Comment Bourg-en-Lavaux s’est fait imposer une taxe-poubelle mal ficelée

Quatre des cinq communes n’en avaient pas voulu, l’avaient dit clairement dans les urnes, la majorité verts-droite du grand conseil l’a imposée: la taxe-poubelle. Fort heureusement, le projet voté par le parlement cantonal prévoyait de laisser une certaine autonomie aux communes. Il leur laisse par exemple le soin de prévoir des mesures d’accompagnement pour compenser les effets nécessairement anti-sociaux d’une taxe et n’oblige en rien à ce que la taxe soit forfaitaire, quoi qu’en pense la municipalité de Bourg-en-Lavaux (voir plus bas). Il est donc tout à fait possible d’introduire une taxe en fonction du volume des déchets comme l’exige la législation fédérale en réduisant au maximum ses effets néfastes pour les familles et les retraités, en particulier de la classe moyenne. Certaines communes l’ont fait et se sont montrées particulièrement innovantes.

Malheureusement, à Bourg-en-Lavaux, rien de tout cela: la taxe servira à financer des tâches dont le financement peut, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, être effectué par l’impôt (ce qui est plus social qu’une taxe), la partie forfaitaire de la taxe est importante et frappera durement la classe moyenne et, pour les mesures d’accompagnement, à part un peu de compassion pour les moins bien lotis, il faudra repasser. Quant à l’autonomie communale, elle a été oubliée pendant tout le débat, la municipalité ayant, comme on le verra plus loin, même recommandé au conseil de ne pas trop s’écarter du règlement-type proposé par le canton afin de se simplifier la tâche.

Les objectifs de la fusion oubliés?

Un des buts de la fusion était de supprimer les divers organes intercommunaux, qui sont souvent opaques, difficile à contrôler par les législatifs (et encore moins par les citoyens) et qui, surtout, limitent l’autonomie communale, car les communes n’ont en général pas d’autre choix que d’appliquer à la lettre leurs décisions. Pour Bourg-en-Lavaux, ça a été, en tout jusqu’ici, une réussite: de nombreuses tâches publiques qui étaient déléguées à des commissions intercommunales sont repassées sous le contrôle du conseil communal.

Malheureusement, la mise en vigueur de la taxe poubelle a jeté ces belles promesses aux orties, étant donné que Bourg-en-Lavaux a choisi d’appliquer un concept régional pour la taxe au sac. Et, pour pouvoir appliquer ce modèle intercommunal, elle n’y peut rien changer. Pourtant, ce modèle contient des points essentiels, comme le prix du sac. Lors des débats au conseil, la municipalité a, à plusieurs reprise, refusé de modifier quoi que ce soit à son projet, arguant que cela serait impossible en raison du modèle intercommunal choisi. Certes, ce dernier n’est pas sans avantages, notamment au niveau de la simplicité d’application, mais il n’en demeure pas moins un paquet à prendre ou à laisser qui restreint la marge de manœuvre des élus. Bref, en faisant le choix de l’intercommunalité, Bourg-en-Lavaux sacrifie une partie de son autonomie.

L’autonomie communale, une belle théorie

Il faut dire que l’autonomie communale, pourtant si importante aux yeux de nombreux élus communaux, a été plutôt considérée comme une entrave lors des débats. Ainsi, le municipal responsable a, à maintes reprises, demandé au conseil communal de ne pas trop s’écarter du règlement-type proposé par le canton, pour éviter que le contrôle cantonal ne soit trop compliqué. En clair: pour faciliter la tâche du canton, on renoncer à modifier ce qui n’est pourtant qu’un exemple de règlement. Or, le projet du grand conseil a très clairement voulu donner une autonomie aux communes et certaines d’entre-elles en ont fait largement usage. Il est dommage qu’une commune importante comme Bourg-en-Lavaux s’efface devant les propositions du canton, non pas par obligation, mais «pour simplifier». Il y en a qui n’ont pas compris que l’autonomie communale ne s’use que quand on ne s’en sert pas.

