Toutes les analyses du marché du travail le démontrent: les accords bilatéraux et la libre circulation des personnes ont un effet positif sur l’emploi en Suisse. Ils permettent notamment à notre industrie d’exportation d’avoir accès au marché européen dont dépendent deux tiers des exportations et un quart du PIB helvétiques, ainsi qu’un emploi sur trois. A l’aube de la récession, y renoncer serait déraisonnable.
Cependant, la libre circulation des personnes ne doit pas avoir pour conséquence une baisse des salaires. Qui vient travailler en Suisse doit recevoir un salaire suisse et les salariés de notre pays ne doivent pas être mis en concurrence avec une main-d’œuvre étrangère bon marché. Les syndicats ont donc toujours soutenu la libre circulation des personnes à la condition qu’il y ait des mesures d’accompagnement.
L’expérience a montré que celles-ci sont nécessaires. En effet, malgré les effets globalement positifs sur l’emploi, la libre circulation des personnes provoque des cas de sous-enchère salariale qui ne peuvent être ni ignorés, ni tolérés.
L’Union syndicale suisse a obtenu un premier renforcement des mesures d’accompagnement lors de l’extension des accords bilatéraux aux 10 nouveaux membres de l’Union Européenne en 2005. En 2008, elle a obtenu une nouvelle amélioration en vue de l’extension de la libre circulation à la Roumanie et à la Bulgarie. Ainsi, le nombre de contrôles sera augmenté de 50% et les amendes infligées aux employeurs qui trichent seront doublées. Des progrès ont aussi été enregistrés au niveau des conventions collectives de travail (CCT) et des contrat-types de travail (CTT): une CCT a été conclue pour la branche du travail temporaire (où les cas de sous-enchère sont nombreux) et les négociations en vue de la conclusion d’une CCT pour le marché postal libéralisé ont repris. Enfin, le Secrétariat d’État à l’économie a reçu le mandat d’élaborer un CTT national avec salaires minimaux pour l’économie domestique (elle aussi source d’abus en série).
Cela ne signifie cependant pas que ceux qui luttent contre la sous-enchère peuvent baisser la garde. Le Conseil fédéral propose par exemple d’autoriser le dumping salarial intercantonal par le biais d’une modification de la loi sur les marchés publics. Selon ce projet, une entreprise ne serait plus obligée de respecter les conditions de travail et de salaires en vigueur dans le canton où elle exécute un mandat public, mais seulement celles de son canton de provenance. Ce qui reviendrait à jeter les CCT cantonales ou régionales aux oubliettes et à niveler tous les salaires par le bas. La sous-enchère ne serait ainsi plus l’œuvre de travailleurs issus de l’UE, mais d’entreprises sises dans des cantons où les salaires sont moins élevés. Cette proposition a été fermement condamnée par les syndicats, les cantons et de nombreuses organisations patronales. Même s’il n’est pas lié à la votation fédérale du 8 février, le Conseil fédéral doit retirer ce projet irresponsable, pour montrer sa volonté de combattre réellement toute forme de sous-enchère.
Texte paru dans «24 heures» du 14 janvier 2009.