Rolex Learning Center EPFL*

*«centre d’apprentissage d’une haute école universitaire publique sponsorisé par une grande marque de montre». (le français semble banni de l’EPFL, le site du centre d’apprentissage n’est qu’en anglais…)
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J’étais hier soir l’invité du journal de 19h00 sur la TSR pour commenter la pose de la première pierre de ce centre d’apprentissage etc.

Ce partenariat public privé est très inquiétant. C’est un signe d’une privatisation rampante de la formation. Le risque est en effet très élevé que les pouvoirs publics, voyant que l’EPFL arrive a financer une des ses infrastructures centrales, dont une bibliothèque, grâce à des fonds privés, se désengagent encore plus et lui disent «débrouillez-vous», dès qu’il s’agira d’obtenir des crédits. Les privés seront ravis, et ils ne viendront pas gratuitement. Ils souhaiteront avoir de l’influence sur le contenu des cours et de programmes de recherches. On nous promet certes que les sponsors du «centre d’apprentissage» (outre rolex, il y a nestlé, le crédit suisse, losinger, etc.) ne demandent rien en échange de leur soutien financier (outre le fait de pouvoir pavoiser grâce à une école réputée dont la réputation s’est construite grâce… aux deniers publics!). Mais des garanties sérieuses que cette prise d’influence se limitera vraiment aux relations publiques, néant.

D’autant plus que les grandes entreprises ont un intérêt direct à contrôler la formation. Elles manquent d’ingénieurs et considèrent les hautes écoles comme des fournisseurs de main d’oeuvre. Les milieux économiques revendiquent d’ailleurs que les hautes écoles adaptent leurs programmes d’enseignement et de recherche aux besoins du marché du travail et de l’économique. Niant ainsi la vocation universelle des universités: La formation doit profiter à la société, pas aux sociétés.
Autre grave inquiétude: Le président de l’EPFL prétend qu’une telle réalisation ne serait pas possible s’il fallait uniquement compter sur l’argent public. Et sous-entend donc que la privatisation (ou du moins une privatisation partielle) serait nécessaire et inéluctable. Rien n’est moins vrai. En effet, investir dans le formation est extrêmement rentable pour les pouvoirs publics (les privés l’ont d’ailleurs bien compris). Il est toutefois probable qu’avec le recul du PS et la montée de l’UDC aux chambres fédérales, le parlement sera moins enclin à soutenir la formation. Mais il n’en demeure pas moins que les moyens pour soutenir les universités sont bel et bien là. La majorité bourgeoise trouve en effet toujours de quoi financer les cadeaux fiscaux, p. ex. la réforme de l’imposition des entreprises II, malgré leur inefficacité. Il ne devrait donc pas être bien compliqué de trouver les moyens d’investir dans la formation, où un franc investit en rapporte au moins trois en quelques années.

4 réflexions sur « Rolex Learning Center EPFL* »

  1. Salut JC,

    En tant qu’ancien élève de l’EPFL et aujourd’hui à la solde la méchante industrie, je me permets quelques remarques:

    – Je ne sais pas ce que peut bien vouloir dire une « université à vocation universelle » (un peu pompeux, tu ne trouves pas?), ce qui par contre est certain, c’est que l’EPFL ne forme que des ingénieurs et qu’une grande majorité de ces ingénieurs travaillent ensuite dans l’industrie. Depuis toujours, une partie importante des travaux effectués dans les différents laboratoires sont soutenus et financés par l’industrie; le « Learning center » n’est qu’une autre facette de cette ancienne collaboration.

    – Je ne comprends pas vraiment tes craintes quant à l’influence des entreprises sur les cours: les deux premières années, c’est des maths et de la physique de base: comment une entreprise influencerait-elle les cours de géométrie analytique ? Même Rolex ne peut pas réinventer la définiton d’un produit vectoriel ! Et supprimer la géométrie analytique n’est pas une solution non plus, car c’est un élément fondamental pour la simulation des mouvements horologers, par exemple !

