2x Oui à PV2020, le bon compromis pour réformer nos retraites et renforcer l’AVS 

Le 24 septembre, nous votons sur « prévoyance-vieillesse 2020 » (PV2020) un des projets les plus importants de la législature en matière de politique sociale. On peut dire carrément que c’est l’une des réformes majeures de la décennie. Il s’agit d’une part de renforcer l’assise financière de notre système de retraites, mais aussi de déterminer si nos assurances sociales doivent être organisées sur la base d’un système solidaire et public qui répartit les richesses ou favoriser plutôt la prévoyance individuelle privée, inégalitaire… et dont une part importante disparaît dans les poches des assureurs privés.

PV 2020 est nécessaire, car, c’est indéniable, notre système de retraites doit être réformé.

Financement supplémentaire pour l’AVS

En premier lieu, l’AVS aura besoin de financement supplémentaire. Elle a déjà connu plusieurs déficits de répartition (c’est quand les cotisations des actifs ne suffisent plus à couvrir les rentes) et l’évolution démographique est ce qu’elle est, même si la démographie n’est qu’un des éléments de la durabilité de l’AVS. Certes – et heureusement ! la situation financière de l’AVS n’est pas aussi mauvaise que ce que veulent faire croire les oiseaux de mauvais augure qui veulent l’affaiblir pour mieux pousser la population vers la prévoyance privée. Mais un financement supplémentaire n’en demeure pas moins nécessaire, même s’il faut admettre que PV 2020 n’apporte qu’une solution transitoire pour une quinzaine d’années. Cela dit, la nouvelle réforme qu’il faudra mener à bien d’ici quelques années se fera beaucoup plus sereinement si les caisses de l’AVS sont pleines que si le premier pilier a dû entre temps faire face à plusieurs déficits. Il y a en effet fort à parier que, dans un contexte de « caisses vides », les propositions de la droite dure et des milieux patronaux d’augmenter l’âge de l’AVS au minimum à 67 ans pour toutes et tous et de baisser les rentes AVS de manière automatique trouveraient plus facilement des majorités populaires. Ces propositions ne sont d’ailleurs pas de la science-fiction, étant donné qu’elles ont déjà été défendues bec et ongles par l’UDC et le PLR au Conseil national, qui, en menant une véritable politique de la terre brûlée, ont abattu leurs cartes et dévoilé leurs véritables intentions : creuser les déficits de l’AVS pour mieux démanteler la protection sociale.

PV 2020 prévoit donc un financement additionnel pour l’AVS, qui passe par une augmentation de 0,3% de la TVA, l’allocation à l’AVS des 0,3% prélevé actuellement pour l’AI, la fixation de l’âge de la retraite à 65 ans pour toutes et tous et une augmentation de 0,3% des cotisations salariales (dont 0,15% à la charge des travailleurs). Cette dernière mesure est un vrai succès historique pour la gauche : comme les cotisations sont prélevées sur l’ensemble du revenu mais que les rentes AVS sont plafonnées dès un revenu annuel d’environ 84’000.—Fr., augmenter les cotisations AVS, c’est augmenter l’imposition des très hauts revenus. Dans un contexte d’aggravation des inégalités, c’est vraiment une très bonne nouvelle.

L’augmentation de l’âge de la retraite des femmes est en revanche clairement un point négatif de la réforme. Mais, dans un compromis, chaque partie doit faire des concessions, à plus forte raison quand on sait que cette augmentation est donnée gagnante dans tous les sondages même sans mesure de compensation en faveur de celles qui la subiront. Et, surtout, PV 2020 n’est pas aussi défavorable aux femmes que ne veulent bien le prétendre certains opposants à la réforme : la hausse des nouvelles rentes AVS, la flexibilisation de l’âge de la retraite pour les bas et moyens revenus et l’abaissement du seuil d’entrée au 2ème pilier avantagent directement les personnes à bas salaires ou travaillant à temps partiel, donc surtout les femmes.

Quant à la TVA, ce n’est certes pas mon impôt préféré, étant donné qu’il frappe indistinctement le riche et le pauvre (mais voir tout de même la remarque ci-après). J’ai déjà eu l’occasion de le critiquer à maintes reprises, mais dans des contextes différents (notamment lorsque le PLR proposait de remplacer l’IFD, qui tient compte de la capacité contributive, par la TVA…). La TVA a cependant de nombreux avantages, notamment quand il s’agit de financer les assurances sociales, en particulier les retraites :

  • Les retraité-e-s en paient aussi, et donc contribuent aussi à l’assainissement de l’AVS ;
  • Les touristes en paient aussi (10% des recettes !), mais sans bénéficier de quoi que ce soit en échange ;
  • C’est très difficile de frauder ;
  • Les augmentations salariales annuelles en tiendront compte dans la grande majorité des cas, en tout cas à chaque fois qu’il y a négociation entre partenaires sociaux. Il en ira de même pour les rentes AVS, qui sont adaptées au renchérissement et aux salaires (« indice-mixte ») tous les deux ans.
  • Comme les biens de première nécessité bénéficient d’un taux plus bas et que les ménages des classes moyenne et modeste consacrent une plus grande part de leur revenu à ces biens, cela corrige l’effet inégalitaire du taux appliqué indépendamment de la capacité contributive.

