RBI : une initiative mi-coquille vide, mi-boîte de Pandore 

Contrairement à ce que prétendent bon nombre des partisans de l’initiative pour le « revenu de base inconditionnel » (RBI), qui ont malheureusement assez tendance à retrancher derrière la formule « si vous êtes contre, c’est que vous n’avez rien compris », je me suis penché très attentivement sur ce concept. Et suis parvenu à la conclusion que ce n’est pas une bonne idée. Mais, au-delà de l’idée de base qu’elle véhicule, l’initiative soumise au vote du peuple et des cantons le 5 juin prochain comporte de réels dangers, en particulier pour les assurances sociales. Et elle fait totalement fi de l’hostilité répétée (et récemment aggravée) de la majorité des chambres fédérales envers les intérêts des personnes que les initiants – je les rejoins sur ce point – souhaitent défendre.

Carte blanche pour la droite dure

L’initiative est en effet une feuille vierge. Elle ne pose que le principe du RBI. Mais ne dit pas un mot de son montant. Ni de son financement. Autant dire qu’ensuite, le Parlement fédéral pourrait en faire n’importe quoi. Les initiants donnent donc une carte blanche à la droite parlementaire pour 1. fixer un montant qui permette de vivre dignement et 2. le financer de manière juste et équitable. Or, ces derniers temps, cette même majorité de droite s’est surtout illustrée par des positions qui vont totalement à l’encontre de ces objectifs : elle a refusé d’augmenter de seulement 10% les rentes AVS (ce qui aurait porté les plus élevées d’entre-elles au niveau du RBI souhaité par les initiants) et, dans le cadre de la RIE 3 fédérale, voté des baisses fiscales massives en faveur des entreprises et de leurs actionnaires, sans la moindre mesure compensatoire pour éviter une catastrophe budgétaire dont les classes moyenne et modeste subiraient les affres. Croire que cette même majorité serait prête à donner suite à toutes les idées des initiants est tout simplement naïf. Certes, il serait toujours possible de lancer un référendum contre une loi d’application du RBI, mais je vous laisse imaginer la position peu cohérente d’initiants obligés de combattre une loi respectant la marge de manœuvre laissée par une initiative qu’ils ont voulue sans montant, ni financement.

La fin de l’AVS… et de la redistribution des richesses qui va avec

L’initiative pour le RBI comporte une autre attaque frontale contre une des œuvres sociales majeures de notre pays, tant au niveau des prestations à la population qu’à celui de la redistribution des richesses : l’AVS. S’ils tergiversent sur d’autres points, les initiants sont au moins clairs sur un : en cas de oui au RBI, il remplacera l’AVS. En effet, les rentes AVS sont toutes moins élevées que les 2’500.—Fr. dont rêvent les initiants. Mais l’AVS, ce n’est pas que des prestations. C’est aussi un mécanisme de financement absolument génial, qui permet une redistribution des richesses dont notre pays a de plus en plus besoin. Comme les cotisations ne sont pas plafonnées (au contraire des rentes), celui qui gagne des millions paie d’énormes montants à l’AVS sans pour autant que sa rente ne s’accroisse. Sur les très hauts revenus, les cotisations AVS sont donc un impôt. Un impôt que la droite rêve de supprimer ; grâce à la baisse de l’imposition sur les dividendes (lors de la RIE 2), elle a déjà réussi à créer une forte incitation pour les propriétaires d’entreprises à se verser des dividendes (non-soumis aux cotisations AVS) plutôt qu’un salaire (soumis). Autant dire que le RBI serait une sacrée aubaine pour tous les adversaires de l’AVS. Comme il ne précise rien sur le financement du RBI, le texte de l’initiative n’empêcherait pas pareil hold-up. Pis, la majorité de droite pourrait même s’appuyer sur les déclarations des initiants.

Bref, en cas de suppression de l’AVS suite à l’acceptation du RBI, nous risquerions aussi de perdre son financement et la redistribution des richesses qui va avec. Encore une bonne raison de voter NON au RBI.

18 réflexions sur « RBI : une initiative mi-coquille vide, mi-boîte de Pandore  »

  1. Pesonnellement, je souhaite également défendre l’idée de l’opportunité de pouvoir creuser cette évolution – sociétale – qui permettra également faire face à l’augmentation de la robotorisation et digitalisation dans toute l’économie. Ou qui charger de concevoir des robots (et machines) qui se syndicalisent et défendent leurs intérêts?

  2. Les types comme Schwaab auraient dû être exclus depuis longtemps du parti socialiste. Larbin des banquiers, sa place est dans un parti d’extrême-droite.

  3. M. Schwaab, comme vous le dites si bien, la droite n’a pas besoin du RBI pour démanteler l’état social. Elle n’a meme pas besoin d’elle-même pour le faire, puisque les mécanismes en vigueur ne parviennent plus à financer le système de protection social en raison de l’évolution démographique et des effets que les innovations technologiques produisent sur le marché de l’emploi.

