Succès à posteriori de l’initiative pour des places d’apprentissage

Le 18 mai 2003, le peuple et tous les cantons rejetaient l’initiative «pour des places d’apprentissage» (lipa) par près de 69% de «non», malgré une belle campagne menée par des centaines de jeunes militant-e-s. Cette initiative avait été lancée par la jeunesse syndicale, la jeunesse socialiste suisse (JSS) et le conseil suisse des activité de jeunesse (CSAJ). L’USS l’avait soutenue avec énergie. Malheureusement elle avait été soumise au vote populaire lors d’un dimanche de votation battant tous les records, car il ne comportait pas moins de… 9 objets fédéraux, dont 7 initiatives provenant des syndicats, de la gauche, des milieux de défense des locataires, des handicapés ou de l’environnement. Conseil fédéral, partis bourgeois et milieux patronaux avaient donc eu beau jeu de prôner un «non» indifférencié à toutes les initiatives.
Mais l’initiative n’a pas été – et de loin – la débâcle que l’on pourrait croire de prime abord. Au contraire, elle a eu un impact positif sur la politique du conseil fédéral (qui dut mettre sur pied une «task force place d’apprentissage 2003» pour ne pas se trouver à court d’arguments contre l’initiative), sur la révision de la loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr) et surtout sur les actions des cantons en faveur des places d’apprentissage. Et, 6 ans après le vote populaire, elle continue d’avoir de l’influence.
Preuve en est la multiplication des fonds pour la formation professionnelle dans les cantons. Ce modèle de répartition solidaire des frais de formation entre toutes les entreprises et non pas entre les seules entreprises formatrices avait fait ses preuves dans les cantons de GE, FR et NE. L’initiative pour des places d’apprentissage s’appuyait sur ce modèle de fonds. Qui a essaimé dans tous le pays, malgré le refus de l’initiative. Depuis 2003, 5 nouveaux cantons se sont dotés d’un tel instrument: VS (2007), JU (2007), ZH (2008), TI et VD (2009). A chaque fois, les parlements cantonaux, tous à majorité bourgeoise, ont été convaincus par l’efficacité du fonds cantonal, auquel cotisent toutes les entreprises et dont les montants sont répartis entre les entreprises qui forment, ce qui encourage les entreprises «resquilleuses» (4 sur 5!) à former. Et, alors que l’initiative des jeunes avait échoué en vote populaire, c’est un vote populaire qui a adoubé le principe du fonds qu’elle défendait: au JU et à ZH, le fonds a été plébiscité par près de 60% des votants (au JU un peu plus; à ZH un peu moins), suite à des référendums lancés par des associations patronales jusqu’au-boutistes. Erreur que les patrons vaudois se sont empressés de ne pas commettre: Avant même de connaître le résultat des urnes jurassiennes et zurichoises, ils s’étaient déclarés favorables au modèle préconisé par l’initiative. Et, lors des débats parlementaires qui viennent de s’achever, plusieurs députés représentant les milieux patronaux ont multiplié les louanges envers le fonds cantonal, parlant de projet «utile» et «encourageant l’équité entre les entreprises formatrices et non-formatrices».
Cependant, tous les cantons ne sont pas encore gagnés à la cause des fonds pour la formation professionnelle. En effet, dans plusieurs cantons où syndicats et PS demandent la création d’un tel instrument (BS, SO, SG), les partis bourgeois mettent les pieds au mur, parfois pour des raisons purement idéologiques, malgré les exemples probants chez leurs voisins, parfois parce qu’ils préfèrent privilégier les fonds de branche. Ces fonds se basent sur le même principe de financement solidaire que les fonds cantonaux, mais ils ont le défaut d’être limités à une seule branche, en général une branche où la formation duale est déjà bien développée et de ne couvrir que 8% des salariés. Un fonds cantonal a l’avantage d’encourager la formation dans toutes les branches, y compris dans celles qui ont un fort potentiel, mais pas de tradition formatrice.
Cet épilogue (provisoire) prouve que l’initiative des jeunes en faveur de la formation professionnelle a été clairement un succès et que la mobilisation syndicale en valait la peine, même si on pouvait penser plutôt le contraire à l’heure du résultat des urnes. Il montre que l’engagement des syndicats en faveur de la création des places d’apprentissage a été payant sur le long terme et qu’une défaite dans les urnes ne doit jamais être un prétexte à baisser les bras. 6 ans après l’initiative «lipa», la hausse à venir du chômage des jeunes doit nous inciter à poursuivre nos efforts. Les fonds cantonaux devront notamment se montrer à la hauteur des enjeux de la crise: ils devront démontrer qu’ils sont capables de débloquer des moyens en faveur de la création de places d’apprentissage alors que les entreprises licencient. 

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