    – Tout produit industriel est une oeuvre multidisciplinaire: il n’existe pas « d’ingénieur de montre », capable à lui tout seul de produire LA Rolex: il faut comprendre les problèmes liées au matériaux, à la mécanique, à l’électronique, à la gestion de production, etc…si donc Rolex veut s’appuyer sur l’EPFL, elle doit le faire dans de nombreux domaines pour que ça apporte quelque chose: la diversité dans la recherche reste donc assurée.

    – Pour finir, un commentaire un peu hors sujet sur ta remarque sarcastique sur le fait que le site web du Learning center n’existe qu’en anglais. Au temps de mes études, il était question de n’enseigner qu’en anglais au 2ème cycle, sous prétexte que l’anlgais est LA langue de l’ingénieur; je ne sais pas si entre temps cette idée s’est réalisée, mais après 4 années d’industrie, je peux affirmer que ceux qui croient que l’anglais est LA langue de l’ingénieur…se trompent lourdement. Il y a certes beacoup de gens qui parlent l’anglais, la la majorité des gens ne le parle pas: il n’y a qu’à essayer de vendre une usine en Amérique du Sud pour se rendre compte que l’espagnol y est bien plus utile (ou le portugais au Brésil); et il n’y a même pas besoin d’aller si loin: impossible de réaliser un projet en anglais en France, en Espagne ou au Pays-Bas: la langue contractuelle est toujours la langue nationale du client.

    Au plaisir

    Reto

  2. Effectivement, ce n’est pas demain la veille que Rolex, ou n’importe quelle autre entreprise, pourra véritablement peser sur le début du cursus. La haute école qui laisserait faire sera décrédibilisée. En revanche, des « sponsors » pourraient user de leur influence pour que la suite des plans d’études soient taillés à leur mesure. Certes, l’EFPL ne délivrera pas de diplômes d' »ingénieurs en montres » (ce qui serait, tu as aussi raison, une absurdité), mais pourrait être incitée à modifier, même si ce n’est que légèrement, ses plans d’études et ses programmes de recherche en fonction des souhaits de ses bailleurs de fonds. Le danger est à mon avis réel pour la liberté de la recherche et de l’enseignement.
    Loin de moi l’idée de supprimer les collaborations avec l’industrie. Là encore, ce serait peu crédible. Mais il s’agit de définir qui finance quoi, et avec quels intérêts et quelles contre-parites. Et là, en ce qui concerne l’enseignement, la recherche et les installations vitales (p. ex. une bibliothèque), je soutiens que c’est uniquement le secteur public qui doit s’en charger. Et qu’on ne vienne pas me rétorquer que l’argent manque!

    Enfin, par rapport à l’anglais, je trouve extrêmement regrettable qu’une haute école publique, financée par de l’argent public, ne se donne même pas la peine de traduire son site dans les langues officielles, même pour un projet précis, même si c’est plus frime et plus vendeur de dire « learning center ». Je pense que toute la population, même si elle ne bénéficie pas directement des prestations de l’EPFL, doit pouvoir s’informer dans sa langue de ses activités. Payées par ses impôts, d’ailleurs.
    Mais cela ne veut pas dire qu’il faut empêcher ceux qui en ont besoin de parler anglais, et je reconnais que c’est indispensable dans de nombreux domaines scientifiques.

