Une motion libérale, largement soutenue par l’UDC et de nombreux radicaux, propose le libre choix de l’école publique et sera développée demain au grand conseil. Et donc la mise en concurrence des établissements. Ce «Libre choix» a l’air alléchant. Mais ce n’est qu’un cheval de Troie pour augmenter les inégalités sociales.
Les motionnaires argumentent que des pays européens qui ont mieux réussi que le nôtre lors de la récente étude PISA connaissent le libre choix de l’école publique et tirent la conclusion que c’est ce libre choix qui est la cause de leurs bons résultats. Ils citent notamment la Belgique et la Finlande. Pas de chance, ces deux exemples plaident l’un contre le libre choix (sauf si l’on veut faire de l’école un instrument pour creuser les inégalités), l’autre pour une politique éducative à laquelle les libéraux sont opposés.
Liberté = inégalités
La Belgique est le pays européen où le choix de l’école publique est le plus libre. Les écoles y sont densément réparties de sorte à ce que chaque domicile soit proche de plusieurs écoles, la réglementation peu contraignante et la part des écoles privées très importante (60% des élèves fréquentent des écoles privées catholiques). Mais c’est aussi le pays où le système éducatif reproduit le plus les inégalités sociales. En effet, c’est là que le niveau de formation des parents a le plus d’influence sur celui de leurs enfants. Si les parents sont bien formés, leurs enfants le seront aussi. Et si les parents n’ont pas pu suivre une bonne formation, il y a de très fortes chances que leurs enfants subissent le même sort. Bref, prendre la Belgique et son libre choix de l’école publique en exemple n’est pas une bonne idée.
Un politique éducative qui n’a rien pour plaire aux libéraux
Passons à la Finlande. Ce pays, régulièrement champion des études PISA, connaît certes en théorie le libre de choix de l’école, y compris à l’école primaire. Cependant, ce libre choix n’existe que s’il y a de la place, ce qui le restreint énormément, et il n’est donc guère pratiqué. Ce n’est donc certainement pas grâce au libre choix de l’école que la Finlande a obtenu de si bon résultats lors des tests PISA. C’est plutôt pour des raisons qui ne devraient pas plaire aux libéraux, UDC et autres partisans du «libre choix». La Finlande investit notamment une plus grande part de son PIB en faveur de la formation. Par exemple, les fournitures scolaires sont totalement gratuites, de même que les cantines scolaires. En revanche, lors des récents débats au sujet des crédits à la formation, l’UDC s’était prononcée pour réduire ces crédits au minimum. La Finlande connaît en outre la voie unique pour les neuf premières années d’écoles et ignore la sélection. L’échec scolaire y est rarissime. Cela n’empêche pourtant pas les motionnaires, d’habitude partisans de la sélection à tous crins, de citer la Finlande en exemple. Enfin, il y a relativement peu d’écoles privées (dont les partis de la droite vaudoise sont de grands partisans), car celles-ci ne peuvent pas prélever d’écolages. Faire du business sur le dos de la formation n’y est donc pas possible.
Libre choix, apanage des démocraties?
Les motionnaires prétendent enfin que «plus un pays est démocratique, plus il connaît le libre choix de l’école». C’est une assertion particulièrement choquante, vu que c’est le Chili, sous la dictature de Pinochet, qui est allé le plus loin dans le libre choix de l’école, notamment en introduisant des «bons scolaires». Dont un des effets principaux fut, là aussi, une aggravation des inégalités sociales. Mais est vrai que ce n’était qu’une stratégie néolibérale avec la ruine du service public pour principal objectif. Une démocratie ne se caractérise pas la concurrence entre les écoles, mais par l’égalité des chances face à l’accès à la formation. Que l’on obtient certainement pas par un trompeur «libre choix».
Vive la Finlande! Et le Père-Noël! qui lui, j’en suis sûr, s’opposerait à la motion libérale, ayant trop à coeur le bonheur des bambins… quoique, son système de rétribution des enfants méritocratique (sage/pas sage) assez réacc’ le porterait peut-être plutôt du côté UDC?… Ah la la, il devient compliqué d’être une tradition sans sombrer dans le conservatisme et l’immobilisme et ça ne changera pas tant que tout plein de gentils adultes croiront au Père Droite Méritocratique qui ne distribue ses cadeaux qu’aux bons petits élèves…
… mais que va-t-il se passer si le Père Noël quitte la Finlande et déménage au Kirghizstan??? http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=43&sid=8515042
Je ne sais pas s’il va aller porter des bermudas au Kirghizstan et si ses petits lutins à la peau fragile supporteront le déménagement mais il vient de nous faire un beau cadeau le Père Noël!!! Youpie! 🙂