Loi sur l’assurance-chômage: le Conseil des Etats n’a pas adouci sa position

S’il y a bien une idée qui est tenace en ce moment, c’est que le Conseil des Etats vient de faire une fleur aux jeunes chômeurs, en n’approuvant pas toutes les mesures discriminatoires que le Conseil national leur avait réservé dans le cadre de la révision de la loi sur l’assurance-chômage (LACI). Ainsi, le site de la RSR titrait «Chômage: Les Etats pour un projet édulcoré». Les jeunes chômeurs, dont le nombre a explosé avec la crise (+80%!), peuvent-ils pour autant respirer? Que nenni.
Car si la chambre des cantons a quelque peu revu la copie de la chambre du peuple sur quelques points, elle n’en a pas moins durci sa propre position. Revenons sur l’historique du projet.

Tout commence par le message du Conseil fédéral, publié en septembre 2008, qui se voulait «équilibré»: 533 millions de diminutions de prestations, 486 millions de recettes nouvelles pour assainir une assurance-chômage qui en a drôlement besoin. Il est vrai que, lors de la précédente révision, la droite a obtenu une baisse des cotisations paritaires de 3 à 2%. Ce qui ne pouvait que conduire à un déficit de financement dont la facture et plutôt salée: près de 10 milliards de francs de dettes. Ce projet était déjà peu favorable aux jeunes: Les personnes libérées de l’obligation de cotiser (en particulier les étudiant-e-s en fin d’études ou les jeunes mères qui retournent sur le marché du travail) voyaient le nombre de leurs indemnité journalières presque divisé par 3. Et, avec l’allongement de la durée de cotisation, bien des jeunes allaient se retrouver avec des prestations réduites.
Lors de la dernière session de juin, le Conseil des Etats a durci ce projet une première fois, en affaiblissant la notion de «travail convenable» pour les moins de 30 ans, afin de pouvoir les obliger à accepter n’importe quel emploi, même s’il n’a rien à voir avec leurs compétences et leur formation.
Puis, le Conseil national a alourdi l’addition en décembre, en introduisant une discrimination supplémentaire pour les jeunes chômeurs de moins de 30 ans: Même si ces derniers ont assez cotisé pour prétendre à 400 indemnités journalières, ils ne devraient plus avoir droit qu’à 260. Et pour les moins de 25 ans sans enfants à charge, le Conseil national a eu la main encore plus lourde: plus que 130 indemnités. Le tout assorti d’un délai d’attente supplémentaire pour les ex-étudiants. La majorité UDC-PLR-PDC justifiait ces coupes en prétendant «que les jeunes chômeurs retrouvent de toute façon plus vite du travail que les autres», sans considération aucune pour l’augmentation massive du nombre de jeunes chômeurs de longue durée (+150% en un an!).
Le dossier est retourné au Conseil des Etats. Et ses décisions sont à des lieues d’un «édulcorage». Les sénateurs ont certes renoncé à quelques-unes des coupes prévues par le national (p. ex. la diminution des indemnités journalières pour les 25-30 ans), mais ils n’en ont pas moins validé plusieurs mesures discriminatoires envers les jeunes qu’ils n’avaient même pas évoquées en première lecture. Ainsi, à l’affaiblissement de la notion de travail convenable a été ajoutée une réduction du nombre d’indemnités journalières de 400 à 200 pour les chômeurs de moins 25 ans. C’est certes 70 jours de mieux que ce qui avait été décidé au national, mais c’est surtout 200 jours de moins que ce qu’avaient décidé les sénateurs en première lecture. En outre, si une mesure du même accabit a été jugée «injuste et arbitraire» envers les 25-30 ans, elle n’a visiblement pas posé de problèmes lorsqu’il s’est agit de l’appliquer aux moins de 25 ans.
Quant au financement supplémentaire de 0.2% décidé par le national, il passe à la trappe. Les Etats ont donc non seulement aggravé les coupes par rapport à leur première décision, mais ils ont en outre refusé d’augmenter la part de nouvelles recettes, faisant surtout porter aux chômeurs le fardeau de l’assainissement de l’assurance-chômage.
Comme on peut le constater, le Conseil des Etats n’a donc en rien adouci sa position. Par rapport à ses propres décisions en première lecture, il a même nettement durci la révision de la LACI. Qui ne pourra désormais plus éviter la sanction des urnes.

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