L’initiative de GastroSuisse veut un grand bricolage de la TVA, mais ne propose pas de mode d’emploi. En cas d’acceptation, le législateur aura donc à choisir entre deux possibilités pour harmoniser les taux de TVA de la restauration «traditionnelle» et de la restauration à l’emporter : augmenter le taux le plus bas ou baisser le plus élevé. Quelle que soit la variante choisie, les conséquences seront négatives et les coûts énormes. La première possibilité serait d’augmenter la taxation des denrées alimentaires de base de 50%. Conséquences : ceux qui mangent à la maison ou sur leur lieu de travail paieraient leurs repas plus cher. Ce serait particulièrement injuste, car cela toucherait d’une part ceux qui n’ont pas les moyens d’aller régulièrement au restaurant et, d’autre part, pareille augmentation de la TVA frapperait les gens modestes aussi lourdement que les personnes aisées. Certes, certains initiants clament qu’ils ne souhaitent pas pareille mise en œuvre. Cependant, leur texte est si vague que le Parlement pourrait fort bien passer outre, à plus forte raison s’il doit trouver de nouvelles recettes pour compenser les milliards que pourraient coûter les cadeaux aux grandes entreprises au programme de la «3ème réforme de l’imposition des entreprises». Au final, ce sont bien les clients de la restauration à l’emporter ou des boulangeries qui paieraient la note, quoiqu’en disent les initiants.
La deuxième possibilité, baisser le taux de la TVA pour la restauration «traditionnelle», aurait des conséquences catastrophiques pour les contribuables et les assurances sociales. Les pertes pour la Confédération s’élèveraient à au moins 700 millions de francs par an, alors que cette dernière est déjà contrainte de mettre en œuvre un plan d’économies qui pourrait entraîner la suppression de plusieurs centaines d’emplois. L’AVS perdrait quant à elle 75 millions, ce qui augmenterait les incertitudes sur l’avenir de nos retraites. Enfin, les recettes de l’AI seraient amputées de 40 millions, alors que sa santé financière reste fragile et que ses restructurations ont été douloureuses pour les invalides.
Par ailleurs, baisser la TVA dans la restauration a déjà été tenté dans un pays voisin, qui n’est pourtant pas réputé pour la pertinence de ses politiques économiques : la France. Outre-Jura, la baisse de la TVA dans la restauration, qui a contribué à creuser les déficits publics, n’a eu aucun effet positif, ni sur l’emploi, ni sur les prix. En Suisse aussi, il n’est pas sûr que les clients verraient la couleur d’une diminution des taxes, car rien n’obligerait les restaurateurs à la répercuter sur leurs prix.
L’initiative coûtera donc fort cher, quelle que soit sa mise en œuvre. Soit il sera plus onéreux de prendre ses repas à domicile ou sur son lieu de travail, soit les contribuables, l’AVS et l’AI devront éponger d’énormes pertes. Il convient donc de voter non à ce bricolage très coûteux.
Texte paru dans «24 heures»