Les mesures d’accompagnement sont réservées aux personnes en difficultés

La nouvelle loi cantonale oblige les communes à prévoir des mesures d’accompagnement sociales, en particuliers pour les familles. Or, ces mesures vont bien au delà de simples mesures d’aide sociale. Il doit s’agir de mesures en faveur de la classe moyenne, afin d’atténuer les nouvelles charges qui pèseront sur son budget. Elles doivent être destinées avant tout aux familles, car celles-ci n’ont pas d’autre choix que de produire plus de déchets que les personnes seules ou les couples sans enfants. De nombreuses communes ont doc mis en place des systèmes innovants, p. ex. la redistribution d’une partie de la taxe par le biais de bons dépensables dans les commerces locaux.

Malheureusement, Bourg-en-Lavaux se contentera de mesures strictement réservées au plus démunis, c’est-à-dire les personnes au bénéfice de l’aide sociale ou des prestations complémentaires. Pour la classe moyenne, qui paie des impôts et n’a droit à aucune subvention, c’est le plein tarif. Heureusement, mon amendement demandant que tout ménage justifiant l’usage de couches aura droit à des sacs gratuites a été accepté, alors que la municipalité prévoyait de n’en accorder qu’aux ménages avec petits enfants.

La seule autre mesure évoquée pour l’instant est une «information sur le tri», comme s’il suffisait d’informer pour réduire le volume des déchets (dû avant tout au suremballage par les grandes surfaces). Les familles qui, aujourd’hui déjà, trient au maximum de ce qui est possible (c’est la majorité), seront pénalisée par une taxe, dont la partie forfaitaire n’incite en plus pas à trier quoi que ce soit, vu qu’elle sera indépendante du volume des déchets!

… et la classe moyenne n’a qu’à payer plein pot.

La classe moyenne devra donc payer sur tous les tableaux, en particulier la taxe forfaitaire. Cette dernière est non seulement antisociale, étant donné qu’elle ne dépend ni du revenu, ni de la fortune), mais elle n’a en outre aucun impact sur le tri des déchets, étant donné qu’on la paie de toute façon, indépendamment du volume des déchets. La commune aurait eu tout loisir de renoncer à cette taxe, car la législation cantonale (art 30a de la loi cantonale sur la gestion des déchets) ne prévoit l’obligation que de financer au minimum 40% du coût d’élimination des déchets par une taxe non pas forfaitaire, mais proportionnelle au volume de déchet produits (donc, une taxe au sac ou au poids). Or, la municipalité, qui n’avait probablement pas lu la loi cantonale avec beaucoup d’attention, a été jusqu’à prétendre que la taxe forfaitaire est obligatoire. Ce qui est faux. Si la classe moyenne paie plein pot, c’est donc aussi parce que la municipalité n’a pas lu la loi jusqu’au bout. Navrant.

Chiffre fiables, dépenses précises: euh….

Un dernier point montre à quel point la municipalité a mal ficelé son affaire: le calcul de la part de l’élimination des déchets pouvant être financé par l’impôt. Selon la jurisprudence du tribunal fédéral, une part allant jusqu’à 30% du coût d’élimination des déchets peut être financée non pas par une taxe, mais pas l’impôt. Il s’agit des déchets spéciaux ou des déchets de voirie. Dans son préavis, la municipalité n’a tout simplement pas tenu compte de cette importante marge de manœuvre, qui aurait pourtant pu réduire la facture de la classe moyenne. Selon la commission ad-hoc, elle a même comptabilisé dans les frais à couvrir par la taxe poubelle des frais qui n’ont rien à y faire. Quant à la commission des finances, elle n’a pas mené d’analyse plus poussée (ce qu’elle admet dans son rapport en disant: «Cette question peut rester ouverte.»). La commission ad-hoc, qui avait, elle, fait son boulot, estimait que 10% des frais de gestion des déchets pouvaient être financés par l’impôt et proposait logiquement une baisse de la taxe forfaitaire. Cette solution aurait été plus sociale et aurait moins reporté de charges sur la classe moyenne, mais le conseil s’y est malheureusement opposé, suivant l’avis de la commission des finances et de la municipalité, lesquelles n’avaient pourtant pas étudié la question.

