Peu importe que la gauche ait réuni 40% des votants, soit 10% de plus que son score électoral ! Les résultats de la votation sur les forfaits fiscaux à peine tombés, la presse et la droite entonnaient en chœur : « une nouvelle terrible défaite pour le PS ». Ainsi, « Le Temps », à l’obédience de plus en plus libérale, titrait « Forfaits fiscaux : une nouvelle défaite pour la gauche ». L’USAM claironnait quant à elle « Encore une gifle cinglante ! » (un titre qu’elle gardait probablement en réserve, après avoir renoncé à l’utiliser à propos de la débandade de sa propre initiative pour baisser la TVA dans la restauration). Quant à l’extrême-gauche, qui ne se remet probablement pas d’avoir dû supplier PSS et USS de l’aider à récolter les 60’000 signatures manquantes pour faire aboutir son initiative, elle prépare un pamphlet décrivant le PS comme « une machine à perdre ».
Il est vrai que, de prime abord, la lecture des résultats des dernières initiatives lancées ou soutenues par le PSS a de quoi décourager. Si l’on excepte l’initiative « contre les rémunérations abusives », il n’y a que des défaites, certaines honorables (1:12, caisse publique d’assurance-maladie, forfaits fiscaux), d’autres cuisantes (salaire minimum, six semaines de vacances), en tout cas au niveau comptable. Mais quoi qu’il en soit, ces défaites ne sont pas aussi dramatiques que ne le laisse entendre le seul verdict des urnes. Au contraire, toutes ont contribué à faire avancer les projets du PS et à améliorer concrètement la situation des gens que nous défendons. Par ailleurs, le PS ne perd pas plus souvent que les autres partis en votation populaire, même quand il s’agit d’une initiative, surtout lorsque l’initiative en question porte sur un objet économique ou fiscal.
Défaite dans les urnes – succès sur le terrain
Une initiative ne se lance souvent pas pour être gagnée dans les urnes. Il n’y a par exemple qu’à constater l’embarras de l’UDC, qui n’espérait certainement pas gagner le 9 février 2014 et qui commence à se rendre compte, comme la majorité de la population d’ailleurs, que l’acceptation de son initiative « contre l’immigration de masse » crée de nouveaux problèmes sans en avoir résolu aucun. Ainsi, trois des initiatives récemment lancées ou soutenues par le PS (salaire minimum, caisse publique d’assurance-maladie, suppression des forfaits fiscaux) ont produit des résultats concrets et positifs avant la votation, résultats qui demeurent malgré la défaite.
Par exemple, grâce à la pression de l’initiative pour un salaire minimum, plus de 200’000 travailleurs ont bénéficié d’une augmentation salariale, soit parce que les salaires minimaux de leur branche ou entreprise ont été revalorisés (p. ex. Aldi, Lidl, Bata, H&M, employés de banque), soit parce que leur CCT contient désormais des salaires minimaux qui ont pour effet de tirer tous les salaires vers le haut (p. ex. industrie des machines), soit parce qu’une CCT a enfin été conclue pour leur branche ou leur entreprise (p. ex. remontées mécaniques). Par ailleurs, même si elle n’a pas encore trouvé écho dans toutes les CCT, la limite salariale de 4’000.—Fr. est désormais considérée par beaucoup comme le seuil d’un salaire décent et les entreprises et branches qui ne parviennent pas à ce niveau de salaire trouvent toutes sortes d’excuse pour se justifier. L’initiative pour une caisse publique d’assurance-maladie a quant à elle poussé le Parlement à adopter enfin une nouvelle loi sur la surveillance de l’assurance-maladie, loi qui devrait permettre aux autorités de contrôler un peu mieux comment les caisses-maladie gèrent l’argent de nos primes. A voir l’intense lobbying que ces dernières ont déployé pour tenter de couler ce projet jusqu’à la dernière seconde, cette loi portée par le conseiller fédéral Alain Berset sera certainement efficace ! Enfin, l’initiative pour la suppression des forfaits fiscaux a poussé le Parlement à en durcir les conditions d’accès et à en augmenter les montants. Même si on est encore loin d’une égalité de traitement avec les contribuables suisses, c’est déjà un gros progrès.
Le PS est loin d’être le parti qui perd le plus
Malgré ces succès, les défaites dans les urnes restent des défaites. Cependant, il est totalement déplacé de traiter systématiquement le PS de « perdant » les lendemains de votations. D’une part, parce que c’est faux. Et d’autre part, parce que ceux qui entonnent le plus souvent ce couplet sont ceux qui omettent sciemment les défaites de leur propre camp. Ainsi, au cours de la législature en cours, le PS a gagné 21 votations populaires, contre 18 pour l’UDC (que les médias aiment à affubler du qualificatif de « gagnant »). Quant au PLR et au PDC, pourtant considérés comme « le centre qui gagne toutes les votations ou presque », ils n’ont guère plus gagné que le PS, soit 24 votations chacun. De plus, le PS est le parti qui gagne le plus souvent lorsqu’il est minoritaire, c’est-à-dire seul contre les trois autres grands partis (4 victoires seul contre 3 pour l’UDC et 0 pour le PDC et le PLR), ou à deux contre deux (5 victoires contre 3/3/3). (cf.: cette comparaison recommandation de vote des grands partis de la législature en cours)
A cela s’ajoute le fait que les initiatives qui traitent d’économie et de fiscalité ne gagnent presque jamais, exception faite de celle « contre les rémunérations abusives »… que le PS était seul à soutenir. Ainsi, la droite a perdu sur les deux initiatives pour l’« épargne-logement » (milieux immobiliers, PLR, UDC), sur celles pour baisser les impôts des retraités aisés (milieux immobiliers, UDC) et des familles aisées qui gardent leurs enfants elles-mêmes (UDC, plusieurs sections PDC) et celle pour baisser la TVA de la restauration (USAM, GastroSuisse, UDC, plusieurs sections PDC). Bref, lors de chaque dimanche de votation, il y aurait de quoi titrer « une nouvelle défaite pour…. », en y ajoutant à chaque fois le nom d’un parti ou d’une organisation économique différent. Il est tout de même bizarre que ce soit à chaque fois sur le PS que ça tombe…
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