L’initiative du PDC, autoproclamé « parti des familles » (même s’il ne rechigne pas à s’attaquer aux plus modestes d’entre elles comme on le verra plus loin), part d’un bon sentiment. Qui, en effet, peut se permettre d’être contre le fait « d’aider les familles » ? Mais pour soutenir vraiment les familles qui ont besoin de soutien, point n’est besoin de soutenir l’initiative populaire « Aider les familles ! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l’impôt ». Il vaut plutôt la refuser, tant cette initiative aussi coûteuse qu’injuste risque de porter préjudice aux familles des classes moyennes et modestes, lesquelles seront de toute manière exclues du cercles de ses bénéficiaires. 1 à 3 milliards de pertes fiscales
C’est en effet un initiative coûteuse. Très coûteuse, même : entre un et trois milliards de pertes de recettes fiscales pour la Confédération (qui subit déjà un programme d’économie), les cantons (dont la majorité subit des programmes d’économies) et les communes (dont on connaît aussi les difficultés financières). Elle est si coûteuse que la Conférence des directeurs cantonaux des finances, parmi lesquels de nombreux membres du PDC (notamment son président), recommande au peuple de rejeter l’initiative. Il faut dire que les initiants n’ont pas fait la moindre proposition sérieuse pour compenser ces pertes. Ils ont bien essayé d’avancer que l’on pourrait utiliser les gains extraordinaires que la BNS s’apprête à reverser aux cantons, mais cette idée de café du commerce néglige que les pertes de recettes ne seront pas uniques, mais pérennes.
Aider les familles… très aisées
Le coût de l’initiative ne serait sommes toute qu’un problème annexe si elle apportait un soutien réel et substantiel aux familles modestes et de la classe moyenne. Malheureusement, il n’en est rien. D’une part, parce qu’environ 40% des familles ne paient pas d’impôt direct. Pour cette raison, ces dernières ne verraient pas leur facture d’impôt baisser, car elle est déjà à zéro. D’autre part, en raison de la progressivité de l’impôt, ce sont les contribuables très aisés qui bénéficieront d’une baisse substantielle d’impôt, cependant que les familles de la classe moyenne ne toucheront que quelques clopinettes. Plutôt que les exemples de calculs farfelus présentés par les initiants (qu’un rapide passage dans le simulateur fiscal de l’Administration fédérale des contributions suffit à décrédibiliser), prenons à titre d’exemple les cas de trois familles lausannoises :
- Un ménage de deux parents avec deux enfants disposant d’environ 20’000 francs par mois de revenu brut aurait droit à une réduction de 2478 francs.
- L’économie ne serait de 1372 francs pour un revenu de 9600 francs.
- Elle se réduirait à 314 francs pour un salaire de 4000 francs.
Bref, en cas de oui à l’initiative, la familles très aisée (qui n’a pourtant pas besoin de soutien) pourra se payer une semaine de vacances supplémentaire alors que la familles de la classe moyenne pourra tout au plus s’offrir une journée à ski. Et n’oublions pas qu’une famille gagnant moins de 3300.—Fr. par mois ne paie pas d’impôt direct du tout et ne touchera donc rien !
Attention au retour de bâton de l’austérité
Les mesures d’austérité que subit actuellement la population de la majorité des cantons donne un aperçu de ce qui pourrait arriver en cas d’acceptation de l’initiative. Pour compenser les pertes faramineuses précédemment évoquées, les cantons auraient le choix entre augmenter la dettes, augmenter les impôts pour tous les contribuables ou aggraver l’austérité. Or, les mesures d’austérité actuelles touchent surtout… les familles des classes moyenne et modeste. Parmi les prestations réduites ou supprimées, on trouve, en vrac : subsides pour les primes d’assurance-maladie, aide au logement, soutien aux crèches, bourses d’études, rabais pour les frais de transports publics, etc. Par exemple, en Valais, 21’000 familles ont été privées de subsides pour les primes d’assurance-maladie (qui grèvent pourtant fortement leur budgets), avec le soutien… du PDC, qui se fiche en réalité pas bien mal de la situation des familles. Au final, il y a donc fort à parier que la très grande majorité des familles perdent beaucoup plus que les quelques francs que l’initiative leur accorderait.
En bref : une initiative certes bien intentionnée, mais aussi coûteuse qu’injuste. Je voterai donc non.
Concernant les pertes fiscales pour l’état, sans entrer dans les discussions sans fin et stériles du montant, avec notre système fédéraliste à 3 niveaux, ce total serait reparti sur de nombreux acteurs. Chacun ensuite pourrait et devrait décider que faire ou comment faire avec ces baisses de rentrées fiacales. Certains arriveraient sûrement très bien à les absorber, d’autres pourraient faire le choix de réduire certaines prestations (c’est indéniable) et d’autres pourraient aussi décider daugmenter legerement leur taux d’imposition afin de rendre l’opération fiscalement neutre.
L’impact d’une telle variante serait un rééquilibrage entre personnes physiques avec ou sans enfants.
De plus, cette mesure ne serait pas discriminatoire par rapport aux personnes sans enfant car les personnes en ayant n’en ont pas à charge durant toute leur vie. Ils paieraient donc eux aussi un peu plus avant avoir eu des enfants et après leur départ du foyer !
En complément, une hausse de taux ne toucherait pas les familles que vous défendez car elles ne paient pas d’impôts.