Bref, à cause d’un dossier assez mal ficelé et malgré près de 3 heures de débat, les habitants de Bourg-en-Lavaux fêteront la nouvelle année avec environ un million de francs de taxes supplémentaires.

13 réflexions sur « Comment Bourg-en-Lavaux s’est fait imposer une taxe-poubelle mal ficelée »

  1. Intéressant de lire « la majorité verts-droite »….. Comme d’habitude, les autres sont toujours responsables et le PS n’est jamais dans la majorité, puisque vous « groupez » les partis pour les dénoncer. Cela me rappelle un peu le PDC, qui exige un 2ème siège au CF en arguant que le centre y a droit, en cumulant les voix PDC-BPD-VL etc. Sottise.

    • Contestez-vous le fait qu’une majorité parlementaire, composée des verts et de la droite, ait imposé aux vaudois une taxe-poubelle qu’ils avaient refusé par référendum? Contestez vous le fait que, sur ce dossier, le PS ait été minorisé?

  2. Quel long discours pour des sacs poubelle…si la taxe poubelle et le sac à 2 CHF / 35 l étaient effectivement aussi anti-sociaux, comment se fait-il que dans le reste du pays, personne (y compris le PS) n’attache la moindre importance à ce sujet ? Peut-être parce qu’en réalité, ça ne ruine personne (ce qui explique aussi pourquoi l’impact sur le tri des déchets reste modeste). Ceci dit, la taxe poubelle n’est en principe pas une taxe incitative: il s’agit simplement de payer pour une prestation – l’élimination des déchêts que chaque individu produit.

    • Cher Reto, le problème n’est pas tant le prix du sac (qui reste effectivement modeste, je te l’accorde) que le principe: on passe d’un financement par l’impôt, donc qui tient compte de la capacité contributive, à un financement par taxe qui n’en tient pas compte, avec pour résultat qu’à production de déchet égale, un ménage pauvre paie le même prix qu’un ménage riche. Conséquence: le ménage le moins riche consacre une part plus importante de son revenu au financement d’une tâche publique.

      Il est vrai que le financement par l’impôt entre en concurrence avec la volonté du législateur fédéral d’inciter les gens à trier leurs déchets (une bonne idée), ce qu’on peut faire le plus efficacement avec une taxe au sac ou au poid (même si, tu as raison, ça ne marche pas aussi bien qu’on pourrait l’attendre). Or, tu l’auras constaté, ma critique se dirige avant tout sur la taxe forfaitaire, qui a l’effet antisocial sans inciter au tri. Si l’objectif est d’inciter au tri, alors il ne faut qu’une taxe au sac. S’il faut financer une partie de l’élimination des déchets par un financement indépendant de leur volume, alors il vaut mieux que cela passe par l’impôt que par une taxe forfaitaire.

      • La production de déchets corrélant avec le pouvoir d’achat, le ménage moins riche produit moins de déchets et consomme donc moins de sacs (pour un nombre d’individu identique dans le ménage, bien entendu).

        A propos d’impôts, de combien baisseront-ils maintenant qu’une partie des prestations est couverte par la taxe poubelle ?

        • Je crains que la croissance du revenu ne corrèle pas complètement avec la création de déchet. Peut-être est-ce corrélé au début, mais, comme pour la consommation, je pense que la courbe finit par se tasser.
          Et malheureusement, les impôts ne baisseront finalement pas suite à l’intrductoin de la taxe, la municipalité ayant changé d’avis (et elle a été suivie par le conseil…)…

  3. Bonjour, Pour la taxe sur les sacs, par les temps qui courent, on ne peut pas y échapper. Elle a une logique. Celui qui veut payer peu, essaiera d’avoir le moins de déchets possible; celui qui n’en a rien à faire, paye! Par contre, je propose que les conseillers communaux pas d’accord avec la taxe forfaitaire hautement anti-sociale lance un référendum ou une manifestation contre dans la commune de Bourg-en-Lavaux. Il est purement et simplement inadmissible qu’un ménage de deux ou trois personnes vivant en locatif dans un appartement de moins de 100 m2 paient la même taxe qu’un même ménage habitant une propriété avec jardin etc. C’est révoltant. De plus, je rappelle, comme ancienne habitante de Grandvaux, que cette dernière ne tenait même compte des dates d’entée ou des naissances pour facturer sa taxe. Le bébé pas né payait déjà; effectivement, il y a bien des déchets qui passent dans le ventre de la mère ! Je suis profondément offusquée de voir que les conseillers des autres communes ont suivi ceux de Grandvaux. Je reste à disposition pour un soulèvement !

