A en croire economiesuisse, l’arbitrage sauce TTIP ou CETA est inutile

Vendredi passé, j’ai eu la chance d’être invité à la Journée des Juges, en tant que Président de la Commission des Affaires Juridiques du Conseil national. Et j’ai pu y écouter Mme Cristina Gaggini, directrice romande de la faîtière des grandes entreprises economiessuisse, s’y exprimer sur le thème : « L’importance du système juridique suisse du point de vue de l’économie ». Comme il n’est pas fréquent que je sois d’accord avec economiesuisse, je tenais à profiter de l’occasion pour diffuser ses propos, auxquels je souscris intégralement.

Après quelques phrases introductives présentant la propagande usuelle de l’organisation patronale, Mme Gaggini a véritablement porté aux nues la qualité et l’indépendance de la Justice helvétique. Elle a ainsi affirmé que « les tribunaux suisses répondent aux besoins des entreprises locales comme étrangères», notamment grâce à « leurs procédures reconnues et transparentes », « rapide et efficientes », mais aussi « leur professionnalisme, leur efficacité et leur impartialité ». Elle a ensuite loué pour leur compétence et leur expérience les tribunaux de commerce spécialisés, qui recueillent « de très très bons échos » auprès des milieux économiques. Mais Mme Gaggini ne s’est pas contentée de généralités : à son avis, l’économie apprécie que nos tribunaux ne connaissent pas bon nombre de pratiques à l’américaines comme le « pretential discovery », les honoraires conditionnels ou le jury, ce qui, à ses yeux, est un « atout et un avantage certain ».

En conclusion, la représentante d’economisuisse affirme que « la structure et la qualité des tribunaux suisses contribuent de manière significative à l’attractivité de notre place économique ». Elle a cependant averti qu’il fallait faire attention aux nombreuses tentatives politiques (venues de l’UDC) de limiter l’indépendance des juges, ainsi qu’aux risques de voire la sécurité juridique diminuer. Elle a d’ailleurs conclu son allocution ainsi : « Si on ne se bat pas pour l’indépendance des tribunaux, alors le reste n’a plus d’importance ». Je n’aurais pas dit autre chose.

Mais alors, pourquoi évoquer ici cette intervention ? Tout simplement parce qu’elle démontre que, de l’avis des milieux économiques, notre Justice fonctionne très bien, y compris pour les entreprises étrangères. Si l’on suit le raisonnement d’economiesuisse, il n’est donc pas nécessaire d’introduire plus largement l’« ISDS » et ses tribunaux arbitraux privés (ou pseudo-cours d’arbitrage) prévus par le TTIP/TAFTA, le CETA et de nombreux accords de libre-échange (dont certains ont déjà été ratifiés par notre pays et dont d’autres pays subissent déjà les affres). En effet, de l’avis même de la faîtière des grandes entreprises, les multinationales ont déjà, en Suisse accès à une justice efficace, impartiale et indépendante. Et ce système judiciaire est si performant qu’il est carrément un avantage concurrentiel ! Point n’est donc besoin de leur accorder en plus le droit d’attaquer les Etats devant d’obscure tribunaux arbitraux dont les « juges » nageant dans les conflits d’intérêts et les jurisprudences aussi farfelues que contradictoires ne contribuent ni à l’indépendance et à l’impartialité de la Justice, ni à la sécurité du droit.

1 réflexion sur « A en croire economiesuisse, l’arbitrage sauce TTIP ou CETA est inutile »

  1. Très bonne présentation: facile à comprendre, à la porté de tous, très bien résumée.
    Avec mes remerciements
    Navibus 53

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