Protéger les salariés âgés : pour le droit de finir dignement sa carrière

Il est paradoxal qu’en Suisse, un pays à l’économie florissante, l’une des principales craintes de la population soit le chômage. Cette crainte témoigne notamment de l’attachement des Suisses et des Suissesses au travail. Il ne s’agit pas uniquement de la volonté d’assurer sa subsistance et celle de sa famille mais aussi de contribuer, dans la mesure de ses moyens, à la prospérité du pays.

Mais cette crainte, notamment par sa constance, montre surtout que le chômage n’est pas vu comme un mal passager dont il est facile de rebondir. C’est celle d’un chômage durable, qui entraîne une perte d’indépendance financière, voire de statut social. Elle est symptomatique des interrogations de la classe moyenne, qui voit sa situation se dégrader cependant qu’une minorité aisée capte une part importante des fruits de la croissance économique. De plus en plus de chômeurs ne parviennent plus à se réinsérer dans leur branche à l’issue de leur délai-cadre et doivent donc se contenter d’un emploi moins qualifié, moins bien payé, qui ne correspond que peu, voire pas à leurs qualifications et à leur formation, quand ils ne doivent pas carrément renoncer au « premier marché du travail » et s’annoncer à l’aide sociale. Pour ces salariés, cette période sans emploi n’est pas qu’un accroc facile à surmonter, mais signifie l’abandon d’une carrière.

Mauvaises perspectives pour les plus âgés

Certes, la plupart des chômeurs parviennent à se réinsérer et à retrouver la même satisfaction au travail ou le même revenu, mais tous redoutent que la perte d’emploi les contraigne à un reclassement professionnel. Ces craintes sont renforcées par une assurance-chômage qui ne permet guère de véritable reconversion et qui pousse à accepter le premier emploi jugé « convenable », même s’il ne correspond pas vraiment aux aspirations personnelles. En outre, le seuil du « convenable » diminue au fil de la période de chômage.

Ces craintes sont particulièrement vives chez les salariés de plus de 50 ans, qui savent que leurs chances de retrouver un emploi sont mauvaises, même s’ils sont qualifiés et motivés. Ils devront dans bien des cas terminer leur vie active avec des « petits boulots », souvent précaires, souvent sans rapport avec la formation et l’expérience acquise. Cette diminution de revenu sera durable, car leur deuxième pilier sera moins bien fourni et une retraite anticipée contrainte leur coûtera cher. Quant aux moins chanceux qui devront faire appel à l’aide sociale, ils devront d’abord épuiser les réserves de leur deuxième pilier, liquider leurs économies et éventuellement vendre leur maison ou leur appartement. Ce n’est certainement pas ainsi que l’on envisage la fin de sa carrière !

Ce que les responsables politiques peuvent faire

Que peut faire la politique pour garantir à tous les salariés une carrière digne, en particulier sur la fin ? Il faut d’une part renforcer l’employabilité tout au long de la carrière. La formation continue et les possibilités de reconversion doivent être garanties pour tous les salariés, indépendamment de l’âge, de la fonction ou de l’employeur.

Pour ce faire, l’assurance-chômage doit intervenir et s’inspirer du modèle danois, qui permet une véritable reconversion, quitte à indemniser sur une longue durée les assurés qui entament une nouvelle formation. Cela pourrait également constituer une solution à la pénurie de main d’œuvre qualifiée.

En outre, les assurances sociales doivent mieux couvrir le risque de ne pas retrouver d’emploi en raison de l’âge. Il conviendrait, par exemple, de généraliser les rentes-ponts qui permettent aux salariés plus âgés de terminer dignement leur carrière sans passer par l’aide sociale. Ce système fait déjà ses preuves dans le canton de Vaud. Il faudrait également réviser le financement du deuxième pilier pour éviter qu’il faille compter principalement sur ses dernières années actives pour se constituer un avoir de prévoyance suffisant.

Enfin, les employeurs doivent également faire preuve de responsabilité sociale envers leurs salariés âgés. Si les licenciements sans motif impérieux devaient augmenter, une protection légale contre le licenciement au-delà de 50 ans s’imposerait.

 

Texte paru dans « Quelques orientations pour la Suisse – Regards sur l’avenir politique du pays avec le Baromètre des préoccupations du Credit Suisse »

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