La précarité, notamment celle du travail, est un grave problème. Le nombre de travailleurs pauvres (ou «working poors» c’est-à-dire des salariés en-dessous du seuil de pauvreté, malgré le fait qu’ils travaillent à 100%) croît, parallèlement à l’émergence d’une «génération stagiaire»; des jeunes, qui malgré leur(s) diplôme(s) (parfois universitaires), n’arrivent pas à trouver un emploi autre qu’un «stage» sous-payé, pour des travaux peu qualifiés (en tout cas sans rapport avec leurs qualifications), sans réelle perspective de formation ni de carrière, stages qu’ils enchaînent, sans jamais pouvoir vraiment s’insérer dans le marché du travail. Ce ne sont d’ailleurs pas les seules formes de travail précaire; le travail temporaire, les contrats à durée limitée, le travail sur appel etc. prennent eux aussi de l’ampleur. Cet état de fait est renforcé par deux méthodes particulièrement insidieuses, mise en place par les autorités, soit pour institutionaliser la précarité, soit pour mettre au pas les salariés qui souhaiteraient se défendre: les «jobs à 1000.—Fr.» (introduit par une municipale des verts) et la pression sur les conditions de travail.
Voici sur ce thème un article que j’ai écris pour «koopera» (en allemand), nouveau journal des militant-e-s alémaniques de la jeunesse Unia, paru hier.
Quand l’Etat encourage la précarité…
Qu’ont la municipale verte zurichoise Monika Stocker et la majorité bourgeoise du Parlement en commun? Ils encouragent sciemment la précarité par des mesures étatiques ,qu’ils justifient en prétendant combattre le chômage (des jeunes): Les «jobs à 1000.—Fr.» et l’abaissement de l’âge de protection des jeunes dans la loi sur le travail (autorisation du travail de nuit et dominical dès 18 ans au lieu de 20).
Les jobs à 1000.—Fr. introduits par Mme Stocker sur le modèle allemand des jobs à 1€ sont une sous-enchère («dumping») salariale institutionalisée. On les propose à des chômeurs de longue durée et leur promettant que cela les aidera à se réinsérer dans le marché du travail. Cela ne réussit guère, mais crée des travailleurs pauvres supplémentaires, c’est-à-dire des gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, malgré le fait qu’ils travaillent à plein temps. Ces petits boulots (que leurs partisans appellent «emplois à salaire partiel», histoire de faire mieux passer la pilule) tirent tous les salaires vers le bas. De nombreux employeurs souhaitent en effet proposer des jobs à 1000.—Fr., afin de pouvoir payer encore moins leurs employés non qualifiés. En ce moment, il n’existe des «emplois à salaire partiel»que dans des institutions publiques. Mais des patrons font pression pour pouvoir eux aussi profiter de l’«aubaine». Ainsi, les restaurateurs souhaitent introduire les jobs à 1000.—Fr. alors que les salaires de l’hôtellerie –restauration sont déjà fort bas (par exemple, tous les salariés de cette branche n’ont pas de 13ème salaire…).
Moins de droits, plus d’emplois ?
Il existe une autre variante pour garder les salariés dans la précarité : le démantèlement de la sécurité au travail. On promet aux salariés que l’on pourra «sauver» leur emploi, à condition qu’ils acceptent une diminution de leurs conditions de travail. Les jeunes travailleuses et travailleurs sont concernés eux aussi : Par exemple, la majorité bourgeoise du Parlement a prétendu que plus d’exception à l’interdiction d’employer les apprentis la nuit et le dimanche pourrait encourager la création de places d’apprentissage. Le grand nombre de places d’apprentissage vacantes dans les métiers où travail nocturne et dominical sont déjà monnaie courante démontre que c’est faux.
La peur améliore les profits…
Les «jobs à 1000.—Fr.» et l’abaissement de l’âge de protection des jeunes travailleurs ont le même objectif:Les gens dont les conditions de travail sont précaires sont contents d’avoir un emploi, quelle qu’en soit la qualité et ont peur de le perdre. Cette peur les retient de se battre pour de meilleures conditions de travail et de salaire. Grâce à ces salariés dociles, de nombreux employeurs peuvent améliorer leurs profits.
S’ils veulent améliorer les conditions de travail, les syndicats doivent donc faire la guerre à ces jobs au rabais.
Pour lire l’original en allemand, cliquer ici (pdf).
Sur le même sujet, la position d’Unia (malheureusement, là aussi, c’est uniquement en allemand. Désolé.)
Mais: un chômeur qui accepte un « job à 1000.- » ne continue-t-il pas à recevoir son indemnité chômage? En ce cas, ce dernier devrait lui permettre d’améliorer son ordinaire ET de ne pas perdre pied dans le monde du travail.
Evidemment, cela ne doit en aucun cas être une solution à long terme, mais si cela peut redonner confiance à quelqu’un qui a de la peine à trouver du travail?
Les «bénéficiaires» des «jobs à 1000 francs» sont des chômeurs en fin de droit et ne touchent donc aucune indemnité chômage, mais de l’aide sociale. Il est vrai que cela peut être une amélioration temporaire de l’ordinaire de ces personnes, mais ce n’est en aucun cas une solution durable. Et il faut à mon avis se garder de baisser les conditions générales de salaire et de travail sous la menace du chômage.
Merci pour cette précision.