    Le RBI permet justement de mettre en place un nouveau paradigme de distribution des richesses qui ne soit pas basé sur une soit disant « valeur travail » qui est mise à mal par l’évolution de la société et de l’économie.

    Vouloir s’accrocher à un système de protection sociale qui est en train de se décomposer, c’est faire preuve d’un manque flagrant de vision du futur, d’un manque de courage politique et meme d’un conservatisme frileux.

    Lorsque les solutions passées ou présentes ne fonctionnent plus, il est impératif d’imaginer, de proposer et de mettre en oeuvre des solutions nouvelles, simples et prometteuses.

  4. Loin de moi d’avoir envie de vous dire « vous n’avez rien compris » mais il semble que vous ayez des lacunes en matière d’histoire, … En effet lors de son acceptation par initiative en 1925 le contenu de l’initiative ne contenait pas vraiment plus d’information sur son financement que celle du RBI. Je vous invite d’ailleurs à consulter un poste que j’ai fais à ce sujet http://www.facebook.com/blaise.drayer/posts/10206124039685672 .

    Maintenant concernant votre premier point qui concerne le fait que l’on donne carte blanche à la droite, ce n’est pas vraiment vrais et vous le savez. En effet l’article 2 de l’initiative est très clair (plus clair que celui de l’AVS à sa création d’ailleur) : « Le revenu de base doit permettre à l’ensemble de la population de mener une existence digne et de participer à la vie publique. ». On ne peux pas vivre dignement avec moins de 2500.-/mois et même la droite ne pourra rien faire contre ça.

    • « il semble que vous ayez des lacunes en matière d’histoire » ressemble beaucoup à « vous n’avez rien compris », ne trouvez-vous pas?
      Quant à prétendre que la droite majoritaire du Parlement « ne pourra rien faire contre » un minimum de 2500.–, je crains que ce ne soit qu’une illusion. Il n’existe aucun moyen de forcer le Parlement a interpréter une disposition constitutionnelle d’une manière ou d’une autre. Si la droite décide que le RBI doit être fixé avec montant ridiculement bas, elle le fera, point. Les initiants (ou quelqu’un d’autre) pourront certes lancer le référendum (mais allez expliquer au peuple que vous lancez le référendum contre la mise en oeuvre d’une disposition que vous avez vous-même voulue ouverte, donc sans le moindre chiffre), mais ce référendum ne pourra aboutir qu’à un rejet du projet et pas à un nouveau montant plus élevé.

      Enfin, je ne trouve pas que 2500.-Fr. par mois soit un revenu « digne ». Mais peut-être est-ce à cause de mes lacune d’histoire.

      • J’ai une fâcheuse tendance a envoyer des pics, …

        Concernant le parlement, je suis persuadé que vous avez plus d’expérience en la matière. J’espère simplement que si le RBI devait passer la gauche, le centre et la droite légèrement à gauche arriveraient a faire pencher la balance du côté d’une solution juste pour le peuple Suisse.

        Concernant le référendum, je penses qu’il serait assez simple à faire comprendre au peuple Suisse que les parlementaires ont détournés l’idée de la loi et ensuite faire un truc horrible comme l’UDC et proposer une initiative avec un loi d’application si c’est nécessaire.

        Concernant les 2500.- Je suis 100% d’accord que pour une personne seul, habitant dans des cantons chers, la somme de 2500.- n’est surement pas suffisante pour vivre dignement. Cela dit elle sera toujours plus haute que celle de l’initiative AVS+, une rente AI pleine, le social, …

        • « la droite légèrement à gauche » n’existe pas en Suisse. Le parti radical a certes eu une aile sociale, voire légèrement sociale-démocrate, mais c’était il y a longtemps. Cela a permis de faire l’AVS, mais cet exploit ne serait pas réalisable aujourd’hui. Quant au « centre », il a non seulement toujours été au centre droit (le qualificatif de centriste n’est que le constat que le bloc appelé « centre » se situe entre l’extrême-droite et la gauche, mais ça ne le rend pas politiquement centriste pour autant). Par ailleurs, il massivement glissé vers la droite depuis le début de la législature. C’est intéressant que vous évoquiez AVS+: cette initiative porterait les rentes AVS les plus élevées au niveau de 2500.– souhaité. Or, devinez qui refuse cette augmentation pourtant modeste et finançable de 10%? Bingo, le « centre » et la droite (qui, pour le coup, a prouvé qu’elle n’est pas « légèrement à gauche »).

          • Donc si je vous suis bien, les politiciens qu’ils soient de gauche ou de droite ne réfléchissent plus, ils ne font que appliquer la ligne de leur parti. Si c’est le cas, il est temps de revoir le système, …

          • Vous ne me suivez pas bien, je n’ai rien dit de tel. J’ai simplement dit que les front se sont durcis et que les partis de centre-droit ont glissé vers la droite.

