Politique monétaire et coups d’épées dans l’eau

La BNS a enfin agit pour contrer la surévaluation du Franc. Il était temps, car la menace sur les emplois et les salaires commençait à se faire pressante: nombre d’entreprises ont tenté d’augmenter le temps de travail sans compensation de salaire (p. ex. Lonza), de payer le salaire de toute ou partie de leur personnel en Euros (p. ex. Von Roll Infratec) – même si c’est illégal, quand elles n’ont pas carrément procédé à des licenciements collectifs (p.ex. Sanofi-Aventis). Et les signaux d’alarme raisonnent de plus en plus fort, notamment du côté des secteurs exportateurs ou du tourisme. La spéculation sur le Franc menaçant à terme plusieurs dizaines de milliers d’emplois.

Il n’a y semble-t-il que le Conseil fédéral à ne pas s’inquiéter de la situation, étant donné qu’il compte ne rien faire du tout. Et laisser la situation se dégrader encore, en regardant, la larme à l’œil pourquoi pas! les emplois disparaître. Les partis bourgeois ont faits quelques propositions, mais qui s’apparentent plutôt à de grands coups d’épées dans l’eau. D’une part, parce que ces propositions sont aussi anciennes qu’aléatoires, voire inefficaces. Mais surtout, parce qu’elles n’auraient aucun effet sur le cours du Franc. Coups d’épée dans l’eau, elles sont donc aussi pistolet à un seul coup.

Vielles recettes… sans garanties

La droite ressort en effet ses vielles recettes pour soit disant «améliorer la compétitivité des entreprises»: flexibiliser les conditions de travail, baisser les impôts, limiter la «bureaucratie». Or, le succès de ces mesures relève du mythe idéologique, étant donné qu’aucun lien ne peut être fait entre croissance, chômage, charge fiscale et régulation du marché du travail. Ainsi, le pays de l’OCDE dont le droit du travail est le plus libéral, les USA, se coltine un taux de chômage trois fois supérieur au nôtre et d’autres pays comme les Pays-Bas, qui ont, par exemple, un salaire minimum légal, ont un taux de chômage similaire, voire plus bas qu’en Suisse.

Il faut des mesures de politique monétaire

Mais surtout, aucune de ces mesures n’aura le moindre effet sur la force du Franc. Même en admettant qu’elles permettent de sauver des emplois maintenant, le pistolet aurait tiré son seul coup et, lors de la prochaine envolée du Franc, elles n’auraient plus le moindre impact et des emplois seraient, au final, quand même perdus.

Il faut donc agir sur la monnaie elle-même et pas se contenter de pareils emplâtres sur jambes de bois. Contrairement à ce que prétendent des milieux patronaux et partis bourgeois étonnement fatalistes, la BNS peut, et doit faire plus. Elle pourrait notamment se fixer un objectif de cours, politique qui a réussi au Danemark ou en servant des intérêts négatifs, ce qui a fait ses preuves dans les années 1970. Mais la BNS n’est pas la seule à détenir les clefs de la politique monétaire. Les autorités politiques peuvent, et doivent, intervenir sur le Franc, par exemple en taxant la spéculation financière ou en mettant sur pieds un fonds d’investissements publics dans la zones Euro.

8 réflexions sur « Politique monétaire et coups d’épées dans l’eau »

  1. Mais quel populisme! Les 3/4 du commentaire sont consacrés à la critique de la BNS, de la droite et des autres partis…

    Et si la BNS n’avait pas, à l’époque, vendu son or, peut-être aurait-elle maintenant une plus grande marge de manoeuvre?

    Pouvez-vous également me dire en quoi augmenter le temps de travail est illégal?

    • « Pouvez-vous également me dire en quoi augmenter le temps de travail est illégal? » La fluctuation de la monnaie fait partie du risque économique qui doit être supporté par l’employeur (art. 324 CO). Baisser les salaires (ou augmenter le temps de travail sans compensation, ce qui revient au même), les lier au cours de l’Euro ou les verser en Euro revient à reporter le risque économique sur les travailleurs, ce qui est illégal. Pour plus de détails, vous pourrez consulter un article scientifique sur ce sujet que je publierai dans le courant de la semaine prochaine. Je mettrai un lien.

      • L’augmentation du temps de travail sans compensation est de toute façon une mesure qui dans la majorité des cas ne peut pas fonctionner, car une entreprise ne gagne pas d’argent avec ce qu’elle produit, mais avec ce qu’elle vend. En augmentant le temps de travail, on diminue les coûts par pièce mais pas les coûts totaux: pour que la mesure soit donc efficace, il faut également pouvoir vendre ce que l’on produit en plus, et il n’existe pas beaucoup de marchés où l’on peut vendre d’un coup 10 % de marchandises en plus.

        Il est à craindre que de nombreuses entreprises se servent de l’Euro pour masquer tous les autres problèmes (internes) qui contribuent également à amoindrir les bénéfices. On pourrait par exemple miser sur la qualité: travailler mieux et plus précisément afin réduire les provisions pour risques, conneries et autres imprévus…

        • Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ton analyse: si on diminue le coût par pièce, on peut vendre les pièces en question moins cher, donc baisser ses prix, non? Cela dit, la quête d’une meilleure qualité pour le meilleur prix doit continuer, même en période où le franc a un meilleur cours. Mais c’est une mesure qui n’a aucun impact sur le taux de change et dont l’efficacité peut être réduite à néant par une variation ultérieure de ce dernier.

          • Petit exemple numérique.

            Une entreprise fabrique un produit A.
            Les coûts fixes s’élèvent à 100, les coûts variables à 1 par pièce. Si l’entreprise produit 1000 pièces, les coûts totaux sont de 1100 et le coût par pièce de 1.1

            Admettons maintenant que les employés travaillent 5% de plus au même salaire et pour simplifier disons que ça implique 5% de pièces produites en plus. Les coûts fixes sont toujours de 100 (même salaire) et les coûts varables toujours de 1 par pièces (matières premières, électricité par pièce ne changent pas), sauf que maintenant, on produit 1050 pièces. Les coûts totaux sont alors de 1150 (augmentation) et le coût par pièce est alors de 1,095 (diminution)

            Comme les coûts totaux ont augmenté et que le prix de vente n’a pas bougé, je suis obligé d’augmenter le nombre de pièces vendues si je veux maintenir le bénéfice.

            Si je diminue le coût par pièce sans augmenter les ventes, je peux espérer maintenir le bénéfice par pièce, mais pas le bénéfice « total », qui finalement est déterminant.

    • Oui, dans une entreprise qui réalise 95 % de son chiffre d’affaire à l’étranger, et qui pert plus d’argent suite à des erreurs de gestion de projet qu’à l’€.

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