Le dernier bilan des quatre sessions

Ma dernière session au Conseil national vient de s’achever. C’est donc le moment de procéder au traditionnel bilan annuel de mon activité parlementaire. Le bilan global de mes six ans au Conseil national suivra d’ici quelques jours !

Deuxième année de présidence de la CAJ-N

Depuis 2016, j’ai présidé la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N). En plus d’un grand honneur, ça a été une expérience très enrichissante, mais aussi très exigeante. Présider une commission parlementaire exige une préparation intense, une connaissance pointue de tous les dossiers (ma voix présidentielle a été très souvent prépondérante) et une excellente connaissance des règles et procédures parlementaires. De l’avis de membres de la commission, je crois m’en être plutôt bien tiré !

Principaux dossiers traités en commission des affaires juridiques

Protection de l’enfance

Suite à une motion de l’ancienne conseillère nationale socialiste vaudoise Josiane Aubert, le Conseil fédéral a proposé d’étendre à tout le pays l’excellente pratique vaudoise qui oblige toute personne étant professionnellement en contact avec des enfants de signaler tout soupçon de maltraitance ou d’abus. Après des débuts difficiles (PLR et UDC avaient utilisé leur majorité absolue pour couler le projet lors de l’entrée en matière), la deuxième lecture au Conseil national a été la bonne et cette amélioration de la protection des enfants a été adoptée vendredi en vote final. Il est intéressant de noter que ceux qui, à l’UDC prétendent vouloir protéger les enfants ont refusé cette mesures qui a pourtant fait ses preuves et permets aux autorités de protection de l’enfance d’intervenir avant que les maltraitance et abus ne s’aggravent.

Loi sur les jeux d’argent

En 2012, le peuple et les cantons ont adopté (à plus de 80%) un nouvel article constitutionnel qui prescrit que les bénéfices des jeux d’argent soient uniquement affectés au bien commun et à l’utilité publique : aux fonds cantonaux de loterie pour les grandes loteries (p. ex. Loterie Romande), aux sociétés locales pour les petites loteries (p. ex. les lotos villageois) et à l’AVS pour les bénéfices des casinos. Le Parlement a accepté la loi qui met en œuvre cet article constitutionnel, en évitant notamment que des casinos en ligne étrangers ne captent une partie des bénéfices, même si cela doit passer par un blocage des sites internet concernés. J’ai beaucoup réfléchi avant de me prononcer ce très controversé blocage, mais l’ai finalement accepté, parce qu’il s’agit d’une solution plutôt modérée, qui ne vas pas mettre en danger les libertés sur la toile et aussi vu l’absence d’alternatives crédibles. Malheureusement, certains partis de jeunes, soutenus par ces casinos en ligne (souvent basés dans des paradis fiscaux peu regardant sur la lutte contre le blanchiment d’argent comme Malte ou Gibraltar) ont lancé le référendum contre cette nouvelle loi. S’il aboutit, il faudra se battre pour que le peuple réitère son soutien à l’utilité publique et éviter une libéralisation néfaste du marché des jeux d’argent.

Révision du droit de la société anonyme

Même si la CAJ-N n’a pas terminé de traiter le nouveau droit de la société anonyme, j’ai pu me plonger dans plusieurs thèmes qui me sont chers comme l’égalité hommes-femmes ou la lutte contre les rémunérations abusives. Même si ces décisions ne sont pas encore définitives et doivent encore passer le cap du plénum, les premiers résultat sont encourageants, avec notamment l’introduction d’un quota dans les directions et conseil d’administration des entreprises cotées en bourse ! Ce progrès est très modeste et limité dans le temps, mais c’est déjà un pas énorme vers plus d’égalité.

En raison de ma démission, je ne vais pas pouvoir mener ce dossier jusqu’au bout, mais il est repris par les excellents Susanne Leutenegger-Oberholzer et Corrado Pardini !

Interventions parlementaires

Curatelles imposées vaudoises : cette fois c’est vraiment fini !

Mon initiative parlementaire demandant que l’on ne puisse être nommé curateur qu’avec son accord a été définitivement adoptée par les Chambres fédérales. La date de l’entrée en vigueur n’est pas encore connue (le délai référendaire court jusqu’à mi-janvier), mais elle est désormais inéluctable ! Un réel soulagement pour les Vaudois-e-s.

J’ai pu d’ailleurs utiliser ma présidence de la commission chargée de préparer cette modification législative pour que ce dossier soit mené à terme au bon rythme.

