Doris Leuthard vient de présenter, conjointement avec les partenaires sociaux, quelques mesures pour lutter contre la pénurie des places d’apprentissage et le chômage des jeunes. Première bonne nouvelle : Mme Leuthard semble prendre le problème au sérieux. Seconde bonne nouvelle : les mesures proposées, pour peu qu’elles soient appliquées, sont de bonne facture. Mais il subsiste un bémol de taille : rien n’est prévu pour encourager la création de places de formation. Or c’est là que se situe à mon avis la clef du problème.
De bonnes propositions…
Mme Leuthard propose deux mesures. La première est l’encadrement individuel (« case management » en anglais dans le texte) des jeunes qui ont des problèmes à trouver une place d’apprentissage, par exemple les jeunes issus des milieux défavorisés ou les migrant-e-s. C’est une proposition nécessaire et excellente.
La seconde proposition de la nouvelle Conseillère fédérale est d’améliorer le soutien, en particulier administratif, aux entreprises formatrices. C’est aussi une bonne idée, mais cela ne devrait pas suffire à encourager la création de places de formation en nombre suffisant.
Mais il faut créer plus de places de formation !
Car c’est là que se situe la clef du problème et Mme Leuthard semble persister à l’ignorer. On peut en effet soutenir, parrainer ou « coacher » les jeunes qui ne trouvent pas de place d’apprentissage autant que l’on voudra ; s’il n’y a pas de places pour eux, ils ne pourront tout de même pas commencer de formation professionnelle. Or, en 2006, plus de 10’000 jeunes ont tout simplement renoncé à entrer en formation et ont dû se contenter d’une place en liste d’attente (« solution transitoire », par exemple une 10ème année). Ils ont rejoint celles et ceux qui n’avaient pas trouvé les années précédentes, cherchent encore, et sont désormais plus de 22’000 dans tout le pays (sources des chiffres : « baromètre des places d’apprentissage » de l’OFFT). Il faut donc poursuivre les efforts pour encourager les entreprises à plus former (actuellement, à peine une sur six le fait) et l’Etat doit au besoin offrir lui même les places manquantes, en augmentant par exemple l’offre en école professionnelle à plein temps ou de commerce.
Mais comment faire pour encourager les entreprises à former ? Tout d’abord en favorisant les entreprises formatrices lors de l’attribution de subvention ou de mandats publics. Ensuite, en mettant sur pied des fonds cantonaux et de branche pour la formation professionnelle, afin de faire participer les entreprises non formatrices aux frais des entreprises formatrices. De nombreux cantons et branches ont déjà fait l’expérience avec succès (FR, GE, NE et VS, la carrosserie ou l’industrie vaudoise des machines) et d’autres vont suivre (par exemple JU, mais les organisations patronales lancent un référendum irresponsable contre le fonds cantonale pour la formation professionnelle). Mme Leuthard n’a pour le moment consenti qu’à « évaluer » ces fonds.
Il faut en outre combattre plus efficacement les discriminations lors de l’embauche d’apprenti-e-s, par exemple en interdisant les tests payant (et peu sérieux) du genre « multicheck » et introduire largement les dossiers de postulation anonymisés.
Des moyens pour la formation professionnelle !
Enfin, tout est toujours affaire d’argent. Pour permettre vraiment à chaque jeune d’avoir accès à une formation post-obligatoire (89% actuellement, les cantons visent 95% pour 2015), sésame du marché du travail, il faut que le Parlement donne à la Confédération et aux cantons les moyens de faire face au problème et augmente les crédits à la formation d’au moins 8 à 10%. Sinon, impossible de payer les 10’000 coaches promis par Mme Leuthard.
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