La classe politique vaudoise ne doit pas s’auto-libérer des tutelles et curatelles

Les tutelles et curatelles empoisonnent la vie de nombreuses vaudoises et de nombreux vaudois, désignés souvent sans égards à leurs compétences, vies familiale ou professionnelle, parfois de manière arbitraire et toujours sans qu’ils puissent refuser cette lourde charge. Le canton fait ainsi de substantielles économies en déléguant à ses citoyens, même contre leur gré, la tâche pourtant capitale de prendre soin des plus faibles.
Il s’agit certes d’une règle fédérale à laquelle le canton ne peut déroger: Les autorités tutellaires ont la possibilité d’obliger n’importe quel citoyen ayant moins de 60 ans ou plus de quatre enfants à assumer la charge de tuteur ou curateur (art. 382 et 383 du Code Civil). Tous les autres cantons s’arrangent pour confier ces charges à des professionnels, tant pour le bien des pupilles que pour la tranquillité des citoyens. Seul le canton de Vaud applique la règle fédérale à la lettre, même si elle mène à un nombre croissant de situations kafakaïennes (dont on peut avoir un petit aperçu à la lecture des témoignages de tuteurs/curateurs publiés sur le site d’action-tutelles).

Les élu-e-s: souvent désignés tuteurs
Mais la règle fédérale permet aussi aux cantons d’exempter certains membres des autorités cantonales de la charge de tuteur/curateur (art. 383 CC). Dans le canton, c’est le cas des conseillers d’Etat, du Chancelier, du procureur général ou des préfets (art. 97 LVCC). Une motion sur laquelle le Grand Conseil doit bientôt se prononcer propose d’élargir cette exemption aux députées et députés ainsi qu’aux conseillères et conseillers communaux des grandes communes. Cette proposition part du constat qu’exercer un mandat politique, ou tout simplement se porter candidat aux élections, entraîne presque fatalement une désignation comme tuteur ou curateur ou du moins augmente très nettement les chances de désignation. On a par exemple vu la quasi-totalité de la liste de la «fourmi rouge» à Renens ou de celle de «Vevey libre» être désignée à cette charge. Par le plus grands des hasards, bien entendu. On ne peut pas nier que de telles pratiques, qui ont toujours cours et au sujet desquelles le groupe socialiste a récemment demandé des explications au Conseil d’Etat, sont de nature à décourager les citoyens de s’engager en politique ou dans des associations (les responsables associatifs ayant aussi souvent tendance à tomber dans les filets des tutelles/curatelles, là encore par le plus grand des hasards). Bref, en imposant de telles charges aux personnes qui s’engagent pour la communauté, on risque de voir l’engagement citoyen diminuer, ce dont tout le monde pâtirait.

La classe politique ferait une erreur en reportant le problème sur les autres citoyens
Toutefois, je ne soutiendrai pas la motion visant à exempter nommément les élu-e-s des tutelles (même si, en tant que député, je ferais partie des bénéficiaires). En effet, il serait catastrophique que les élu-e-s décident de reporter le problème sur le commun des mortels. En acceptant cette motion, la classe politique vaudoise donnerait l’impression de se laver les mains, de ne prendre que son propre confort en compte et de laisser l’immense majorité des citoyens se débrouiller tous seuls. Cette attitude serait injustifiable. Et ne manquerait pas de provoquer un tollé.

Des solutions globales
Plutôt que de lancer un signal désastreux à la population, les député-e-s doivent maintenant empoigner sérieusement le problème des tutelles et curatelles. Le groupe socialiste a par exemple déposé plusieurs interventions parlementaires sur le sujet visant à ce qu’il n’y ait plus de nominations arbitraires, que les citoyens puissent refuser une tutelle, que ceux qui en acceptent une soient mieux soutenus et que les cas de tutelle les plus lourds soient dans tous les cas confiés à des professionnels. Les socialistes seront également attentifs aux nouvelles propositions que le Conseil d’Etat devrait bientôt rendre public, en complément à un premier rapport (publié il y a une année environ) incomplet, contenant de nombreuses affirmations erronées et n’apportant pas l’once d’une solution à cet épineux problème.

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