1 à 12, initiative «pour» les familles et pertes fiscales: craintes à géométrie variable

Il toujours intéressant de constater que certaines pertes fiscales relativement peu importantes semblent donner une peur bleue aux partis bourgeois et aux milieux économiques, tandis que d’autres, pourtant colossales, ne les empêchent visiblement pas de dormir. Ainsi, toute la droite tire à boulet rouge contre l’initiative «1 à 12», accusée de «ruiner l’Etat», alors que l’UDC et la majorité du groupe PDC aux chambres fédérales ont soutenu l’initiative UDC dite «pour les familles», qui vise soit à supprimer la déduction pour frais de garde, soit à l’accorder aux parents qui… n’ont aucun de ces frais.

Or, selon la conférence des directeurs cantonaux des finances, l’initiative UDC entraînerait un manque à gagner de près de 400 millions de francs par an pour la Confédération… et d’au moins 1 milliard pour les cantons et les communes. On est loin, très loin, des pertes fiscales supposées qu’entraînerait «1 à 12», soumise au vote le même jour (!). Et pourtant, UDC et PDC font campagne contre la limitation des abus salariaux en mettant surtout en avant… des pertes fiscales. Cette contradiction est encore plus flagrante quand on regarde d’un peu plus près les études qui tentent de chiffrer les pertes qu’entraînerait «1 à 12». Laissons de côté le peu crédible scénario du pire à près de 4 milliards mis en avant par l’USAM, laquelle oublie fort à propos de préciser que l’étude qu’elle a elle-même commandité considère le scénario en question comme «irréaliste». Selon les scénarii jugés «réalistes» par l’étude que l’USAM a fait faire par l’université de St. Gall (dont on ne s’étonnera pas qu’elle défende les salaires abusifs, étant la première pourvoyeuse de managers cupides), les pertes fiscales en cas de oui à «1 à 12» se monteraient entre 190 et 250 millions de francs par an. On est loin des 1400 millions de l’initiative de l’UDC, que l’USAM ne semble guère combattre, peut-être en raison de l’appartenance partisane de son président Jean-François Rime (UDC/FR).

D’autres études ne sont pas aussi alarmistes. Par exemple, selon l’EPFZ, les pertes fiscales ne peuvent être chiffrées. Quant à une analyse menée par l’exécutif du canton de ZG, qui ne peut être soupçonné de sympathies pour «1 à 12», elle parvient à la conclusion… que les rentrées fiscales augmenteraient dans ce canton en cas de oui!

Cette peur panique face aux pertes fiscales somme toute assez négligeables de «1 à 12» alors que celles, bien plus importantes, de l’initiative «famille» de l’UDC, semblent être passées par pertes et profits permet de tirer une conclusion: Droite et milieux économiques se fichent pas bien mal des pertes fiscales qu’un projet peut engendrer. Le reproche qu’ils font à «1 à 12» n’a rien à voir avec une crainte de voir les rentrées fiscales baisser. Le même raisonnement vaut d’ailleurs pour les craintes qu’ils affichent pour l’AVS.

S’ils rejettent «1 à 12», c’est parce que cette limite aux excès salariaux remet en question une cupidité sans borne qu’ils ont érigé en système de valeur, voire, pis, en clef du succès de notre pays. Quand on voit de qui se compose la clique des bénéficiaires des salaires démesurés et des dégâts qu’ils ont fait subir à notre pays, à son économie et à ses emplois ces dernières années, on ne peut que constater le désarroi des adversaires de la justice salariale.

