Le vote électronique est dangereux pour la démocratie: arrêtons les frais!

Le vote électronique est à la mode. Les cantons sont mis sous pression par la Confédération pour mettre rapidement sur pied des systèmes de vote électronique. Pourtant, cette manière de voter comporte de nombreux défauts rédhibitoires, défauts qui peuvent même constituer un danger pour la fiabilité du scrutin et pour la confiance que les citoyennes et citoyens placent en lui.

Ainsi, le vote électronique:
• Exclut tout recomptage par tout citoyen dénué de compétences en informatique. En effet, pour s’assurer que le scrutin n’a pas été faussé, que le ou les logiciels et sites de vote n’ont pas été manipulés ou n’ont pas fait d’erreur, il est indispensable de faire appel à un ou plusieurs experts informaticiens. Les votants, qui peuvent aujourd’hui contrôler eux-mêmes que le scrutin s’est déroulé selon les règles (il suffit pour cela de savoir lire et compter), devront désormais déléguer cette compétence.
• Ne peut être sûr à 100%. Aucun logiciel n’est sûr à 100% et tous peuvent comporter des erreurs, qui ne sont même parfois jamais découvertes.
• Entraîne un risque de fraude important. Organiser une fraude lors d’un scrutin «papier» (au local de vote ou par correspondance) demande une logistique importante, une préparation minutieuse et de très nombreux complices. En revanche, un seul pirate informatique disposant des compétences nécessaires peut modifier le résultat d’un scrutin sans que cela ne laisse de trace, et sans autres infrastructures qu’un ordinateur personnel avec accès à internet.
• Entraîne un risque de privatisation de l’organisation des votes. Selon la réponse du Conseil d’Etat à la question orale Isabelle Chevalley (09_HQU_OCT), le canton a fait le choix de ne pas faire uniquement usage de logiciel libres pour son projet de vote électronique. Cela signifie que certains des logiciels utilisés restent la propriété de l’entreprise qui les crée et que le canton ne peut avoir accès à l’intégralité de leurs codes sources. En conséquence, une erreur ou, pis, une tentative de manipulation par l’entreprise qui fournit le logiciel pourrait totalement échapper au contrôle des autorités démocratiquement élues.
• Ne favorise pas une participation plus élevée au scrutin. Contrairement à un avis très répandu, le vote électronique n’encouragera pas une participation plus élevée au scrutin. Les citoyens qui souhaitent prendre part au vote sont tout à fait prêts à prendre le temps nécessaire au remplissage d’un bulletin «papier», de le poster (même avec les cautèles actuelles) ou de l’apporter au local de vote. Il n’est d’ailleurs pas sûr que le vote électronique facilite l’acte de vote. A Genève, par exemple, la complexité du processus (codes à introduire, carte à gratter genre «tribolo», inscription compliquée sur le serveur de vote) le rend très lent et a même découragé des personnes, notamment âgées, de participer au scrutin, car voter (y compris le vote «papier») est devenu au final plus compliqué.
• Banalise l’acte de voter. Voter est un acte civique important. Or, le vote électronique l’assimile aux sondages, blogs et autres forums sur internet, auxquels les internautes ont l’habitude de donner leur avis rapidement, souvent sans réfléchir, d’une façon routinière et presque automatique (en quelques «clics»).
• Ne permet pas de garantir l’anonymat des votes. Toute personne qui participe à un scrutin doit pouvoir donner son avis en son âme et conscience, et ce qu’elle a voté ne doit en aucun cas pouvoir être «vérifié» par quiconque. S’il est important de pouvoir vérifier que le nombre de votes et le nombre de votants concordent, il ne doit en aucun cas être possible de vérifier a posteriori qui a voté quoi. Or les logiciels de vote électroniques ne permettent pas de garantir cet indispensable anonymat du vote.

Malgré ces défauts, le Conseil d’Etat prépare un projet d’introduction du vote électronique et s’apprête à engager pour cela des frais importants. Un petit groupe de député-e-s issu-e-s de tous les groupes politiques à l’exception des libéraux (Alexis Bally – les verts, Bernard Borel – AGT, Frederic Borloz – PRD, Isabelle Chevalley – AdC, Régis Courdesse – AdC, Fabienne Despot – UDC, Jacques-André Haury, AdC ainsi que votre serviteur), estime qu’il serait préférable de ne pas gaspiller l’argent des contribuables pour des projets qui remettraient en cause certains principes importants de notre démocratie. En conséquence, les député-e-s évoqués plus haut ont déposé hier au Grand Conseil une motion pour que le Conseil d’Etat présente un projet de loi modifiant la loi sur l’exercice des droits populaire (LEDP) pour interdire tout recours au vote électronique lors d’un scrutin populaire. Cette motion est cosignée par plus de 50 député-e-s issus des groupes socialiste, radical, UDC, verts, AdC et AGT. Parallèlement, une interpellation sur le même sujet sera prochainement déposée au Parlement fédéral par le Conseiller aux Etats Luc Recordon.

Sur le même sujet, un interview sur TSR1 (journal de12h45 du 12.01.)

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