Mais où sont passés ces 600 millions?

Argument-choc des partisans de la baisse des rentes: chaque année, 600 millions de francs seraient pris au capital des caisses de pension des salariés pour financer les rentes. A cause d’un taux de conversion «trop élevé», les actifs seraient ainsi spoliés au moyen de ce que les milieux économiques et les partis bourgeois appellent un «transfert caché» ou d’une «redistribution camouflée». Voilà qui sent le vol à plein nez: Les «voleurs de rentes» ne seraient donc pas les assureurs privés (qui comptent améliorer leurs bénéfices grâce à une baisse du taux de conversion totalement inutile), mais plutôt les retraités, qui vivraient déjà au-dessus de leurs moyens, et ce aux dépens des actuels actifs. Et les libéraux-radicaux (du moins, le parti suisse, car il est possible que certaines sections cantonales rejoignent le camp du non, comme l’ont déjà fait p. ex. le PDC du canton de Zürich ou l’UDC du Valais Romand) de dépeindre socialistes et syndicats comme des bandits tout droit sortis d’un dessin animé.
Il suffit cependant de s’intéresser à la façon dont ces 600 millions ont été calculés pour constater que l’argument relève au mieux de l’étourderie, au pire de l’escroquerie. Ainsi, selon les partisans de la baisse des rentes, ces «600 millions de transfert caché» ne sont qu’une «estimation». C’est en tout cas ce qu’on peut lire à la p. 17 de leur «argumentaire long». Ah bon. Une simple «estimation» comme argument de campagne, on a vu mieux.
Mais ce n’est pas tout. Car ces 600 millions ne proviennent en fait pas d’une estimation, mais d’un calcul tout ce qu’il y a de plus sérieux. Mais il ne s’agit pas du tout de la somme des «pertes actuelles du 2ème pilier», d’une somme que les retraités actuels «prendraient» aux futurs retraités. Il s’agit plutôt, selon l’Office fédéral des assurances sociales, de la somme qui serait économisée chaque année si le taux de conversion était baissé, et avec lui toutes les futures rentes du 2ème pilier (pour plus de détails…). D’une économie potentielle, les partisans de la baisse des rentes font le montant actuel (mais fictif) des pertes du 2ème pilier. Il fallait oser. Ce n’est en effet pas parce qu’on décide d’économiser une certaine somme que l’on a, comme par enchantement, un déficit du même montant. C’est en général plutôt l’inverse: C’est parce qu’on fait un déficit que l’on décide de réduire les dépenses du montant correspondant.
Or, actuellement, le 2ème pilier ne fait pas de pertes. Les caisses de pensions se portent bien, les bénéfices des assureurs privés qui en gèrent une partie sont confortables – malgré la récente crise boursière – et leurs actionnaires se voient promettre des rendements à deux chiffres (ce qui ne serait certainement pas le cas si le 2ème pilier perdait réellement plusieurs centaines millions chaque année!).
Les «600 millions» s’avèrent donc n’être rien d’autre qu’un tour de passe-passe pour faire peur à la population. Le deuxième pilier est solide, son avenir est assuré à long terme et l’on peut donc, sans se faire de soucis, voter non à la baisse des rentes le 7 mars.

2 réflexions sur « Mais où sont passés ces 600 millions? »

  1. Monsieur Schwaab,

    Vu que vous ne saisissez pas les enjeux, voici certains éléments vous permettant de comprendre de quoi il s’agit.

    Premièrement, pouvez-vous me dire si les chiffres que vous citez sont sérieux ou s’il sortent de la propagande socialiste et syndicaliste.

    Deuxièmement, veuillez considérer un peu plus les faits objectifs: du moment que vous devez répartir un même capital sur un plus grand nombre d’années, la rente doit logiquement être baissée. Si en plus on prévoit que le capital sera plus bas (les rendements de 6&-10% comme dans les années 80-90, c’est fini), c’est une seconde raison. Si en plus on constate qu’aujourd’hui déjà, les cotisations passées ne suffisent pas à couvrir les rentes actuelles* et qu’on ponctionne sur les cotisations acutelles, c’est une 3e raison.

    Troisièmement, arrêtez d’affirmer que les caisses de pension se portent bien. Certes, les caisses de pension ont réaliser des bénéfices en 2009, mais suite à une très mauvaise année et uniquement en moyenne. Ça ne nous dit absolument rien sur l’état de santé de toutes les caisses et encore moins sur le rendement à long terme. En fait, beaucoup de caisses n’ont pas encore récupéré du crash de 2008:

    « En dépit de cette amélioration réjouissante, toutes les institutions de prévoyance n’ont pas encore surmonté totalement l’effondrement de 2008. Au total, environ un tiers de l’ensemble des caisses de pension recensées se trouvent encore en découvert au 31 décembre 2009. »

    (Source: http://www.romandie.com/infos/news2/201001281430050AWPCH.asp)

    Vos propos sont, avec tout le respect que je vous dois, pour le moins erronés, du moment qu’ils font totalement fi des réalités. Maintenir le taux à un niveau irréaliste, c’est voler les actifs et tuer le 2e pilier à terme.
    C’est comme pour l’AVS: ceux qui refusent toute réforme ne font qu’accélérer sa destruction finale.

    *: Des lacunes de financement des retraites existent depuis une dizaine d’années: elles se montent actuellement à environ 600 millions de francs, à la charge des actifs et au profit des rentiers. Ce montant s’accroît chaque année de 15 millions. Les effets de baisse en cours du taux de conversion ne suffisent pas à compenser ceux de l’accroissement de la longévité, qui est d’environ un mois et demi par an. Dans une vingtaine d’années, cette lacune de financement pourrait atteindre 900 millions par année. Sur quinze ans, cela représente une somme de près de 15 milliards.

    (Source: http://www.letemps.ch/Page/Uuid/83fb9428-14f6-11df-9448-b66681410563/Des_lacunes_de_financement_des_retraites_existent_depuis_une_dizaine_dann%C3%A9es)

    En résumé, si le non l’emporte, vous porterez une très grande responsabilité lorsqu’il s’agira vraiment de réformer le 2ème pilier.

  2. Cher Philippe, avec votre subtilité habituelle, vous ne faites que reprendre l’argument des «600 millions», qui comme vous vous en êtes aperçu à la lecture de mon billet, repose sur un tour de passe-passe. Vous vous êtes également aperçu que tous les chiffres que je cite dans ce billet sont tirés des argumentaires patronaux favorables à la baisse des rentes. Mais libre à vous de faire comme si vous n’aviez rien lu ou rien compris et de prétendre que ces chiffres sont tirés de «propagande socialiste et syndicaliste»!
    Sur l’état des caisses de pensions, je n’ai jamais prétendu que toutes les caisses de pensions sont en parfait état. Mais, force est de constater qu’en moyenne, elles se portent plutôt bien et même très bien quand on connaît l’ampleur du krach boursier qu’elles ont eu à affronter: Leur taux de couverture moyen était supérieur à 103% après le krach (ce qui veut dire qu’elles ont bien résisté) et devrait se situer aux alentours de 105% fin 2009. Il faut avoir à l’esprit que certaines caisses de pensions de collectivités publiques (p. ex. CFF ou Ville de Lausanne) sont en situation de nette sous-couverture, ce qui «plombe» cette moyenne, mais c’est un autre débat…

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