  4. Aie aie aie… Encore une fois, la responsabilité individuelle est mise au placard… Les personnes aisées doivent financer les déchets des autres citoyens. Les déchets font partie des problèmes à régler absolument dans les années à venir et ce pour tout le monde! Il ne faut absolument pas financer l’élimination des déchets des co-citoyens! Plutot forcer une baisse du volume des emballages a la source! Mais bien sur, en tant que socialiste, vous préférez niveler par le bas…

    Vous créez des sociétés d’assistés, qui ne sont bons qu’à recevoir les resistributions de l’état.

    On en est pas encore la en Suisse mais le problème c’est que votre modèle est calqué sur le parti socialiste français.

    Je ne vous remercie pas de couler ce pays

    • Il n’est pas question de couler un pays; peut-être me suis-je mal expliquée. C’est de responsabiliser chacun et cela ne se fait pas en introduisant une taxe unique. Le sac à poubelle majoré est un excellent principe en tenant compte de catégorie de personnes fortement modeste. Une taxe telle qu’introduite à Bourg-en-Lavaux n’a pas la même répercussion sur un budget familial. Pour certaine famille, ce sera un BV de plus dans le paquet et pour d’autres une privation de peut-être quelque chose d’important à la famille. Celle qui va se priver n’a pas de pouvoir d’achat, donc en toute logique, moins de déchets. Pour exemple, une famille modeste vivra dans un petit appartement et n’aura pas de budget invitation pour des « bouffes » (pas de déchets) alors que celle ayant son chez-soi pourra inviter le monde qu’elle veut et de plus sans générer de bruit aux voisins de palier n’en ayant pas; par contre les déchets le lendemain ! A partir de ce regard, vous serez obligé de reconnaître que c’est les ménages modestes qui entretiendront les finances d’élimination des déchets. Jardin ou pas de jardins, c’est la même chose. Je n’ai rien après la facilité, mais je souhaite le principe du pollueur-payeur et d’un enseignement aux soucis écologiques de notre Terre-Mère et non pas au porte-monnaie d’une commune !

  5. la fusion était déjà une dictature la taxe poubelle en est une autre
    le citoyen ce fait avoir et ce n’est probablement qu’un début
    un moyen facile de faire du fric ??
    Salutations D.Duboux

    • Effectivement, sur ce coup-là, le citoyen se fait totalement avoir… Mais peut-être est-ce aller un peu loin que de dire que la fusion est « une dictature »: elle a été largement acceptée par le peuple et je suis toujours d’avis que les avantages l’emportent. D’ailleurs, les communes auraient dû de toute façon se mettre à la taxe-poubelle, fusion ou pas, vu que c’est une obligation du canton.

  6. Bravo, je viens de découvrir ce texte et il me fait particulièrement plaisir car j’arrive exactement aux même conclusions que vous en ce qui concerne la taxe au sac et les fusions de communes!

    Les miennes se trouvent ici: http://www.lessujetsquifachent.ch

    Que c’est difficile de faire admettre à un mainstream d’élus majoritaires qu’ils ont introduit un système injuste! Ce n’est pourtant pas honteux d’admettre qu’on a été un peu vite et qu’on a fait quelques erreurs en cours de route. Je dirais même, qu’à plus forte raison, je donnerais ma voix à cet élu-là, car c’est une preuve de maturité et d’honnêteté de le reconnaître et de prendre des mesures de correction.
    Mais voilà, il y a l’ego et la puissance des lobbies…

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