Retraites : massacre à la tronçonneuse

Le glissement du Conseil National vers la droite dure aura des conséquences difficiles pour les retraité-e-s et futurs retraité-e-s modestes et de la classe moyenne. Retour sur des débats qui ont vu l’idéologie battre l’équilibre à plates coutures.

Le Conseil des Etats avait pourtant montré la voix en cherchant à présenter un projet équilibré de réforme de la prévoyance-vieillesse. Et, lors de son discours d’entrée en matière, Isabelle Moret (PLR/VD), rapportrice de la majorité UDC-PLR-vert’libérale de la commission du National, a brandit cette évidence : un projet déséquilibré n’aura aucune chance devant le peuple. Mais, alors qu’elle aimait naguère à se présenter en « radicale modérée », elle a aussitôt négligé son propre avertissement pour promouvoir des propositions de majorité toutes plus extrémistes les unes que les autres. Elle ne s’est écartée des décisions de la commission que pour soutenir des propositions de dernière minute, bricolées sur un coin de table de stamm de votation et, défense de rire, concoctées par des membres de la commission qui a pourtant étudié le projet pendant plus de 55 heures.

Au cours des débats, tous les votes cruciaux ont été perdus d’une grosse dizaine de voix. Cela correspond précisément aux sièges gagnés par l’UDC et le PLR lors des élections fédérales d’octobre 2015. Parmi les élus de droite qui ne ratent pourtant pas une occasion de se dire « modérés », « romands » ou « agrariens », aucun n’a osé (ou n’a voulu) s’écarter, même en s’abstenant, des consignes des états-majors zurichois. Le PS a fait bloc avec les verts et le PDC et n’a pas ménagé sa peine pour défendre un projet équilibré et viable, mais nous avons dû nous incliner face à l’arithmétique. S’il ne fallait qu’un seul exemple des dégâts que le glissement à droite du Conseil national fait subir aux classes moyenne et modeste, ce serait à coup sûr la réforme « prévoyance-vieillesse 2020 ».

Qu’a décidé exactement le Conseil national ?

La droite dure de la chambre du peuple n’a pas fait dans la dentelle. Toutes les propositions anti-sociales du Conseil fédéral ont été adoptées :

  • Hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, et tant pis si les retraitées touchent en moyenne 200’000.—Fr. de moins que les retraités et que cette mesure nécessiterait de trouver un emploi pour environ 20’000 femmes.
  • Baisse du « taux de conversion », donc de toutes les rentes du 2ème pilier, et tant pis si la plupart des assuré-e-s subit aujourd’hui déjà des hausses constantes des cotisations… pour des prestations qui fondent comme neige au soleil.
  • Baisse des rentes de veuves, qui ne seront plus seront versées qu’aux femmes qui, au moment du décès de leur mari, ont encore des enfants à charge.

Mais l’UDC, le PLR et les verts’libéraux ont encore aggravé les choses :

  • Refus d’augmenter la « legal quote », c’est-à-dire la part des bénéfices que les assureurs-vie doivent reverser aux assuré-e-s.
  • Suppression de l’augmentation des nouvelles rentes AVS de 70.—Fr./mois voulue par les Etats.
  • Mise en place d’un « mécanisme d’intervention », c’est-à-dire une hausse automatique de l’âge de la retraite à 67 ans.
  • « Dépolitisation de la LPP », c’est-à-dire l’interdiction faite au Parlement, et donc au Peuple, de se prononcer sur les rentes du deuxième pilier, tâche désormais confiée à des « experts ».

Les dindons de la farce ? Les jeunes !

Pendant toute la campagne sur « AVS+ », les opposants à l’initiative n’ont eu de cesse de prétendre qu’augmenter les rentes AVS serait coûteux pour les jeunes. Certains n’ont pas hésité à attiser la guerre des générations, dépeignant les retraité-e-s comme des paresseux vivants au crochet de jeunes générations accablées et précaires, allant même jusqu’à parler d’« expropriation », voire de « cochons ». Même si elles ne reposent sur aucun élément concret, ces attaques ont malheureusement laissé des traces et mis à mal la cohésion nationale. Ces attaques sont devenus plus choquantes encore quand on sait que la droite à imposé une « compensation » de la baisse du 2ème pilier par une hausse des cotisations, qui coûtera… plus de 5 fois plus cher aux travailleur-euse-s en début de carrière que ne coûterait une augmentation des rentes AVS comme le souhaitait le Conseil des Etats. Bref, après les avoirs instrumentalisés, la droite s’est bien moqué des jeunes, en leur fourguant une mesure que l’on peut résumer par « cotiser plus pour toucher moins ».

En l’état, la réforme des retraites ne fait que des perdant-e-s, à part peut-être les assureurs-vie, qui touchent les dividendes de leur soutien inconditionnel au PLR et à l’UDC. A moins qu’un référendum…

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Article paru dans le journal du PSV « points forts ».

3 réflexions sur « Retraites : massacre à la tronçonneuse »

  1. À moins qu’un référendum… qui sera repoussé par le peuple auquel il aura suffit, comme d’habitude, de faire peur avec des conséquences mystérieusement dévastatrices en cas d’acceptation. La peur… les terroristes ne sont de loin pas les seuls à s’en servir! Le succès du terrorisme politique d’une certaine droite révèle de manière affligeante le manque de discernement de ceux qu’il vise…

  2. Ping : Le bilan des quatre sessions 2016 (1) | Jean Christophe Schwaab

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