Jeunes chômeurs : Pouce M. Daum !

Lors d’un entretien dans l’émission « mise au point« , le nouveau directeur de l’Union Patronale Suisse, Thomas Daum propose des économies scandaleuses sur le dos des jeunes chômeurs: réduire de 400 à 250 le nombre de leurs indemnités journalières. Voici ma réaction.

La première intervention de Thomas Daum en tant que nouveau patron des patrons a très certainement plu à la force montante de milieux économiques helvétiques, l’UDC, qui doit se réjouir de voir une de ses récentes propositions remise sur le devant de la scène. Il s’agit d’économiser dans l’assurance-chômage en diminuant les indemnités journalières des moins de 25 ans de 400 à 250. Selon le nouveau directeur de l’Union Patronale, il ne s’agit que de « quelques économies », qui plus est « raisonnables, vu que les jeunes chômeurs retrouvent de toute façon un emploi beaucoup plus rapidement que leurs aînés ». Mais cet argument camoufle mal une volonté systématique de rogner sur les droits des catégories les plus fragilisées de la population. Les invalides sont les premiers sur la liste, et les jeunes, à en croire M. Daum, n’attendront pas bien longtemps avant d’essuyer une nouvelle salve.


La proposition de M. Daum n’est en effet qu’économies de bout de chandelles. Il faut certes lui donner raison sur un point : les jeunes chômeurs retrouvent beaucoup plus vite un emploi que les moins jeunes. En six mois, près de 80% des jeunes sans-emplois en retrouvent un. Pour ces cas de figure, la proposition du patron des patrons n’apporte pas le moindre centime d’économie : quelle que soit la durée du droit aux indemnités journalières, ceux qui n’en auraient de toute façon pas fait usage en entier ne seront pas concernés par sa diminution.
Mais, c’est pour les autres, ceux qui ne retrouvent pas rapidement, que le bât blesse. Les dernières statistiques nationales de l’aide sociale démontrent que de plus de jeunes sont au crochet de l’assistance publique, spécialement ceux qui n’ont pas de formation post-obligatoire. On assiste à l’émergence d’un chômage durable des jeunes non formés d’autant plus inquiétante que le nombre de jeunes sans solution à la sortie de l’école obligatoire augmente, malgré le réveil de la conjoncture. Couper dans les indemnités de ceux qui ne parviennent pas à s’insérer rapidement, c’est les pousser vers l’aide sociale. Là aussi, la somme des économies est, dans le meilleur des cas, nulle : ce qu’épargne l’assurance-chômage est à la charge des contribuables.
Et même ceux qui ont une formation et retrouvent rapidement un emploi s’ils perdent le leur doivent s’inquiéter d’une diminution des indemnités. En effet, l’entrée des jeunes dans la vie active comporte une phase précaire qui s’allonge de plus en plus. Le premier emploi stable est de plus en plus souvent précédé de stages, de perfectionnements, de contrats à durée déterminée, d’emplois en fonction de « projets » ou de « mandats ». Cette phase de transition vers la vie active est souvent parsemée de périodes de chômage. Diminuer les indemnités des jeunes concernés, c’est prendre le risque de les envoyer à l’aide sociale, même s’ils ont cotisé à l’assurance-chômage. Là encore l’économie est au final égale à zéro.
Plutôt que de rogner sur les prestations pour sans-emplois, le directeur de l’Union patronale ferait mieux de veiller à ce qu’il y ait le moins possible de jeunes dans cette situation et donc d’inciter les entreprises qu’il représente à offrir plus de places de formation. Malgré une légère amélioration, les places d’apprentissage nouvellement créées ne parviennent en effet pas à endiguer l’afflux de jeunes vers la formation professionnelle. Il faut donc investir dans la formation, créer les places manquantes, notamment pour les jeunes en difficultés scolaires et mettre en places des modèles encourageant toutes les entreprises à former, par exemple des fonds de branche pour la formation professionnelle ou des années d’apprentissage de base pour décharger les entreprises des secteurs où former des apprentis n’est pas rentable. Enfin, il convient d’offrir aux jeunes sans emplois de réelles chances de se (ré)insérer dans le monde du travail. L’assurance-chômage exerce déjà une grande pression sur les assurés pour les inciter à retrouver un emploi, par exemple en supprimant leurs indemnités s’ils ne recherchent pas assez assidument, mais l’offre en solutions est trop limitée. Nombreux sont en effet les jeunes à devoir se contenter d’un stage, où ils fourniront le même travail qu’un employé qualifié, mais pour un salaire bien moindre, qui plus est largement subventionné par l’assurance-chômage. De vraies formations, notamment pour combler une formation post-obligatoire manquante, seraient bien plus efficaces que les « solutions », dont usent et parfois abusent nombre d’entreprises membres des associations affiliées à l’Union Patronale.
En durcissant la situation des jeunes chômeurs, on ne les poussera pas à s’insérer, mais, au contraire, on les en empêchera, reportant ainsi les charges de l’assurance-chômage vers l’aide sociale. On en peut donc qu’espérer que la première envolée de M. Daum restera à l’état d’erreur de jeunesse. jcs

Colonne parue dans Le Temps.

Voir ma réaction sur les ondes de la Télévision Suisse Romande.

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