Des commissions thématiques pour un parlement moderne

Le grand conseil entame demain la première lecture de l’exposé des motifs et projet de décret GC 56 généralisant les commissions thématiques. Il s’agit d’un objet assez technique, pour lequel j’ai eu l’occasion de participer aux travaux de la commission, et qui concerne avant tout le parlement lui-même. Mais ses enjeux dépassent à mon avis largement la simple cuisine interne du grand conseil et justifient bien un billet sur mon blog. d’autant plus que j’ai participé aux travaux de la commission. Un premier débat il y a plus d’une année (le nouveau grand conseil n’était alors pas encore entré en fonction) avait d’ailleurs été assez épique. En effet, il en va de l’efficacité du parlement, de son poids face au gouvernement et du professionnalisme (pas de la professionnalisation!) des député-e-s.

Actuellement, quelques commissions thématiques mises à part (santé, affaires extérieures, politique familiale, grâces, pétitions, modernisation du parlement, affaires judiciaires, systèmes d’information), la plupart des objets sont confiés à des commissions ad-hoc, qu’il faut à chaque fois désigner et constituer (avec à chaque fois une nouvelle présidence). Ce système n’est pas inefficace, mais peut être sensiblement amélioré. Il doit l’être, aussi, car les élus doivent faire de l’efficacité leur première priorité. Généraliser les commission thématiques permettrait à mon avis de régler deux problèmes récurrents: le manque de continuité et le fait que le parlement se fasse trop souvent dicter son agenda par le gouvernement. Ce qui n’est pas très compatible ni avec notre système de démocratie parlementaire, ni avec la séparation des pouvoirs.

La continuité dans le suivi des dossiers est en effet difficile à garantir. On retrouve certes souvent les mêmes députés dans des commissions traitant des mêmes objets, mais c’est souvent leur agenda qui leur dicte leur présence dans les commissions. S’il y a collusion de dates, difficile de suivre deux dossiers que l’on suit de près. Mais surtout, les dates sont souvent établies en fonction de l’agenda du conseiller d’Etat responsable, date sur laquelle le président ou la présidente de la commission ad-hoc n’a aucune influence, vu qu’il ou elle n’a pas encore été confirmé dans sa présidence, vu que la commission n’a pas encore siégé. Des commissions thématiques, présidées par la même personne durant plusieurs années (une législature maximum selon le règlement du grand conseil – les présidents ne devraient donc pas pouvoir s’incruster…), seraient mieux à même de fixer de leur propre chef leur programme de travail au moins à moyen terme, programme auquel le gouvernement devrait s’adapter, et non l’inverse. Elles permettraient un suivi régulier des dossiers, par des personnes qui s’en spécialiseraient. Sans pour autant devenir des professionnels, le grand conseil restant un organe de milice, mais travaillant avec professionnalisme. C’est d’ailleurs bien le moins que le peuple peut attendre de ses élus.

(ajouté le 3 juin, 16H17) Malheureusement, les forces de l’immobilisme l’ont emporté et le grand conseil a refusé l’entrée en matière sur ce projet. Dommage.

2 réflexions sur « Des commissions thématiques pour un parlement moderne »

  1. Je ne crois pas que ce refus soit dommageable. En effet, si cela semble a priori un moyen de rendre le parlement plus efficace les commissions thématiques sont assez dangereuses selon moi.

    Pourquoi? parce que les élus se spécialisent et perdent l’approche généraliste. Résultat, on fait confiance sur les sujets où l’on n’est pas spécialiste et on se transforme en caisse enregistreuse pour tus les sujets sauf ceux de nos thèmes. Je n’ose pas pensé de l’utilité pour les élus qui ne siègent dans aucune de ces commissions.

    Et c’est aussi un risque d’avoir des commissions de copains. Bref, je trouve que c’est une fausse bonne idée et en tous les cas pas un truc qui va vraiment apporter un plus.

  2. Le risque a souvent été évoqué par les opposants, notamment ceux qui…siègent dans les commissions permanentes qui existent déjà. A mon avis, il aurait été très faible. Même si les membres d’une commission se voyent souvent pour parler de la même chose, les désaccords politiques font que, de toute façon, un contrôle et une logique de concurrence s’instaurent.
    Quant à moi, je ne crois pas que cela aurait transformé les élus en super-spécialistes. Contrairement à ce qui se passe au parlement fédéral, les débats du plénum restent totalement libres et ouverts. N’importe qui peut y intervenir et déposer de nouveaux amendements, et d’ailleurs personne ne s’en prive, ni ne s’offusque qu’un non-membre de la commission ne prenne la parole. Je me rappelle (mais mon expérience est assez maigre, je dois bien l’avouer) de la loi vaudoise d’application de la LEtr: j’avais fait partie de la commission, qui comportait de nombreux députés connaissant très bien le sujet, mais cela nous avait pas empêché d’oublier certains points qui avaient fait l’objet de débats nourris en plénum.
    Dans tous les cas, la spécialisation, elle existe à mon avis déjà: il est impossible d’être un vrai généraliste, tant les sujets se complexifient… Des commissions organisées sur la durée et soutenues par un secrétariat politique n’auraient fait qu’entériner cet état de fait.
    En outre, il n’y aurait pas eu de député exclu des commissions thématiques, vu que le projet de la commission en comportait suffisamment pour que chacun en ait au moins 2.

    Il y a eu dernièrement une anecdote qui a démontré l’utilité de commissions fortes et bien organisées sur le long terme, à même de dicter leur agenda: le conseil d’Etat n’a pas trouvé de date avant juillet pour une séance concernant le paquet de motion fiscales déposées en avril par le PS. Mais il a trouvé le temps de siéger en juin pour son propre paquet fiscal, même s’il n’a été rendu public que la semaine passée… Dès que la commission aura siégé sur cet objet, les carottes seront cuites concernant les projets du PS… Nul doute qu’un président de commission fiscale un peu débrouille n’aurait pas toléré ce petit tour de passe-passe.

    Mais au final, c’est bien vrai, cet objet n’est pas fondamental. Et le grand conseil n’est pas si inefficace que cela dans son fonctionnement actuel. Pour dire vrai, je le trouve bien plus efficace que ce que je pensais!

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