  3. Cher Monsieur Schwab,

    Vous étiez un ancien collègue-étudiant de l’une de mes filles, je vous ai, avec toujours le même plaisir, suivi dans vos défenses citoyennes de toutes sortes, avec le même intérêt que je soutiens « bec et ongle » votre collègue
    Cyrill Mizrahi ici à Genève (l’un de mes proches amis) sur tous les points de vue liés à la discipline du droit qui vous est commune.
    J’installe ma confiance pour le futur immédiat uniquement sur vos thèses, celles des jeunes socialsites (ou ex-JS)-j’aimerais pouvoir occulter définitivement de ma sphère citoyenne des  » personnages de l’apparence  » au lieu de vrais politiques…) tel que Moritz Leuenberger dont je suis l’aîné d’à peine 9 jours.
    Ma critique à son encontre est fondée sur des évènements vécus quasiment en communs lors d’évenements passés dans le milieu industriel de la communication (médiatique et routière). Je fus consterné à chaque évenement par sa démonstration d’ego demesuré confinant à un certain degré démagogique.
    La classe de 1946, formée durant la forte mouvance de notre époque n’a jamais eu pour diktat de donner la leçon en permanence sur tout et…n’importe quoi aux concitoyens-amis de notre pays.
    Les taxes…de toutes sortes, BIllag- vignette pour vélo – Taxe écobilan – etc..sans compter la classification / LCR comme par exemple: dire d’un con-ducteur ayant dépassé la vitesse prescrite et ayant écopé d’une privation de conduite de 3 mois, que ce même conducteur est désormais de…
    Mauvaise réputation!!!…Ceci suffit à me faire oublier le respect dû à toute autorité quelconque soit-elle pour pratiquer avec délectation l’indifférence dans une certaine anarchie d’idées!
    Vous me direz qu’il y a une très grande distance entre ma vindicte ainsi exprimée et ce fameux….ROLEX leurningue sèntèr…
    Pas si sûr : une pléthore d’institutions publique didactiques arborent tout autant avec un degré d’arrogance rarement affiché dans notre récent passé
    des titres sinon pompeux du moins superfétatoires :
    HAUTE ECOLE DE ….(pédagogique, de soins…)
    HAUTE ECOLE DE…(gestion…)
    HAUTE ECOLE DE…(technologie etc…..)
    s’en suivent des mentions de disciplines de toute sorte, à partir d’une molécule de savoir on en fait une encyclopédie que l’on fixe dans le titre d’une de ces …Hautes écoles…

    Le résultat attendu à la sortie de ces Hautes écoles n’est pas plus haut, ni même haut par rapport aux bonnes formules de notre époque passée…
    on était étudiant ou élève d’une école d’agriculture ou d’un technicum ou de l’unversité…Ces HAUTES ECOLES : du Bologne hyper globalisé sur quoi aucun pédagogue n’a prise!

    Voilà, cher Monsieur Schwab, mon « coup de gueule » que je veux sympatique en dépit du profond sentiment d’opposition à ces nouvelles identités faussement contemporaines qui m’anime.
    Si vous le rencontrez, mes remerciements vont aussi à Mr. P.Y.Maillard seul digne représentant sur l’arc lémanique d’une société à la recherche de son mieux-être-Mr. Maillard fait figure d’exemple à imiter – à Genève on vit au jour le jour dans la vacuité et le bling bling politique le plus triste et le plus risible – de Longet à Hiltpold en passant par des Stauffer, Müller ou Rochat, une exception, la seule :
    notre argentier David HILLER, l’académicien dévoué à son dicastère sans àpriori politique – un bel exemple également.

    Très cordialement,
    Danyel Tinguely
    18, rte d’Hermance
    1222 Vésenaz
    079 448 90 63

  4. Entièrement d’accord avec vous pour regretter l’appellation du nouveau Centre d’apprentissage de l’EPFL : l’anglomania sévit à nouveau jusqu’à la prestigieuse Ecole, située en plein coeur de la Suisse romande, encore publique à notre connaissance…
    Les généreux sponsors privés ont-ils imposé cette dénomination, qui sonne « branchée » ou plutôt « mondialisée » comme le capitalisme auquel s’identifient ces multinationales, qui bien souvent imposent l’anglais comme langue de travail dans leurs centres administratifs romands ! C’est le triomphe du « global english », langage de facilité qui nivelle tout sur son passage, y compris dans nos grandes régies fédérales, n’est-ce-pas Swisscom, « directories », j’en passe et des meilleures.
    Alors que la Suisse francophone s’apprête à accueillir l’automne prochain le Sommet de la francophonie à Montreux, on aurait espéré que nos autorités se montrent davantage respectueuses pour notre belle langue française !

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