Moins de charges pour les actifs dans le 2ème pilier

Un deuxième objectif de la réforme est de diminuer la charge qui pèse actuellement sur les actifs assurés du deuxième pilier. En raison de l’augmentation de la longévité, les actifs doivent aujourd’hui payer 3 milliards de francs par année non pas pour assurer leurs futures rentes, mais pour payer celles des retraités. PV2020 diminuera cette contribution de presque la moitié (à 1,7 milliard). Et, sans PV 2020, la facture annuelle des actifs s’alourdira de 700 millions de francs d’ici à 2030.

Renforcer les prestations au bon endroit

PV 2020 prévoit d’augmenter les rentes AVS de 840.-Fr. par an et d’augmenter les rentes de couple (155% au lieu de 150% de la rente individuelle maximale). Pour de nombreux-seues, retraité-e-s, en particulier les plus modeste, ce sera un vrai plus à la fin du mois. Ce n’est pas un « arrosoir », car, d’une part, pour toucher les mêmes sommes, les retraités modestes auront beaucoup moins cotisé que les personnes aisées. Et d’autre part, les rentes AVS étant imposées, les retraités très aisés verront jusqu’à la moitié de l’augmentation de rentes repartir en impôt.

Contrairement à ce qu’a prétendu l’extrême-gauche, les personnes qui ont travaillé à temps partiel bénéficieront aussi de cette augmentation, pour autant qu’elles aient une rente complète en ayant cotisé tout au long de leur carrière professionnelle, le cas échéant grâce aux « bonifications éducatives ».

En outre, PV2020 améliore nettement la situation des chômeurs âgés. Ces derniers ne seront plus obligés d’épuiser leur avoir de prévoyance pour toucher l’aide sociale, ce qui leur évitera de devoir diminuer leurs futures rentes LPP.

Enfin, la retraite flexible sera facilitée pour les bas et moyens revenus. Ce dernier point montre que les idées défendues par la gauche et les syndicats (initiative « AVS+ », initiative pour la retraite flexible) ont été en partie reprises dans la réforme, même si nos revendications, qui avaient été rejetées en votation populaire, n’ont pas pu être acceptées dans leur totalité.

Il convient en dernier lieu de rappeler que la plupart des attaques brutales que voulaient le projet initial du Conseil fédéral et la droite du parlement (suppression des rentes de veuve, hausse automatique de l’âge de la retraite, baisse automatique des rentes, baisse de la contribution de la Confédération à l’AVS), ont toutes pu être écartées lors des débats au Parlement. Mais ces propositions donnent un avant-goût de ce à quoi ressemblerait une réforme des retraites dictées non pas par le PS et le centre, mais par le PLR et l’UDC, s’ils remportent la votation de septembre…

Renforcer l’AVS au détriment de la prévoyance individuelle : une défaite historique des ultralibéraux.

Au tournant des années 2000, les ultralibéraux étaient à l’offensive en Suisse. Leur programme de démantèlement de l’Etat social passait par un affaiblissement de l’AVS au profit de la prévoyance individuelle privée. Cela aurait permis aux assureurs privés de faire main basse sur un magot à gérer de plus de 40 milliards de francs, lequel ne génère actuellement aucun dividende pour leurs actionnaires (puisqu’il est géré par l’Etat). Cela aurait aussi permis de tondre encore plus efficacement les assurés, car, pour générer la même rente via la prévoyance privée, il faut payer environ deux fois plus de cotisations que pour l’AVS (notamment en raison de son effet de redistribution des richesses évoqué plus haut). En renforçant l’AVS (rentes et cotisations en hausse, financement garanti) au détriment de la prévoyance privée, PV 2020 consacre la défaite totale des ultralibéraux. Ce n’est donc pas pour rien que la droite dure s’oppose si violemment à cette réforme. Et c’est aussi ce que rate l’extrême-gauche opposée à PV 2020, alors qu’elle est d’habitude si prompte à donner des leçons de théorie.

La droite a d’ailleurs tenté d’imposer ses vues au Conseil national : la position de sa majorité PLR-UDC était d’augmenter massivement les cotisations à la LPP, notamment pour les plus jeunes, sans pour autant générer de meilleures rentes. Le programme de la droite reste « cotiser plus sans toucher plus, mais le plus important est qu’un assureur se serve au passage ».

PV 2020 est un compromis. Et comme tous les compromis, il a des défauts. Mais ce projet reste un bon compromis, qui comprend quelques avancées majeures en faveur des classes modeste et moyenne, dont la gauche et les syndicats peuvent être fiers. Et, surtout, dans le contexte politique actuel de majorité absolue de la droite dure au Conseil national et de dominance des idées néolibérales, il sera impossible de faire mieux. Je voterai donc deux fois OUI et vous recommande d’en faire autant.

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