Frein à l’endettement: Machin(e) infernal(e)

Le Grand Conseil vaudois a accepté en deuxième et définitif débat la loi d’application sur le frein à l’endettement (art. 165 de la nouvelle Constitution cantonale). Durant la totalité des débats, on a pu assister à un véritable passage en force de la majorité de droite. Même face à des questions qui relèvent du simple bon sens économique, l’idéologie bornée l’a emporté.
Ainsi la droite, après avoir peint le diable de la dette grecque sur la muraille (alors que la dette vaudoise ne représente que 6% du PIB cantonal alors que la dette grecque dépasse 115% du PIB ce de pays…) à imposé deux dispositions violant probablement les Constitutions cantonale et fédérale, ou qui sont à tout le moins très contestables.
La première porte sur la prise en compte de la situation conjoncturelle. Alors que tant la Constitution cantonale (art. 163) que la Constitution fédérale (art. 100 al. 4) commandent à l’Etat de tenir compte de la situation conjoncturelle, la majorité a purement et simplement décidé de l’ignorer. La gauche proposait d’introduire la possibilité pour le Grand Conseil de surseoir (à une majorité qualifiée) à l’application du frein à l’endettement en cas de grave crise économique, comme c’est le cas p. ex. dans le canton de Neuchâtel. Le frein à l’endettement de la Confédération prévoit quant à lui un mécanisme d’adaptation à la conjoncture, qui autorise une croissance de la dette en période de crise et oblige qu’elle soit réduite lorsque l’économie se porte mieux. Une telle règle permettrait d’éviter que le canton n’aggrave lui-même une mauvaise conjoncture en coupant dans les dépenses publiques, ce qui priverait des entreprises de mandats, réduirait le pouvoir d’achat et diminuerait la consommation. Mais la droite n’a pas souhaité faire preuve de bon sens et a créé une véritable machine infernale, qui pourrait aggraver la conjoncture, donc aggraver les déficits publics, ce qui provoquerait de nouvelles mesures d’économie qui aggraveraient à leur tour la conjoncture.

Les droits populaires malmenés
La deuxième décision viole les droits populaires en privant le corps électoral d’un de ses droits fondamentaux, celui de dire «non» à toutes les propositions de ses élus et de privilégier le statu quo. En effet, la loi votée par la majorité prévoit que, si un vote populaire est organisé sur les mesures d’assainissement, le peuple n’aurait pas d’autre choix que de les accepter ou d’accepter une hausse d’impôt correspondante. Il ne pourrait donc pas obliger les élus à revoir leur copie en refusant et les coupes budgétaires et la hausse des impôts. Pourtant, le peuple pourrait considérer que la situation n’est soit pas aussi grave que ne le pensent gouvernement et parlement, ou que les mesures d’assainissement proposées ne sont pas les bonnes, qu’elles vont trop ou pas assez loin, ou ne ciblent pas les prestations publiques adéquates. La majorité du Grand Conseil, y compris l’UDC qui prétend pourtant défendre les droits populaires (on voit ici que ce n’est qu’un slogan creux), prive donc le peuple d’une partie de son pouvoir d’appréciation et de sa souveraineté.
Cela démontre que ce mécanisme de frein à l’endettement n’est, comme souvent, qu’un moyen d’affaiblir l’Etat en le privant graduellement de sa marge de manœuvre financière. Et c’est sur l’autel de cette idéologie qu’ont été sacrifiées prise en compte de la situation économique et souveraineté populaire.

8 réflexions sur « Frein à l’endettement: Machin(e) infernal(e) »

  1. (on voit ici que ce n’est qu’un slogan creux), pas besoin d’ajouter ces phrases de propagande.

    Mais je suis d’accord que la comparaison avec la dette grecque est absolument sans valeur.

    Maintenant: Est-ce une raison pour pousser à l’endettement? Ne dépensons pas l’argent que l’on ne possède pas.

  2. C’est intéressant de te lire J.-C.

    Ta comparaison avec la Grèce est sans valeur, puisque tu ne considère qu’une partie de la dette du canton de Vaud (il faudrait ajouter la somme des dettes communales et un pro rata de la dette fédérale), mais je ne te demande pas d’être économiste non plus 😉

    D’autre part, la comparaison avec le plus mauvais élève pour dédramatiser est une façon d’argumenter que je condamne fortement.

