Ce que cache la baisse du chômage

On ne peut que se réjouir de la baisse du taux de chômage (voir les chiffres du SECO), spécialement de la baisse plus marquée chez les jeunes. Même si ces statistiques ne prennent en compte que les chômeurs inscrits et occultent donc une bonne partie des sans-emplois (par exemples les personnes –chez les moins de 25 ans, une sur deux– qui ne s’inscrivent pas au chômage, les chômeurs-euses en fin de droit, les gens poussés vers l’AI ou mis à la retraite anticipée parce que l’économie n’en veut plus, etc.), la baisse est indéniable. Alors, Mme Leutahrd, les milieux économiques, les politiques, etc. ont-ils remplis leur tâche? Peuvent-ils passer à autre chose et considérer leur politique de l’emploi comme un succès? Certainement pas.
Il faut que tou-te-s profitent de la croissance
Il était temps que la bonne santé de l’économie suisse ait des effets sur le marché de l’emploi. Mais le potentiel existe pour que la baisse du chômage soit encore plus marquée et que les prévisions optimistes du seco (2,8% en 2007 et même 2,2% en 2009!) puissent se réaliser: les entreprises doivent par exemple limiter le nombre d’heures supplémentaires et engager plutôt que de mettre la pression sur leurs employé-e-s. Il faut profiter de l’embellie pour intégrer durablement au marché du travail les personnes peu qualifiées, enrayer la tendance de certaines entreprises de se séparer presque systématiquement des plus de 55 ans et éliminer totalement le chômage des jeunes.
Pénurie de main d’oeuvre à l’horizon
Il ne faut pas non plus se laisser aller à l’euphorie, car une pénurie de main d’œuvre qualifiée pourrait suivre la pénurie d’emploi. Certaines branches, notamment dans l’industrie, spécialement l’horlogerie ou celle des machines, la pénurie de main d’œuvre est en train de prendre un tour dramatique. La convention patronale de l’industrie horlogère a d’ailleurs annoncé devoir former plus de 2’000 jeunes d’ici à 2010 pour faire face à ce manque (je reviendrai sur ce sujet: j’écris un article pour un livre édité par Unia à l’occasion des 70 ans de la CCT de l’horlogerie qui devrait paraître en mars, alors, patience 😉 ).
ça devait finir par arriver, à force d’économiser dans la formation

Cette pénurie est le résultat de l’incurie des milieux économiques, qui ont laissé la situation se dégrader sur le marché des places d’apprentissage et négligé la formation continue (ou alors ne l’ont réservé qu’aux employés déjà bien formés). Dans les années 80, une entreprise sur trois formait, contre moins d’une sur cinq aujourd’hui. Le nombre de place d’apprentissage a continuellement baissé jusqu’en 2003, avant de se reprendre légèrement, mais, on ne le répétera jamais assez, pas assez pour absorber le nombre croissant de jeunes désirant entrer en formation professionnelle. Pour éviter que la pénurie de main d’œuvre ne s’étende et ne pousse de nombreuses entreprises à aller chercher ailleurs les forces de travail dont elles ont besoin, il faut donc investir maintenant dans la formation, en particulier dans la professionnelle initiale et la formation continue.
Une telle politique de l’emploi ne servirait pas qu’à garantir une vie active décente à tous et toutes ou à éviter de futures dépenses sociales, mais est aussi vitale pour notre économie. Que les partis bourgeois, qui ne sont pas des philanthropes, ne partagent pas les deux premiers objectifs, on peut le concevoir. Mais s’ils sont vraiment les défenseurs de l’économie qu’ils prétendent être, ils ne pourront négliger le troisième point.

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Les chiffres du chômage en résumé 2002 – 2006 (prévision jusqu’en 2009 incluses) :

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