          • Je comprends bien, mais a priori un politicien peux voter à l’encontre de la ligne de son parti.

            Je suis étonné qu’il n’y aie pas passablement de PDC et de Radicaux qui ne votent pas social sans être socialistes, …

          • Effectivement, un élu peut voter comme il veut, c’est même un droit constitutionnel. Mais il faut bien se rendre compte que le centre-droit n’a pratiquement plus la moindre tendance sociale et s’est passablement « droitisé » ces dernières années, j’en veux pour preuve la nouvelle direction du PLR, plus ultralibérale que jamais. Il ne serait guère responsable de laisser à ces gens la mise en oeuvre d’un principe qui, comme le RBI, peut être récupéré à droite…

        • Je comprends et je trouve ça triste. Il me semble que les politiques ont perdus l’humanisme qu’ils avaient avant (même le paternalisme pour certains). En tout cas, j’ai la liste des gens, pro-rbi, pour lesquels je voterai lors des prochaines élections quel que soit leur parti.

  5. Cher Monsieur,
    Dommage que vous ne soyez pas en faveur du RBI.
    Les gens comme moi, multi diplômés universitaires, ne trouvent aucun emploi depuis des années, puisque le marché de l’emploi n’a pas vraiment pas besoin de personnel hautement qualifié.

  6. Bonjour,

    Le RBI est une Chance pour Tous!
    Pour le PS qui c’est battu pour des caisses sociales, le RBI est une consécration en devenant un Droit.
    Les caisses actuelle peuvent être déchargé des besoins de base des Personnes, arrêter de précariser des personnes en attente et de refuser des aides pour des raisons d’un fonctionnement basé sur l’assurance.
    Les Caisses et votre luttent peut se réorganiser, pour se concentrer dans les prestations complémentaire qui sont lié au inaptitudes, soins particuliers, accident, prévoyance ,…..
    Les Femmes discriminé par le monde du travail et par les caisses pour leur chance à donner la Vie …. serai enfin mieux récompensé pour leur travail envers la société, une chance pour Elle a voir plus de facilité à concilier Etudes, Activités Familiale et Travail .
    Une chance pour la Masse salariale qui serai déchargé des besoins de base de 40% de populations et qui va encore s’agrandir….. c’est à l’ensemble de l’économie de prendre cette charge ( une taxe sur les transactions financière est une belle réponse au travail qui échappe dans l’importation par internet, Juste également se n’ai pas les moins aisé qui font le plus circuler l’argent)
    Une chance pour l’industrie, maintien de la consommation et Incitation à entreprendre sans le risque de mettre tout une famille sur la paille.
    Voter Oui est une chance pour que vous puisez débattre aux Parlements sur les réponses à donner aux défis de l’automatisation, de la vieillesse et des fortunes créé sans travail.
    Quel chance de Pouvoir remettre un Sens aux Activités Non rémunéré et au travail Essentiel à la réalisations de Ses Projets …( plus pour simplement vivoter et nouer les 2 bouts).
    Salutations
    Un Electeur udc/plr stupéfait par le manque d’implication des politiques pour les Défis futurs et un tout va bien en devant faire des réformes aux caisses genre bricolage aux détriments des citoyens et surtout des travailleurs.

  7. Bonjour,

    Je ne souhaite pas entrer dans le détail de votre argumentaire, qui tient la route mais néglige selon moi l’aspect « naïf », utopique du RBI, et sa principale vertu dont vous faites vous aussi la démonstration: amener à discuter de ces questions (et aussi du lien entre travail et revenu), à un niveau et avec une qualité que je n’ai que rarement vu en Suisse.
    Non, je souhaite seulement faire part de ma grande surprise de vous découvrir membre du « Comité NON au revenu de base inconditionnel « , aux côtés de personnes très très à droite – celle que vous fustigez dans cet article… – et à défendre des arguments pour le moins différents de ceux exposés ci-dessous…
    J’aurais préférer que vous meniez une opposition « de gauche » à ce projet, qui doit être critiqué. Dommage…

    • Il me semble que je mène une opposition parfaitement « de gauche » à moins que vous ne trouviez pas « de gauche mes arguments dans les divers textes que j’ai écrit sur le sujet. Par ailleurs, même si ce n’est pas toujours très agréable, j’en conviens, c’est assez fréquent que l’on doive mener campagne avec des gens d’autres partis dont on ne partage par ailleurs par les vues. Pour les prochaines votations, c’est le cas pour l’initiative prétendument « en faveur » du service public (aussi combattue à droite), pour le diagnostique préimplantatoire et pour la loi sur l’asile (que la droite non-UDC soutient aussi).

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