    Pour ce qui est du droit du peuple, voilà le processus tel que je le vois
    – Le Parlement arrive à la meilleure solution possible (par définition, puisqu’il représente le peuple)
    – Puis il propose au peuple, soit de couper, soit de payer.
    Conclusion: Contrairement à l’habitude, il ne propose pas de faire payer les générations futures: Je trouve cela admirable et résponsable.

    Et pour finir sur le sempiternel argument conjoncturel: Mettre les méchanismes en place pour réduire la dette me semble bien fondé. Effectivement, à l’optimal l’Etat consomme de façon anti-cyclique, mais économiser maintenant est une politique anti-cyclique, ce que Neuchâtel ne semble pas avoir compris…

    Je m’explique: La conjoncture qui découlera de la dévaluation de l’Euro (désormais une quasi-certitude dans un horizon 3-5 ans) sera bien pire en Suisse, puisque tourisme et exportations en souffriront énormément…

    Mais bon, jamais, on a vu un parti socialiste réduire une dette. Il est bien plus facile d’osciller entre ces deux sentiment:
    – C’est la crise, dépensons, on parlera de réduction de dette plus tard!
    – C’est pas la crise, dépensons, la situation est moins grave que chez ceux qui font faillite!

    Etat de Vaud et réduction de la dette: Two thumbs up!
    P

  3. Patrice, il me semble que tu caricatures un peu mes propos. Jamais je n’ai par exemple dit qu’il faillait « dépenser parce que la situation est moins grave qu’ailleurs »…. En revanche, je me reconnais assez dans le « c’est la crise, dépensons ». Tu es partisan de l’économie de l’offre, pas moi, et je doute qu’on se mette d’accord sur ce point 😉
    Mais bon, même si on prend ton calcul de la dette, on arrive à une situation qui n’a rien à voir avec la situation grecque: La dette de la Confédération est d’environ 110 Mia. Le canton de Vaud en pèse environ 10% (un peu moins, mais ce sont des chiffres de tête pour un calcul rapide). Sa part de la dette de la Confédération est donc d’environ 11 Mia. Quant aux communes, prises toutes ensemble, elles n’ont pas de dettes nettes. La dettes totale en prenant en compte Confédération-Canton-Communes = 11 + 4 = 15 Mia, rapporté à un PIB cantonal d’un peu moins de 50 Mia, on reste très en dessous de la situation grecque ou d’autres pays…

    Il existe des mécanismes de contrôle de la dette qui fonctionnent de manière anticyclique: p. ex. le mécanisme de la Confédération, où le plafond des dépenses autorisées est corrigé d’un facteur conjoncturel, qui autorise de dépenser plus quand c’est la crise et oblige de réduire la dette lorsque tout va bien. Ce mécanisme est déjà considéré comme contraignant, mais la droite vaudoise, qui l’a pourtant soutenu au niveau fédéral, n’a pas voulu en entendre parler au niveau cantonal… Mais bon, avec des députés qui ignorent p. ex. le sens d’«effet boule de neige», la cause est vite entendue…

    Dernier point en ce qui concerne les socialistes qui, selon toi, ne réduisent jamais la dette. A ma connaissance, les socialistes ne sont pas majoritaire en Suisse et toutes les dettes ont crû en période de majorités bourgeoises. Il y a un exemple de politique musclée de réduction de la dette, c’est celle qu’à menée Micheline Calmy-Rey lorsqu’elle était cheffe du département des finances genevois. Alors bon, ton cliché, bof… 😉

    Richard, si on faisait comme vous le préconisez et si on ne dépensait pas de l’argent « que l’on a pas », il n’y aurait plus d’investissement, donc plus de nouvelles infrastructures et notre économies se casserait la figure en quelques années. En outre, en période de crise, on ne pourrait plus verser certaines prestations publiques. Ce qui aggraverait encore plus la crise. La dette est donc nécessaire pour un Etat, que l’on ne peut pas comparer au budget d’un ménage. Il faut cependant veiller à ce la dette ne soit pas trop importante et qu’on puisse la réduire en période de bonne conjoncture, mais vous devez bien admettre qu’il est impossible de s’en passer.

  4. « A ma connaissance, les socialistes ne sont pas majoritaire en Suisse  »

    C’est grâce à cela que notre situation est meilleure qu’en Grèce entre autres 😉

    Dépenser l’argent dont on ne dispose ca entraîne un effet boule de neige. Selon ce que vous avez répondu, c’est irrémediable. Sur 1 Euro de salaire en Grèce, 50 centimes sont versés par… l’Etat. Félicitations pour l’effort socialiste

    Il n’y a qu’une chose qui compte pour qu’un groupe fonctionne: LA RESPONSABILITE INDIVIDUELLE, ce que les idées socialistes DECOURAGENT et ont toujours fait, ce qui inclut de ne pas dépenser ce que l’on a pas.