Mettre un terme aux abus des faillites en chaîne

Les faillites abusives en chaînes continuent à se multiplier et le Conseil fédéral n’agit toujours pas. Avec mes collègues Corrado Pardini (PS/BE), Olivier Feller (PLR/VD) et Pirmin Schwander (UDC/SZ) nous avons donc décidé de prendre le taureau par les cornes. Proches des partenaires sociaux, nous constatons que la situation actuelle cause un tort considérable aux entreprises et à leurs salariés, ainsi qu’aux collectivités publiques. Nous avons donc déposé 3 motions visant à instaurer des mesures efficaces et dissuasives contre les faillites abusives en chaînes. Ces propositions ne visent ni à entraver nos procédures simples et rapides en matière de poursuites et faillites, ni à supprimer le « droit à une deuxième chance » des créateurs d’entreprises. En revanche, elles visent à punir plus sévèrement ceux qui abusent et à les empêcher de recommencer.

Renforcer les droits des travailleurs face à un licenciement collectif

Avec mon ex-collègue Cesla Amarelle (qui a quitté le Conseil national pour faire de brillants débuts en tant que Conseillère d’Etat), nous avons fait deux propositions (celle-ci et celle-là) pour renforcer la position des travailleurs victimes d’un licenciement collectif : abaisser le seuil qui rend obligatoire la négociation d’un plan social et sanctionner plus durement les employeurs qui n’agissent pas de bonne foi au cours de la procédure. Les récents licenciements collectifs chez General Electric ou Autodesk montrent l’utilité de nos propositions. Ces propositions ont été reprises par Mathias Reynard.

Chômeurs malades de longue durée

Sur le conseil de la caisse de chômage Unia, je suis intervenu pour que les chômeurs qui sortent d’une longue maladie ne soient plus pénalisés par l’assurance-chômage. Ma motion a été reprise par Ada Marra.

Politique numérique

Imposition des robots ?

La question de l’imposition des robots, souvent accusés de détruire des emplois, anime beaucoup l’opinion publique. Imposer spécifiquement les robots est à mon avis une bien mauvaise idée, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté à définir ce qu’est un robot (impossible, p. ex. de prétendre qu’une caisse automatique dont le client de supermarché doit se servir lui-même est un robot…). Cela dit, même si les robots ne vont à mon avis pas remplacer le travail, la numérisation de l’économie va transformer le marché du travail et en profondeur et, surtout, favoriser encore plus les détenteurs de capital, ce dernier devenant de plus en plus rentable. Il faut donc réfléchir à l’impact de cette numérisation sur la fiscalité et sur le financement des assurances sociales, actuellement basés essentiellement sur les revenus du travail. J’ai donc déposé un postulat pour que le Conseil fédéral fasse une analyse prospective de la situation, qui a été accepté par le Conseil national (contrairement aux propositions un peu stéréotypées demandant d’imposer les « robots »).

Respect du droit suisse par les réseaux sociaux et autres géants d’internet.

L’application du droit suisse est rendue de plus en plus difficile par le comportement des réseaux sociaux ou des géants d’internet, qui refusent (parfois légalement) de collaborer aux procédures judiciaires ou appliquent leur propre droit, notamment en matière de publication et de modération des commentaires. Ma position est présentée dans cet article de « 24 heures ». J’ai notamment déposé deux interpellations : 17.3276 sur la responsabilité en cas de publicité sur Internet illégale, haineuse ou finançant des activités criminelles, et 17.3277 qui demande si les sanctions judiciaires actuelles suffisent à dompter les géants d’Internet. J’ai par ailleurs suivi avec attention les travaux de mise en œuvre de la motion déposée au Conseil des Etats par Christian Levrat (de même teneur que ma propre motion déposée au national).

Révision de la loi sur la protection des données

Bien que n’étant pas membre de la commission en charge de ce dossier, j’ai attentivement suivi la révision de la Loi sur la protection des données, un de mes sujets de prédilection. J’ai notamment conseillé la délégation PS de la commission des institutions politiques lors de la préparation des amendements et de l’argumentaire. Le dossier est piloté par Valérie Piller Carrard et Cédric Wermuth.

Accords de libre-échange, tribunaux arbitraux « ISDS »

Même si le changement de présidence aux USA a mis un peu de plomb dans l’aile des nouveaux accords de libre-échange, ils ne sont pas morts pour autant : le CETA (UE-Canada) est entré en vigueur et d’autres accords sont en préparation (UE-Japon, Japon et partenaires asiatique et américains). L’accord ACS/TISA n’est pas enterré non plus, même si les négociations sont bloquées depuis l’élection de M. Trump. Je suis donc resté très vigilant, en particulier sur la question de l’arbitrage.

Les votations fédérales : RIE3, PV2020

Je me suis enfin beaucoup engagé lors des votations fédérales sur la réforme de l’imposition des entreprise et des retraites. Un énorme succès de la gauche face à l’arrogance de la droite libérale pour la première, une défaite rageante pour la seconde. Dans les deux cas, ces deux dossiers importants pour l’avenir de la Suisse reste en plan et je ne peux désormais qu’espérer que des solutions équilibrées pourront être trouvées. Il sera notamment important de ne dégrader aucun prestation pour la population : le message du rejet de PV2020 est assez clair, en tout cas en Suisse romande.

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