Sus aux smart-traîtres!

Smartvote est décidément bien pratique. Cet outil qui se prétend intelligent ne permet pas seulement de classer facilement tous les candidats dans des catégories rigides (parfois pour de mauvaises raisons), il permet aussi de faire la chasse aux «traîtres». Ou en tout cas aux «dissidents en puissance» qui ont, en tout cas selon smartvote, des avis différents de celui de leur parti. C’est la nouvelle utilisation de smartvote que le vante tsrinfo.ch. A l’aide de la smartspider, on peut désormais débusquer sans beaucoup d’effort les profils qui divergent beaucoup de celui de leur parti: il suffit de superposer les toiles d’araignées et de voir, un peu au pifomètre, si ça correspond grosso-modo. Et tant pis si cela aboutit à des lapalissades telles que «PBD plutôt conservateur» voire des absurdités comme «vert-libéral hors-parti». Les candidats en question pourront donc se targuer d’être «indépendant des logiques partisanes» tout en étant conspués pour «ne pas s’en tenir à la ligne». Bref, il y en aura pour tous les goûts.

Mais la réalité est, une fois de plus, beaucoup plus subtile que smartvote, qui ne permet pas de déceler les vraies différences entre les candidats et la ligne de leur formation politique. Ainsi, la smartspider d’un candidat vert vaudois qui vote très souvent avec la droite au Grand conseil reste étrangement semblable à celle de sa liste au Conseil national. Smartvote, qui ne tient pas compte du contexte des décisions politiques, ni du vote final des élus, ne le considérera donc pas comme un élu «en marge de son parti», alors que, dans les faits, il ne vote pas toujours avec son camp, y compris lors de votes de principe gauche-droite. Ce que smartvote, qui pose des questions imprécises et hors de tout contexte, est totalement incapable de mettre en évidence. Il s’agit pourtant d’une information cruciale pour les électeurs, tant pour ceux qui privilégient l’engagement collectif et souhaite voter pour des gens en phase avec le programme de leur parti, que pour ceux qui privilégient l’indépendance d’esprit.

Il convient ici de rappeler que la politique est un engagement collectif, en particulier lors d’une élection à la proportionnelle, et qu’aucun élu ne le serait sans la force de sa liste. Dans ce contexte, les candidats qui prennent beaucoup le contre-pied des positions de leurs propres listes ne jouent guère le jeu. Mais, s’il est important de les identifier, il faut éviter de laisser à un outil aussi peu fiable que smartvote le soin de le faire. C’est plutôt aux partis de veiller à l’équilibre leur liste, aussi du point de vue des positions personnelles des candidats et de leurs éventuelles divergences avec le programme commun.

PS: J’avais répondu «plutôt oui» à la question smartvote concernant le «managed care», car le principe me semble intéressant. Vu la décision des chambres à ce sujet, je penche désormais fermement pour le «non». Si smartvote avait posé une question un tant soit peu complète (il aurait d’ailleurs fallu en poser plusieurs), cette prise position aurait été visible dans le résultat du questionnaire. Mais ce dernier est totalement statique, alors que le monde réel, lui, ne cesse d’évoluer. Dommage.

2 réflexions sur « Sus aux smart-traîtres! »

  1. J’ai eu la même réaction ce matin en lisant l’article de tsr.ch !
    Smartvote est un outil excellent, mais dont il faut savoir appréhender les limites.

    D’ailleurs, les graphiques servis par smartvote, avec ces « cercles » de partis laissent croire que l’UDC est le seul parti de droite, le PLR un parti en plein centre et le groupe PDC-PBD-PVL à gauche. C’est simplement parce que pour des raisons esthétiques, le graphique est automatiquement centré. Son point central n’est donc pas le point nodal entre « gauche/droite » ou « libéral/conservateur » (celui-ci se situe 30% à gauche et 10% en dessous du point central « graphique »).

    A trop vouloir simplifier ….

  2. Vous avez parfaitement raison de mettre en garde l’électeur, tenté de se fier naïvement et aveuglément aux « résultats » de ce petit joujou très médiatisé, à prendre avec beaucoup de pincettes. Smartvote, avec son concept réducteur forcément partiel et partial dans le choix des questions proposées, ne peut avoir qu’un rôle purement indicatif et complémentaire par rapport aux propres opinions de l’utilisateur, mais ne doit aucunement déterminer exclusivement le vote définitif des citoyennes et citoyens.
    Sa fiabilité est effectivement davantage crédible si l’on choisit uniquement la comparaison du profil des différentes listes de parti par rapport à son propre profil. Par contre, le choix comparatif du profil obtenu pour les candidats(es) pris individuellement est très aléatoire et offre peu de crédibilité dans la détermination du choix des candidats de l’électeur potentiel qui utiliserait pour son vote une liste manuscrite par exemple ! Le choix des citoyens pour ces prochaines élections fédérales a une valeur autrement plus sérieuse, qui mérite mieux que de le réduire uniquement à un petit jeu informatique.
    Allez voter, mais votez en citoyen averti, en donnant la priorité à votre propre esprit critique, faisant fi des manipulations de toutes sortes !

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