Des mesures efficaces contre les salaires abusifs

Alors que les mauvaises prévisions conjoncturelles s’accumulent, la pratique des salaires indécents ne semble pas trouver de fin. Une poignée de grands managers continue de se servir des salaires si élevés qu’un citoyen normal n’aurait pas assez de toute une vie pour les dépenser. Comme si ces montants qui dépassent l’entendement ne suffisaient pas, ces mêmes grands managers peuvent encore compter, pour leur départ, sur des «parachutes dorés», qu’ils quittent un fleuron en plein essor ou une épave au bord du gouffre.

Déjà choquantes en soi, ces pratiques sont nuisibles à notre économie. Souvent liées à des objectifs à court terme, elles incitent à la prise de risques inconsidérés… qui mènent à des milliards de pertes. Souvent liées à des objectifs de rendement déraisonnables, elles poussent à restructurer des entreprises pourtant rentables, sacrifiant emplois et savoir-faire industriel sur l’autel du profit. Les nombreux cas de licenciements «boursiers» ou de traders fous causant des pertes colossales (notamment à UBS) témoignent de cette inquiétante évolution.

Enfin, les rémunérations abusives contribuent à creuser l’écart entre les salaires et donc à ce que les personnes fortunées voient leur revenu disponible (après impôts) croître année après année, pendant que les classes moyenne et modeste se serrent la ceinture.

L’initiative de M. Minder «contre les rémunération abusives» est une excellente réponse à ces dérives choquantes. Elle n’est certes pas la seule – il y a aussi l’initiative «1:12» des jeunes socialistes – mais elle n’en contient pas moins des instruments efficaces pour limiter la cupidité de quelques managers: interdiction des parachutes dorés et des primes de bienvenue, interdiction des mandats de complaisance, vote des actionnaires sur les salaires de la direction, du conseil d’administration et du comité consultatif, obligation pour les caisses de pension de voter dans l’intérêt de leurs assurés et non pas selon les vœux de la direction, sanctions pénales en cas de non-respect de ces règles. Cet arsenal, qui ne s’applique qu’aux entreprises cotées en bourse, renforce le pouvoir décisionnel de leurs vrais propriétaires, c’est-à-dire les actionnaires. En effet, ces derniers sont souvent considérés comme la cinquième roue du carrosse par des directions et des conseils d’administration qui préfèrent se servir des rémunérations énormes plutôt que de leur distribuer tous les bénéfices.

Le parlement a certes opposé un contre-projet indirect à l’initiative de M. Minder. Il est de bonne facture et les socialistes y ont grandement contribué. Malheureusement, il ne va pas assez loin: sur de nombreux points essentiels, là où l’initiative apporte une solution claire, le contre-projet indirect tempère à coup de «en principe» ou de «sauf exceptions» (voir la comparaison initiative / contre-projet indirect), qui laissent libre cours aux salaires abusifs. Il faut donc voter oui à une initiative plus précise, par conséquent plus efficace.

 

Texte paru dans « 24 heures »

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