Quand c’est l’entreprise qui faute, sa direction doit assumer: Brady Dougan doit s’excuser

En difficulté face à des sénateurs étatsuniens, M. Dougan tente de s’en tirer en jouant celui que ses propres employés ont trahi. Et il n’y va pas de main morte : Si son établissement a violé la loi et pratiqué l’incitation à l’évasion fiscale à grande échelle, c’est, selon lui, parce que des employés n’ont pas respecté des directives internes. Et ce à l’insu d’une direction qui n’en aurait rien su et peut donc jouer les vierges effarouchées. Peu importe que cette déclaration fasse éventuellement partie d’une stratégie de défense : elle est choquante.

Outre le fait qu’il est fort peu crédible qu’une direction réputée compétente (en tout cas si l’on considère son salaire) puisse ignorer de tels agissements, à plus forte raison lorsqu’ils ont été si fréquents, rejeter sa responsabilité sur ses employés et jeter l’opprobre sur toute une profession est indigne d’un dirigeant de cette envergure.

Tout d’abord, c’est un viol de la présomption d’innocence. Interrogé au sujet ce qui est considéré aux Etats-Unis (et devrait l’être en Suisse) comme un crime grave, M. Dougan livre ses propres employés en pâture, suscite une profonde incompréhension auprès de ses employés et augmente encore leur sentiment d’insécurité. Certes, il n’a à cette occasion livré aucun nom, mais ses accusations vont encourager les autorités à en savoir plus. Et, des noms, elles en détiennent déjà, étant donné que Crédit Suisse, avec d’autres banques, a déjà livré des centaines de noms de collaborateurs et d’ex-collaborateurs, dont certains n’avaient pratiquement aucun lien avec les activités aux USA. Ceux-ci n’avaient pas besoin d’un coup dur supplémentaire.

On ne peut ensuite pas accorder un grand crédit à l’argument des directives internes interdisant toute incitation à l’évasion fiscale. Certes, ces directives existent et existaient au moment des faits. Mais quel poids leur accorder quand l’évasion fiscale était encore le modèle d’affaire principal ? Et pouvait-ton réellement attendre des collaborateurs qu’ils renoncent à des activités que tout le monde autour d’eux continuait à pratiquer allègrement ? Certainement pas, étant donné qu’un système de rémunération les incitait à « faire du chiffre » et qu’ils étaient soumis à une pression constante d’obtenir des résultats quel qu’en soit le prix.

L’attitude de M. Dougan est indigne d’un dirigeant. Quant l’entreprise a fauté, c’est sa direction qui doit assumer, même si elle n’était pas en fonction au moment des faits. Se défausser sur le petit personnel en mettant tout le monde dans le même sac, y compris les gens honnêtes, est déloyal, même si cela fait partie d’une stratégie visant à limiter les conséquences pénales. Le moins que l’on puisse désormais attendre de M. Dougan est désormais qu’il s’excuse auprès de ses collaborateurs et admette que les vrais responsables des dégâts causés par la captation systématique de l’évasion fiscale sont ceux qui l’ont organisé, pas ceux qui l’ont exécuté.

Texte paru aujourd’hui dans l’AGEFI.

2 réflexions sur « Quand c’est l’entreprise qui faute, sa direction doit assumer: Brady Dougan doit s’excuser »

  1. Cher M. Schwaab,

    Je suis absolument d’accord avec vous:

    Le vrai leader partage ses succès avec ses hommes et réponds personnellement des échecs.

    Après avoir offert les données sur tant d’employés aux enquêteurs américains sans même leur en avoir fait part, cela fait beaucoup. Lorsqu’on est payé 70 millions pour une année de travail (en 2009 sauf erreur?) je pense qu’il est interdit de répondre par : je ne sais pas ce qu’il se passe dans mon entreprise.

    Avec mes meilleures salutations

    Richard

  2. Merci de défendre un (tout petit) peu le principe de non auto-incrimination…

    Trouvez-vous juste qu’une personne doive publiquement avouer ses fautes ou celles de ses employés et sera poursuivi pénalement s’il le fait ? Je veux bien que les USA ne connaissent pas le droit de se taire… mais merci au moins de mettre dans ce contexte les déclarations évasives de ce directeur (bien trop payé).

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