électorales, ce qui, en l’absence de toute transparence sur le financement des partis, aura en plus l’avantage de ne pas se voir). Mais il y a une autre raison: En rejetant la révision de la LPFES, c’est à Pierre-Yves Maillard que la droite voulait s’attaquer. Elle ne supporte en effet pas l’important succès en matière de politique sociale obtenu par ce dernier avec la stratégie cantonale de lutte contre la pauvreté (rentes-ponts pour les chômeurs âgés, prestations complémentaires pour familles, combattues en référendum par le centre patronal), à tel point qu’un membre éminent du parti libéral appelait récemment dans la presse locale à «rejeter en bloc tous les projets sociaux à Maillard». Or, la révision de la LPFES, qui était un projet porté par le Conseil d’Etat dans son ensemble et donc pas uniquement par le chef socialiste du DSAS, contenait plusieurs assouplissements des conditions posées aux hôpitaux et EMS reconnus d’intérêts public. Si elle comportait plusieurs progrès intéressants, comme une limitation raisonnable de la sous-traitance, il n’en était pas moins un projet visant, suite au diktat de Berne, à instaurer plus de concurrence dans le milieu de la santé.

Qui paiera les pots cassés?

Reste à savoir à qui profite le crime. Les perdants, d’abords. Une inscription des cliniques privées sur la liste LAMAL leur donnant droit à des subventions publiques ferait deux victimes de choix: les contribuables ou les hôpitaux privés reconnus d’intérêt public (hôpitaux de zone FHV). En effet, il faudra bien payer les 70 millions de francs que coûterait cette mesure, soit par des réductions de prestations dans les hôpitaux actuellement subventionnés (un gâteau que se partagent plus de convives donne des parts moins grandes à chacun), soit par une augmentation de recettes. Parmi les gagnants potentiels, on compte les cliniques privées et leurs actionnaires, qui ne peuvent que se réjouir de la perspective de bénéficier désormais de subventions publiques. Mais il y a surtout les assureurs-maladie privés, qui n’auront plus besoin de reporter sur leurs assurés en complémentaire certains frais d’hospitalisation en clinique.

Quant aux patients et aux assurés de la LAMal, on peut encore chercher longtemps pour savoir quels avantages ils retireront de cette situation. Mais il est vrai qu’eux ne financent pas les campagnes électorales de la droite.

4 réflexions sur « Le centre patronal commande, la droite obtempère, les contribuables trinquent »

  1. Ping : La quête des cliniques vers l’argent public | Jean Christophe Schwaab

  2. Ping : Financement des partis: Histoire de gros sous | Jean Christophe Schwaab

  3. Ping : Privatisations: le grand retour | Jean Christophe Schwaab

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *