Et maintenant...
au travail !
"Dans la vie, locataires et assurés choisissent, pour se défendre efficacement, un avocat qui connaît bien ses dossiers.
En politique, c'est pareil !"

A Berne

Le bail

Les Suisses sont locataires dans leur grande majorité. Souvent ils consacrent plus de 30 % de leur revenu à leur loyer. Et pourtant, ils sont mal défendus à Berne. C'est ainsi que les mesures de protection des locataires sont moins développées en Suisse que dans la plupart des autres pays européens.

C'est pourquoi l'ASLOCA vient de déposer une initiative "pour des loyers loyaux". Elle propose de combattre les loyers abusifs, d'une part en réduisant l'influence des variations du taux hypothécaire sur les loyers et, d'autre part, en élargissant les possibilités de contester un loyer initial trop élevé. D'autres mesures de protection, notamment contre les congés, sont prévues.

Le Conseil fédéral a décidé de combattre cette initiative en lui opposant un contre-projet. Sous le couvert d'une meilleure protection des locataires, ce contre-projet entérine en fait de manière définitive les abus actuels, au profit presque exclusif des propriétaires.(voir plus bas)

Plus que jamais, les représentants des locataires à Berne doivent être en mesure de démontrer politiquement et surtout techniquement les conséquences des propositions opposées.

Mon expérience de praticien du droit du bail depuis plus de vingt ans et mes fonctions de vice-président de l'ASLOCA-Vaud, constituent de ce point de vue un avantage certain.

Un mauvais contre-projet:

(24 Heures du 20 décembre 2002)

VIVE LE MARCHE ? 

Les hasards du calendrier politique ont voulu que le Conseil national se prononce le même jour sur deux objets vitaux pour l’ensemble de la population de notre pays. Mais ce n’est certainement pas un hasard si la majorité a en même temps adopté un nouveau droit du bail défavorable aux locataires et rejeté les quelques améliorations apportées à l’assurance maladie, en faveur des familles et des plus bas revenus.

Chacun reconnaît pourtant que l’accès aux soins doit être garanti à toutes et à tous sans discrimination. Quant aux locataires, ils bénéficient, dans la Constitution elle-même, d’une protection particulière contre les congés et les loyers abusifs. 

Avec les dernières décisions de la majorité conservatrice du parlement, la charge de l’assurance maladie continuera de peser toujours plus lourdement sur les budgets familiaux. Par la révision rejetée, il s’agissait notamment d’augmenter de 300 millions les fonds mis à disposition par la Confédération pour aider les personnes de condition modeste à payer leurs primes d’assurance. En outre, les primes auraient été réduites dès le deuxième enfant puis gratuites à partir du troisième. 

Quant au domaine du bail, on pourrait assister bientôt à une vague sans précédent de hausses de loyer, alors même que les taux d’intérêts hypothécaires n’ont jamais été aussi bas. En effet, les loyers seront désormais indexés au coût de la vie, ce qui serait un moindre mal. Mais, ce qui est nouveau et particulièrement dangereux, c’est que les loyers augmenteront à chaque changement de propriétaire. Ils pourront atteindre jusqu’à 15 % de plus que la moyenne des loyers du quartier. En cas de changement de locataire, le loyer du nouveau bail pourra aussi être fixé selon cette moyenne majorée de 15 %. Lorsque tous les loyers auront ainsi augmenté, la moyenne du quartier s’élèvera et justifiera une nouvelle hausse extraordinaire de 15 %. Les loyers prendront donc l’ascenseur, même et peut-être surtout dans les immeubles qui en sont dépourvus. 

Mais il y a plus : la possibilité extraordinaire de hausse n’existera qu’en cas de changement de locataire ou de propriétaire. On pourrait donc assister à une multiplication des ventes d’ immeubles aux loyers bon marché, pour que les nouveaux propriétaires puissent les augmenter. Surtout, les propriétaires d’appartements bon marché n’hésiteront plus à résilier les baux, pour obtenir des loyers plus élevés. Ainsi, les loyers devraient s’adapter aux lois de la concurrence et du marché. 

Le grand mot est lâché : le marché. La règle de l’offre et de la demande s’appliquera. Mais, ceux qui voient dans son application sans limite le meilleur moyen de maîtriser les coûts semblent « oublier » que la santé et le logement ne sont pas des biens comme les autres. On ne choisit ni de se loger entre quatre murs et sous un toit, ni d’être malade. La liberté de choix n’est donc qu’un leurre, sinon pour les classes les plus aisées de la population. Or, lorsqu’on sait que 70 % des habitantes et des habitants sont locataires et que nous avons tous un jour ou l’autre besoin de soins, on mesure le décalage qui existe entre les décisions politiques et les véritables besoins de la population. 

Fort heureusement, le peuple aura le dernier mot pour mettre un frein à cette déréglementation particulièrement dangereuse, en acceptant les deux initiatives qui lui seront soumises le 18 mai, Pour des loyers loyaux et La santé à un coût abordable. 

La première limite clairement les possibilités d’abus dans la fixation des loyers. Elle protège aussi les locataires contre les congés. Quant à la seconde, elle garantit à chacune et à chacun des soins de haute qualité et des primes d’assurance fixées non plus par tête, mais, comme les impôts, selon le revenu et la fortune des assurés, en tenant compte des charges familiales. Les électrices et les électeurs auront ainsi l’occasion de rappeler à leurs représentants où doivent être fixées les limites du libéralisme en matière économique.

Haut de la page