« Inflation législative » : ceux qui s’en plaignent sont ceux qui la créent

UBS vient de rejoindre avenir.suisse dans son offensive contre la démocratie et le Parlement. Déplorant l’« inflation législative », la grande banque et la boîte-à-idée ultralibérale proposent de soumettre les lois votées par le Parlement à un « contrôle qualité », piloté par des « experts », ainsi qu’un « frein à la législation » (sur le modèle du frein à l’endettement). Le tout s’inscrit dans la croisade menée par le PLR et l’USAM contre la « bureaucratie », qui cache surtout une aversion viscérale contre les règles d’intérêt public protégeant entre autres les travailleurs, la santé ou l’environnement.

Ces attaques contre le travail des parlementaires témoignent d’un profond mépris pour les institutions démocratiques, dont il faut bien avouer qu’elle travaillent moins vite, contrôlent plus étroitement l’exécutif et prennent des décisions moins favorables aux grandes entreprises que la plupart des dictatures et autres régimes autoritaires. Mais elles montrent aussi la méconnaissance qu’ont leurs auteurs du travail parlementaire. Qui, s’ils s’y intéressaient un peu, constateraient que « l’inflation législative » et les « lois bureaucratiques » sont surtout le fait… des élus de droite proches des grandes entreprises ou d’avenir.suisse (voire des deux).

Deux exemples d’inflation législative causés par la droite

La récente adoption des normes du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment d’argent a produit deux exemples éloquents de ce double discours. Le GAFI exigeait (à raison) que notre pays 1. permette l’identification des ayant-droit économiques des sociétés avec action au porteur et 2. évite que le paiement de très grosses sommes en espèces n’encourage le blanchiment d’argent. Deux solutions simples auraient pu régler la question en deux coups de cuillère à pot : 1. supprimer les actions au porteur (comme le proposait naguère un certain M. Blocher) et 2. interdire les paiement en espèce de plus de 100’000.—Fr. Pour mettre en œuvre ces propositions, il aurait fallu dans un cas alléger le code des obligations (donc diminuer le volume des textes légaux comme le souhaitent UBS et avenir.suisse) et, dans l’autre, une seule ligne de texte législatif aurait suffit.

Mais voilà, sur fond de « respect de la liberté économique », la droite a préféré imposer des demi-mesures extrêmement compliquées. En ce qui concerne les ayant-droit économiques, l’action au porteur est conservée, mais les sociétés concernées doivent engager régulièrement une procédure compliquée pour les identifier et le cas échéant les priver de leurs droits sociaux (nouveaux art. 697i, 697j, 697k, 697l, 697m, 704a, 718, 747, 790, 790a, 814, 837, 898 CO ainsi que 3 articles aux dispositions transitoires). Quant au paiement en espèces, les négociants qui souhaitent en accepter régulièrement pour des montants importants doivent soit faire appel à un intermédiaire financier, soit appliquer eux-mêmes une longue procédure de diligence (nouveaux art. 2, 4, 6, 8a, 15 et 38 LBA), procédure dont il faudra bien entendu contrôler le respect. Durant les débats parlementaires, la complexité de ces deux « solutions » a été évoquée, déplorée, mais la droite a préféré la voie de la bureaucratie inutile à des règles plus simples et plus efficaces. Comprenne qui pourra.

Attention aux nouveaux accords de libre-échange !

Les tentatives de limiter la marge de manœuvre des parlementaires en les faisant cornaquer par des « experts » pourraient s’aggraver en cas d’adoption des nouveaux accords de libre-échange comme le « traité transatlantique » TTIP. Le projet d’accord prévoit en effet de contraindre les Etats à une coopération législative (regulatory cooperation) avec les entreprises privées. Ce mécanisme a pour objectis de permettre à des cénacles d’experts non élus et sans la moindre légitimité de modifier un projet de loi qui ne serait pas compatible avec les intérêts économiques des entreprises. Cette expertocratie pourrait même être dotée du pouvoir de stopper les projets de lois qui n’auraient pas l’heur de plaire aux multinationales, non pas par référendum comme en Suisse, mais avant ou pendant la procédure parlementaire (bien entendu sans décision desdits parlementaires). Ces entreprises pourraient par ailleurs attaquer les lois qui ne leur conviennent pas non pas devant des tribunaux ordinaires, mais devant des tribunaux arbitraux secrets et sans voie de recours, par exemple au prétexte que l’« environnement législatif » aurait changé, par exemple suite à… des élections suivies d’un changement de gouvernement. L’objectif de ces procédures appelées « règlement des différends entre Etats et investisseurs (Investor State Dispute Settelment, ISDS), a pour objectif le retrait des législations litigieuses… ou le paiement régulier de centaines de millions de francs de dommages-intérêts (quelques exemples…).

Le combat pour défendre la démocratie et ses institutions va donc devoir s’intensifier !

2 réflexions sur « « Inflation législative » : ceux qui s’en plaignent sont ceux qui la créent »

  1. Ping : La lutte du PLR contre la sur-réglementation : anti-démocratique… et bureaucratique ! | Jean Christophe Schwaab

  2. Pour ces raisons, les liberaux s’opposent a cette inflation legislative et proposent des solutions qui simplifient la vie de tous. Ainsi, certains liberaux demandent la suppression des niches fiscales et la lutte contre la creativite fiscale pour mettre en avant des solutions simples comme le salaire complet ou la flat tax .

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