4 réflexions sur « 1 à 12, initiative «pour» les familles et pertes fiscales: craintes à géométrie variable »

  1. Depuis quand la droite se limite-t-elle à l’UDC et aux hommes PDC ? Le PLR, les Verts libéraux, le PBD et les femmes PDC s’engagent fermement contre l’initiative famille de l’UDC… notamment en relevant les pertes fiscales qu’elle engendrerait si elle était appliquée telle quelle. Mais je prends les paris, le but réel des initiants est de supprimer (ou de réduire drastiquement) la déduction fiscale pour frais de garde d’enfants. Résultat : toutes les familles seraient perdantes. Donnons à cette initiative UDC son vrai nom : une initiative « contre » les familles !
    Isabelle Moret

    • Chère Isabelle, merci pour ton commentaire, avec lequel je suis tout à fait d’accord. Tu remarqueras cependant que j’ai surtout axé mon billet sur l’UDC et sur les hommes PDC soutenant l’initiative que tu intitules fort à propos «initiative contre les familles».
      Bien à toi,

      Jean Christophe

  2. Ce qui me dérange dans cette initiative c’est qu’on utilise un thème populiste, qui va forcément toucher les gens qui se démènent avec un normal pour payer leurs factures, alors que les vraie inégalités se trouvent ailleurs et personne ne les mets en avant. Certes les salaires de Vasella ou de « feu » Hospel sont ridicules et ne sont en rien représentatifs de leur compétence (je crois que pour le deuxième cité, la preuve a été donnée… Quant au premier, il me semble que n’importe quel manager pas trop mauvais eût mené Novartis au même succès).
    Moi je vois d’autre inégalités qui sautent aux yeux mais dont personne ne parle, peut-être parce que c’est trop technique… Le salaire maximum assurable dans le deuxième pilier. Il est limité à 800’000.- ! Cela parait anodin mais cela permet à ces tops revenus (qui certes paient des impôts et l’AVS plein pot) de pouvoir, par le biais de leur caisse de pension, mettre jusqu’à 200’000.- de côté, montant qui sera complètement défiscalisé et qui rapportera donc, au bas mot, 40’000.- de gain fiscal pour le salarié sur les 100’000.- déduit de son salaire et encore un gain fiscal pour l’entreprise qui peut déduire le montant de son bénéfice. De plus, un salaire assuré de 800’000.- dégagera des possibilités de rachats d’années énormes, donc encore des montants que le salarié pourra déduire de son revenu et qui ne seront que peu taxé lors de leur prise en capital. Alors oui, qu’il y ait un gain fiscal pour ceux qui font l’effort de mettre de l’argent de côté pour leurs vieux jours, je suis d’accord, mais dans des montants comme ça, on est bien plus dans l’optique de l’optimisation fiscale que dans la préparation de la retraite.
    C’est comme les contributions à l’épargne liée (3A) que l’on peut déduire de son revenu imposable et qui profite dès lors bien plus aux gros salariés pour qui ce n’est qu’une formalité que de mettre ce montant de côté alors que pour le petit revenu qui lui fait un réel effort pour améliorer sa retraite, le bénéfice fiscal est bien moins grand. Où est la justice sociale la dedans ? Pourquoi ne pas imaginer un système où le gain fiscal serait le même pour toute pour toute personne qui met 6’000.- sur son compte 3A. Actuellement, un gros revenu va se faire un gain de 2’400.- alors qu’un petit salarié aura un gain bien plus petit (600.- s’il a par exemple un taux marginal de 10%) !
    Même chose pour les frais de déplacement. Je parle des frais réel, que les salariés pendulaires ont bien malgré eux… Si aller au boulot me coûte 3’000.- par an et que je gagne 70’000.-, le gain fiscal sera de 600’.- alors que si je gagne 200’000.-, il sera de 1’200.-. Donc in fine, le gars mieux payé paiera ses frais de déplacement plus cher que le petit salarié… Où est la justice sociale là-dedans ?
    Arrêtons toujours de parler de déductions fiscales mais osons instaurer un système plus juste de rabais fiscal, moyens qui n’avantagerait pas systématiquement les gros revenus !

  3. Oups… grosse coquille… Il faut bien sûr lire « Donc in fine, le gars mieux payé paiera ses frais de déplacement MOINS cher que le petit salarié… Où est la justice sociale là-dedans ? ».. Désolé…

Répondre à Isabelle Moret Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *