La bonne vielle grosse ficelle des «abus»

Pour faire avaler à la population une baisse des prestations en matière d’assurance sociale, il n’y a pas plus efficace que la «chasse aux abus». En effet, qui donc accepterait de couper dans des prestations destinées aux chômeurs âgés, aux malades, aux mères, etc., si ce n’est pour éviter que de «méchants abuseurs (si possible étrangers)» n’en profitent «indûment»? Les partisans du démantèlement de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) n’allaient tout de même pas laisser passer pareille occasion. Et les voilà qui abreuvent les médias d’annonces sur lesquelles ont voit un type basané (l’«étranger abuseur» tant honni) se la couler douce dans un hamac et n’ayant qu’à tendre la main pour recevoir une liasse de billets de banque. Avec, comme message à peine voilé: Coupons dans l’assurance-chômage (AC) pour éviter que des étrangers sans scrupules ne fassent du «tourisme social» en ne venant en Suisse que pour «profiter des nos institutions sociales» tout en restant bien tranquillement dans leur canapé.  Sauf que cette annonce à tout faux: Les barrières pour empêcher «tourisme social» et limiter les abus sont déjà élevées, les chômeurs ne sont pas «payés à ne rien faire», et, surtout, la nouvelle LACI ne changera rien à cet état de fait.

Mensonge 1: «ll est facile de venir en Suisse pour profiter de l’assurance-chômage». Faux. Ont droit au chômage les ressortissants des pays de l’UE bénéficiant de la libre circulation des personnes pour autant qu’ils aient cotisé (en Suisse ou dans leur précédent pays de résidence pour les permis B, en Suisse uniquement pour les permis L) pendant la durée minimale. Ils ont donc le même droit que les Suisses (rien de plus), et surtout les mêmes devoirs. La durée de cotisation est la même. Certes, les accords sur la libre circulation des personnes permettent de venir en Suisse pendant une durée de 6 mois au maximum pour chercher un emploi, mais cela ne donne pas droit à l’assurance-chômage pour autant, ni d’ailleurs à l’aide sociale. Ce droit ne s’obtient, encore une fois, qu’à condition de respecter strictement la durée de cotisation. Enfin, une personne sans activité lucrative ne peut s’établir en Suisse que si elle dispose de moyens suffisants pour assurer son entretien.

Mensonge 2: «Les chômeurs peuvent passer leur journée dans un hamac à ne rien faire d’autre qu’attendre qu’une liasse de billets leur tombe dans la main.» Faux. Qui n’est pas apte au placement n’a pas droit aux indemnités de chômage, quelle que soit sa nationalité. Qui ne recherche activement pas de nouvel emploi, ne respecte pas les prescriptions de contrôle ou n’accepte pas un emploi convenable est sanctionné par une diminution des ses indemnités, là encore, indépendamment de sa nationalité. Un chômeur, Suisse ou étranger, qui se la «coule douce dans son hamac» n’a donc pas droit aux prestations de l’AC.

Mensonge 3: «La révision de la LACI limite les abus.» Faux.  Dans la révision de la LACI attaquée par référendum, il n’y a aucune disposition renforçant les contrôles ou les sanctions. Qui n’a pas assez cotisé (quelle que soit sa nationalité) n’a pas droit aux indemnités. Qui ne respecte pas les prescriptions de contrôle (quelle que soit sa nationalité) ou qui perd son emploi par sa faute se voit sanctionné. Enfin, en cas d’abus de droit, l’AC peut aussi limiter l’indemnisation. Et ça, ce sont les règles actuellement en vigueur, dont la révision de la LACI ne modifie pas une virgule.

Mensonge 4: «Les abuseurs étrangers sont responsable des déficits et de la dette de l’AC». Encore faux. S’il faut chercher un responsable des déficits et de la dette, c’est d’abords la proposition des partis bourgeois de baisser le taux de cotisation en 2002, faisant d’une AC bénéficiaire une AC déficitaire et endettée. Autre responsable, l’exemption du prélèvement des cotisations pour un revenu annuel dépassant 126’000, respectivement 315’000 francs. Si des cotisations étaient prélevées sur l’ensemble de la masse salariale comme c’est le cas pour l’AVS, l’AC serait assainie! 

 

10 réflexions sur « La bonne vielle grosse ficelle des «abus» »

  1. Concernant votre mensonge 4, vous ne pouvez pas nier que l’immigration (incontrôlée) de ces dernières années a considérablement contribué à augmenter le chômage. De nombreux chômeurs ne sont pas Suisse….

    Mais c’est clair, cela fait bien longtemps que le PS ne défend plus les travailleurs. La preuve, ceux-ci votent davantage UDC… Vous vous repliez dans les défense de fonctionnaires et autres privilégiés de l’Etat… Les travailleurs ne sont pas dupes…

  2. inventez ce que vous voulez, Philippe, les faits sont têtus:
    – les étrangers cotisent plus aux assurances sociales qu’ils n’en retirent de prestations;
    – l’augmentation de l’immigration de ces dernières années n ‘a pas eu pour effet d’augmenter le taux de chômage des Suisses. Elle n’est au demeurant pas une mauvaise chose, car de nombreuses entreprises auraient dû délocaliser si elles n’avaient pas pu bénéficier de cette main d’oeuvre. Effectivement, de nombreux chômeurs ne sont pas Suisses, mais ils ne touchent des prestations que si ils ont payé assez de cotisations. Qui cotise, bénéficie, n’est-ce pas là le slogan de la révision que vous soutenez?

  3. Ce que vous pouvez être naif ou endoctriné…. Les électeurs/travailleurs le remarquent chaque jour. En niant la réalité, vous faites le lit de l’UDC… vivement les élections 2011… Le PS va prendre une déculottée!

  4. « naïf et endoctriné », j’apprécie d’autant plus ce compliment à sa juste valeur qu’il vient de quelqu’un ayant pour habitude de ne jamais appuyer ses assertions par des faits!

  5. Pas besoin de long discours, l’UDC a rajouté le mot « étranger » à deux arguments sur une pub et voilà le travail…
    Où l’art de stigmatiser une partie de la population, dans bientôt tous les thèmes politiques.
    L’UDC s’auto-parodie, se décrédibilise, n’a bientôt plus qu’un seul argument, mais je ne trouve pas cela drôle quand même.
    Toutefois, j’espère que tout cela est bon pour ceux qui essaient sérieusement de réfléchir aux divers problèmes de notre société, à la place d’évaluer où l’on doit placer le mot « étranger » dans les arguments pour faire mouche.

    Concernant la bisbille avec Philippe, allez tous deux voir les statistiques de la population étrangère sorties aujourd’hui.
    Quant à moi, je suis à chaque fois étonné de l’image que l’on veut bien donner des étrangers quand j’ai les chiffres sous les yeux.

  6. très juste. L’art de faire de la politique est avant tout de tourner des arguments à son avantage. A défaut, ce qui est le cas pour cette révision, de bons vieux clichés peuvent faire l’affaire. On est finalement pas si loin des affiches sur « le mouton noir ». L’issue du scrutin ne réformera, HELAS, pas le fond du problème.

  7. Oh, vous savez, le PS rajoute partout où il le peut Vasella, UBS, Ospel & Co… alors, question démagogie, les socialistes feraient bien de balayer devant leur porte.

  8. Tiens, le PS utilise également « la bonne vieille grosse ficelle des abus », lorsqu’il parle de concurrence fiscale…

    Faites comme je dis, pas comme je fais…

  9. Vous êtes drôlement observateur, Philippe. Et comme vous êtes observateur, vous aurez remarqué que la révision de la LACI ne contenait aucun élément susceptible de combattre le moindre abus dans l’assurance-chômage et que l’initiative pour la justice fiscale vise à combattre les abus de la concurrence fiscale. Mais, vu vos positions, vous semblez accepter ces abus, voire même les encourager, ce qui ne vous honore pas. En ce qui me concerne, je ne tolère ni les abus de la concurrence fiscale, ni ceux en matière d’assurances sociales. Prévenez-moi quand vous pourrez en dire autant!

  10. « Mais, vu vos positions, vous semblez accepter ces abus, voire même les encourager, ce qui ne vous honore pas »

    Je vois aucun abus dans notre système fiscal. Si des citoyens d’Obwald souhaitent baisser démocratiquement les impôts et si un contribuable souhait changer de domicile, je vois pas pourquoi je le lui en empêcherait. Il n’y a aucun abus. Ou bien seriez-vous contre le fait que les citoyens puissent se déplacer librement d’un canton à un autre? Contre le fait qu’ils puissent choisir librement le taux d’impôts?

    Le socialisme vise à dicter par la contrainte étatique le comportement des gens (vous devez habiter ici, vous devez payer au minimum 22% d’impôts, vous ne devez pas fumer, vous….)

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