    (Je souhaite d’ailleurs vous proposer d’interdire les publicités de toutes sortes pour les crédits de consommation, c’est à mon sens au meme niveau que la publicité pour l’alcool ou les cigarettes!)

    Ceci etait un patchwork d’idées, mais il fallait que ca sorte

    Bon weekend

    Richard

  5. Cher Richard, votre comparaison ne vaut pas tripette: il existes des Etats – et non des moindres – qui n’ont jamais été gouvernés par des socialistes et qui sont endettés jusqu’au cou, p. ex. le Japon ou les USA. Et que dites-vous de la France, qui a connu une explosion de sa dette… sous le gouvernement actuel de droite? Vous vous rendrez compte, j’espère que faire l’amalgame « gouvernement socialiste = dettes » ne tient tout simplement pas.

    Quant à vos élucubrations sur la responsabilité individuelle, elles relèvent plus du cliché infondé que de l’analyse sérieuse. Je vous répondrai pourtant sur un point: Si le PS souhaite interdire la publicité sur le petit crédit, c’est à cause de ses ravages (surendettement des ménages) et des dommages économiques qu’il cause (faillites, créanciers qui ne recouvrent pas leur créances) et parce qu’au final, c’est souvent l’Etat, donc les contribuables, qui doit assumer (p. ex. en versant de l’aide sociale ou des subsides d’assurance-maladie, etc.). L’intérêt public à réduire dommages est largement supérieur à l’intérêt des banques qui font du petit crédit et cela justifie largement que l’on restreigne leur liberté économique…

  6. Personellement je trouve les propositions de la droite excellentes! Un frein à l’endettement est nécessaire, sinon les politiciens dépensent plus que de raison (les socialistes en premier). Et lier la non-acceptation de mesures d’assainissement à une hausse d’impôt est logique. Je ne vois franchement pas où est le problème.

    Je préfère ce genre de décision plutôt que d’entendre un syndicaliste (comme samedi passé) me dire de signer le referendum contre l’assurance-chômage. Je lui ai demandé de me dire (1) combien l’assurance-chômage avait de dettes, (2) s’il trouvait cela normal et (3)quelles solutions il proposait pour ne pas transmettre ces dettes à la future génération. Voici ses réponses:

    (1) aucune idée (bravo, c’est bien de lancer un referendum sans connaître le problème. Bravo la crédibilité des syndicats!)

    (2) ben oui (heu, un petit cours élémentaire d’économie s’impose d’urgence)

    (3) pas de problème, donc pas de solution (sans commentaire…)

  7. Et voici les miennes:
    1) environ 9 milliards
    2) Ben non. La raison est la baisse des cotisations paritaires obtenue en 2002 par le conseil fédéral et les milieux patronaux, mais qui se basait sur des prévisions du taux de chômage erronées. Si on n’avait pas voulu tout chambouler pour faire quelques économies de bou de chandelles, l’assurance-chômage n’aurait pas tout ses problèmes actuels.
    3) La solution: tout simplement appliquer la loi actuelle (art. 90c LACI http://www.admin.ch/ch/f/rs/837_0/a90c.html ). Plus de détails ici: http://www.schwaab.ch/archives/2010/03/30/referendum-contre-les-coupes-dans-l%E2%80%99assurance-chomage-c%E2%80%99est-parti/#more-487 Il est piquant de constater qu’en applicant la loi actuelle, l’AC serait assainie plus vite qu’avec la révision attaquée par référendum. Laquelle affaiblit le mécanisme interne de frein à l’endettement de l’AC, cherchez l’erreur!

    Une question concernant votre commentaire: Comment pouvez vous accuser les socialistes d’être les uniques responsables des dettes… alors qu’ils n’ont jamais été majoritaire au Conseil d’Etat/conseil fédéral et au Parlement depuis 150 ans? Autre question: Pourquoi se doter d’un instrument aussi contraignant et aussi peu respectueux des droits populaires si on a réussi à assainir la dette vaudoise sans lui? Dernière question: trouvez-vous acceptable que le peuple, lors d’une votation, ne puisse plus désavouer totalement les élus en rejetant toutes leurs propositions, c’est-à-dire en votant non à tout, ce qui ne sera plus possible dans le cadre du frein à l’endettement vaudois?

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